Discours sur l’Égalité entre les femmes et les hommes à l’Assemblée nationale

Discours à l’Assemblée Nationale pour l’examen du Projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes du Lundi 20 janvier 2014.

Monsieur le Président,

Monsieur le Président de la Commission des Lois

Monsieur le rapporteur,

Madame la Présidente de la délégation aux droits des femmes,

Mesdames les rapporteures des commissions saisies pour avis

Mesdames et Messieurs les Députés,

Homme ou femme : chacune, chacun d’entre vous représentez la Nation toute entière, composée à part égale de femmes et d’hommes, qui sont toutes et tous, des citoyens égaux en droits, ainsi que le veut notre Constitution, ainsi que l’exigent les valeurs de notre République.

Une égalité qui vous le savez comme moi, est encore, à bien des égards, une déclaration, une intention. Disons ce mot que l’on s’interdit aujourd’hui trop souvent de prononcer, une utopie.

Une égalité sur le papier qu’il nous revient de faire advenir dans la réalité de la société française, effective dans la vie de toutes et de tous, si nous voulons tenir la promesse républicaine qui est le socle du modèle français, ce que nous avons de plus précieux en commun, à gauche comme à droite dans cet hémicycle.

Naître fille, demain en France, ne doit plus fatalement équivaloir à de moindres opportunités dans la vie, ni à entraver la liberté de se choisir un destin, et de le réaliser selon son mérite, ses capacités, ses envies et son travail, et non plus, selon son sexe et les préjugés qu’on y attache.

J’entends parfois l’argument – avançant le plus souvent masqué sous le couvert de quelque vertueuse interrogation juridique : est-ce que faire le choix de l’égal accès des sexes aux responsabilités dans la vie sociale, politique ou économique, ce ne serait pas, nier le mérite et les compétences ? Quelle erreur …. Et quelle hypocrisie… Comment ne pas admettre au contraire qu’en faisant le choix pendant des décennies de ne conjuguer les vertus et les talents qu’au masculin, on a foulé aux pieds, ce principe même d’égalité et de justice qui est l’ambition de notre République ?

Cette ambition de justice évidente que nous partageons, je l’espère et je le crois, comme une exigence prioritaire et transversale de l’action publique, passe d’abord par la mise en œuvre et l’application stricte des lois existantes : c’est la mission à laquelle je m’emploie chaque jour avec le Gouvernement depuis 20 mois, avec le concours du Parlement qui n’a jamais failli dans son soutien, et dans sa volonté de progresser sur ce chemin de l’égalité. Et c’est tout le sens de cette loi cadre : la mobilisation et la mise en mouvement de toute la société pour changer les comportements, changer les habitudes, changer notre conception d’un monde dans lequel les hommes prévaudraient sur les femmes, en vertu d’un ordre établi ainsi depuis des siècles, sinon depuis toujours, et que rien ni personne ne pourrait renverser.

Passer d’une égalité de papier à une égalité dans les faits.

C’est tout l’enjeu du texte que nous examinons aujourd’hui. Il n’y a là aucun paradoxe. Il faut faire une loi pour que les lois deviennent réalité. Il faut renforcer les sanctions quand elles existent. Il faut créer de nouveaux mécanismes de régulation, quand cela est possible. Il faut simplifier les négociations pour que l’égalité devienne incontournable dans l’entreprise. Il faut innover, expérimenter. Il faut surtout donner un sens unique, une direction partagée, des repères, à toutes les forces de bonne volonté qui dans notre société sont en train de construire l’égalité.

Vous le savez bien, dans cette Assemblée qui a pris toute sa part dans la longue histoire du combat pour les droits des femmes : ce n’est pas la première fois, et sans doute pas la dernière, que vous êtes amenés à légiférer en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, invités à donner des droits nouveaux aux femmes, à leur accorder des droits spécifiques, à prendre les dispositions nécessaires pour les protéger des discriminations, des inégalités, et des violences dont elles sont victimes, en tant que femmes, parce qu’elles sont femmes.

Cette histoire est celle d’une lente construction, étape par étape, engagée petit à petit à chaque fois que la société a été prête à accepter de franchir un pas nouveau en direction de l’égalité, dans tel ou tel domaine, à chaque fois que le volontarisme politique s’est fixé un objectif nouveau à atteindre.

A chaque fois que le volontarisme politique s’est imposé aux conservatismes, à chaque fois que le rassemblement a primé sur les divisions partisanes, notre pays a pu avancer sur le chemin tortueux de l’égalité: le moment est venu d’accélérer notre route.

Avancer, d’abord, pour ne pas reculer : c’est cela le combat pour les droits des femmes. Gardez-vous de croire, Mesdames et Messieurs les Députés, que l’histoire soit écrite d’avance. Gardez-vous de croire qu’elle chemine naturellement vers le progrès. Gardez-vous de penser que l’histoire n’a pas besoin de vous.

Je le dis sans détour. Les évolutions dans certains pays voisons ont créé une inquiétude. Elles nous montrent que nous ne sommes pas à l’abri d’un retour en arrière de 40 ans : tout défaut de vigilance, toute faiblesse dans l’approfondissement et la consolidation des droits acquis sont autant de brèches ouvertes aux vents mauvais de la régression.

Combien de témoignages ai-je reçu depuis d’inquiétude ai-je recu depuis quelques semaines. Alors je veux dire les choses avec la plus grande fermeté. La loi de 1975 n’est pas à débattre, pas à négocier. Nous n’accepterons aucun recul. Nous serons déterminés. Intransigeants. Intransigeantes. Toutes les entraves, toutes les tentatives de remise en cause, toutes les régressions, se heurteront à la poigne de l’Etat de droit

Le droit des femmes à disposer librement de leurs corps, à décider seules de leur vie, a été chèrement acquis. Il sera chèrement protégé.

. Votre Commission a supprimé la référence à la « situation de détresse » qui conditionnait l’accès à l’IVG. C’est une actualisation bienvenue de notre droit et le retrait d’une disposition, qui fut une concession dans le contexte des débats en 1974 et qui est heureusement devenue obsolète. Simone Veil avait accepté cette disposition à reculons en 1975. Elle s’était fermement opposée aux amendements proposés par la commission des lois qui suggérait de faire référence à « une situation de détresse grave et insurmontable ». Cinq ans plus tard, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de faire tomber cette référence dans un arrêt Lahache. Il a alors considéré que la référence à la situation de détresse n’est pas une condition. Elle “n’a ni pour objet, ni pour effet de priver la femme majeure du droit d’apprécier elle-même si sa situation justifie l’interruption de sa grossesse. » Votre Commission des lois a souhaité enfin tirer toutes les conséquences de cette jurisprudence et mettre le droit en conformité avec la pratique. Elle a poursuivi ainsi une démarche similaire à celle qui nous avait conduits en 1982 a prevoir le remboursement de l’IVG par la securité sociale puis en 1994 à supprimer l’incrimination d’interruption de grossesse du code pénal. Sur ce sujet plus que sur tout autre, nous écrivons les lois ensemble.

Je vous le demande. Restons dans ce consensus. Je le dis notamment a ceux qui dans l’opposition ont deposé des amendements pour que l’IVG ne soit plus remboursé par la sécurité sociale. Restez dans le consensus républicain qui existe depuis 1975 sur ce droit si essentiel. Le droit à l’Interruption Volontaire de Grossesse, nous l’avons construit ensemble. Il fait partie de notre patrimoine commun. Préservons l’ensemble. Loin des passions inutiles et des manœuvres dilatoires. Envoyons un message clair aux femmes qui nous regardent. Il est plus que temps de faire à nouveau bloc. Et j’espère que nos débats en seront l’illustration.

Votre Assemblée a été au cœur des combats pour les droits des femmes. Au moment d’ouvrir un nouveau débat parlementaire, je voudrais faire appel à cette histoire et formuler le souhait que nous en soyons digne. J’y fait appel pour nous amener à trouver l’intelligence collective, la volonté et la force qui sied à ce débat.

Avec ce texte, c’est la première fois qu’un projet de loi s’attaque de manière globale à tous les enjeux, avec un ensemble d’objectifs coordonnés : l’égalité professionnelle et la lutte contre les discriminations entre femmes et hommes au travail, la lutte contre les violences et les stéréotypes sexistes, la lutte contre la précarité, l’égal accès entre les femmes et les hommes aux responsabilités politiques, sociales et professionnelles, avec une parité qui ne s’applique plus seulement au champ politique, mais à toutes les institutions dans lesquels les forces de la société civile participent à la construction et au devenir de la Cité.

Ce texte aborde aussi des enjeux nouveaux. Celui de la place des pères dans l’éducation des enfants et les temps de la vie personnelle, les conséquences des divorces et des séparations dans l’économie de la famille, la place, sans oublier le rôle et l’image des femmes dans les medias et dans la culture dans une société de l’information et du divertissement envahie par les écrans.

Il ne s’agit plus seulement de réparer les lacunes, bien réelles, de combler les carences, très graves, mais d’installer une véritable logique législative qui affirme l’égalité comme un tout, un ensemble cohérent, et qui se donne pour ambition de parvenir à l’égalité réelle, à l’échelle d’une génération.

Il faut, pour cela, accepter, comme l’ont fait les Sénatrices et les Sénateurs avant vous, de se pencher sur des sujets nouveaux, d’adopter un regard différent, et d’aller débusquer les causes les plus profondes des inégalités, où qu’elles soient, conscientes ou inconscientes.

Au regard du travail que nous avons d’ores et déjà accompli pour enrichir ce texte, je sais pouvoir compter sur une volonté commune d’aboutir à une loi ambitieuse, et la plus efficace possible. C’est le sens des propositions que je reçois chaque semaine de votre délégation aux droits des femmes, toujours à la pointe du combat pour l’égalité, et dont je salue la présidente Catherine Coutelle. C’est le sens du travail de votre Commission des Lois qui, sous la houlette de son Président que je salue, a mené avec les rapporteurs des commissions sollicitées pour avis, Mesdames Orphée et Tolmont, un travail novateur, de grande ampleur. Un mot particulier pour votre rapporteur, Sébastien Denaja, dont le travail a fait considérablement progresser ce texte non seulement sur le plan juridique, mais aussi en proposant des solutions équilibrées sur plusieurs dispositions que le Sénat avait initiées sans trop en évaluer les effets.

Pour la première fois, nous abordons de front la question d’une répartition des tâches plus équilibrée au sein des ménages.

Pourquoi ? Parce que c’est le taux d’emploi des femmes qui en dépend, comme leur accès aux responsabilités professionnelles, mais aussi l’implication des pères dans la vie familiale, que votre commission a d’ailleurs souhaité renforcer en apportant des garanties et une légitimité nouvelles aux pères qui font le choix d’être auprès de leur compagne avant, et au moment de l’arrivée de l’enfant.

Egalité professionnelle, et prise en compte des enjeux de société que représentent les politiques d’égalité pour les hommes: voilà deux dimensions essentielles de ce texte que je souhaiterais mettre en avant, et que nous gardions à l’esprit tout au long de notre discussion.

C’est le sens, bien sûr, de la réforme du congé parental que je propose : pour le premier enfant, six mois s’ajouteront aux six mois actuels à condition qu’ils soient pris par le deuxième parent. A partir du deuxième enfant, une période de partage sera instaurée – aujourd’hui fixée à 6 mois maximum sur les trois ans, et dont le bénéfice ne sera accordée qu’à la condition d’un partage du congé avec le deuxième parent.

Il faut commencer par là, mais il ne faudra pas s’en contenter : l’objectif, c’est le changement des comportements, c’est la réorganisation des entreprises, avec, à la clé une liberté nouvelle pour les familles de s’organiser comme elles l’entendent vraiment, et non pas comme les traditions héritées du passé entendaient qu’elles le fassent. Les hommes d’un côté, les femmes de l’autre.

Sur ce sujet, votre assemblée avait fait de longue date des propositions. Je pense en particulier à l’excellent rapport de Marie Françoise Clergeau, dont nous nous sommes inspirés. La réforme que nous dessinons est une étape pour aller dans le sens de ces propositions et nous nous mettons dès à présent en condition de définir les étapes ultérieures. les propositions que votre commission a adoptées visant à expérimenter un congé optionnel plus court et mieux rémunéré iront dans cette direction : s’adapter aux familles en leur ouvrant de nouvelles possibilités pour construire de nouveaux équilibres et avec une préoccupation majeure : Tout faire pour remettre les femmes sur le chemin de l’emploi qui est aussi celui de l’insertion sociale et professionnelle et donc d’une véritable autonomie et indépendance économique. Tout faire pour donner aux femmes les moyens de se réinscrire dans leur environnement de travail au retour du congé parental ou de faire valoir leurs droits lorsqu’elles on victimes de discrimination.

Notre objectif avec ce passage du complément de Libre Choix d’Activité à la prestation partagée d’éducation de l’enfant, c’est d’obtenir le même effet qu’en Allemagne, ce qui revient à faire le pari que 100 000 pères opteront pour cette nouvelle prestation d’ici 2017 contre seulement 18000 aujourd’hui.

Cette réforme ne peut être isolée pour réussir, elle s’accompagne de l’effort inédit que réalise le gouvernement pour développer des services d’accueil pour les jeunes enfants. Nous allons financer, d’ici 2017, 275 000 solutions d’accueil supplémentaires pour les moins de 30 ans dont 100 000 places de crèches. C’est un effort de plus d’un milliard d’euros d’ici 2017 qui passe par le Fonds national d’action sociale de la branche famille. Nous consacrons aujourd’hui 1,7 mds euros à ce poste. En 2017 ce sera 2,8 Mds euros, soit une progression de 55%.

C’est un effort historique, et si la réforme du congé parental venait à dégager des économies, nous les affecterons en priorité au renforcement de ces moyens.

Vous noterez d’ailleurs que nous avons aussi pensé aux parents qui ne trouveraient pas, malgré ces nouvelles places, de solution d’accueil. Nous avons créé dans le texte au Sénat un dispositif de « jonction » pour les couples modestes au sein desquels l’un des deux parents travaille et qui n’ont pas reçu de réponse positive auprès d’une crèche et de l’école maternelle. Pour eux, le versement de la prestation liée au congé parental sera prolongé au-delà du 3ème anniversaire de l’enfant jusqu’à la rentrée scolaire de septembre où les parents ont de droit une place à l’école pour leur enfant. C’est un droit nouveau pour une difficulté ancienne vécue par de nombreux parents.

Enfin, il fallait penser au retour à l’emploi des femmes en particulier. Ce texte institue un véritable droit à l’accompagnement professionnel à l’issue du congé parental. Finie la placardisation au retour d’un congé parental. Pour les salariés, qui ont droit à une réintégration dans l’emploi, nous prévoyons la possibilité de bénéficier d’un entretien avant la reprise de poste. Finie la fatalité des périodes de chômage à rallonge pour celles qui n’ont pas de perspective immédiate de retour à l’emploi, un dispositif d’orientation et d’accompagnement renforcé sera mis en place entre les Caisses d’Allocations Familiales et Pôle Emploi, un an avant la fin des droits.

Un bilan de compétences leur sera proposé aux femmes et aux hommes concernés, et en lien avec les Régions, des offres de formations adaptées et un accompagnement personnalisé leur seront offertes pour faciliter le retour en emploi.

Votre commission des lois a enrichi ce texte de mesures favorisant l’engagement du deuxième parent au moment de la grossesse, et suite à l’accouchement, en autorisant l’absence pour le conjoint salarié de la femme enceinte afin qu’il puisse se rendre à trois des examens médicaux obligatoires dans le cadre d’une grossesse. Le texte prévoit de même la protection contre le licenciement pour les hommes salariés au cours des quatre semaines qui suivent la naissance de leur enfant, c’est un frein de plus à l’utilisation de congé paternité et congé parentaux qui est levé.

Ce nouveau contexte que la loi va créer agira progressivement sur les comportements et les organisations de l’égalité dans le travail, dans les responsabilités domestiques, dans le bon équilibre de ces temps un réflexe pour les hommes comme pour les femmes.

L’égalité professionnelle doit redevenir un passage obligé du dialogue social dans les entreprises. Il fallait donc renforcer le cadre qui permet de négocier, qui permet de garantir les droits que nous avons inscrit dans le code du travail depuis plus de 40 ans : c’est l’égalité dans les rémunérations, c’est l’égalité dans le déroulement de carrières… ce sont de nouvelles garanties pour les faire respecter !

Le passage de ce texte au Sénat a été l’occasion de transposer les articles à portée législative de l’Accord national interprofessionnel que les partenaires sociaux ont conclu le 19 juin 2013.

Nous unifions, et nous rendons plus efficace la négociation sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise. Cette négociation devra définir et programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre femmes et hommes. Cette négociation sera effective grâce au rôle nouveau des rapports de situation comparée qui seront désormais le point de départ de toute discussion.

En complément de ces évolutions, le projet de loi crée un dispositif nouveau pour amener les branches à négocier sur les classifications des emplois afin d’assurer la revalorisation des emplois à prédominance féminine. Beaucoup de ces classifications sont datées et induisent encore une moindre valorisation des emplois principalement occupés par les femmes malgré leur utilité sociale avérée. Nous avons repris les travaux du défenseur des droits sur cette question. Avec Michel Sapin, nous avons saisi les partenaires sociaux sur ce sujet, qui ont lancé vendredi dernier leurs travaux. Les grilles de classifications sont le substrat sur lequel se construisent les premières discriminations. Nous ne pouvons rester à la surface des choses.

Tout doit être fait pour amener les entreprises à l’exemplarité. Y compris agis sur le levier précieux de la commande publique. C’est le sens de la mesure prévoyant que les entreprises qui ne respecteront pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle ne pourront soumissionner à des marchés publics. Votre commission a fait œuvre utile en élargissant cette règle aux contrats de partenariat et aux délégations de service public.

Le but, ce n’est pas de restreindre l’accès à la commande publique, évidemment, et notamment pour les PME ; c’est de les accompagner dans l’application des obligations en matière d’égalité et de faire de l’achat public, un achat exemplaire. D’autres pays l’ont fait avant nous avec succès, je pense au Québec ou à la Belgique. Cela devrait relever de l’évidence.

Assurer l’égalité professionnelle, c’est nécessairement aussi lutter contre la précarité des femmes en emploi et hors de l’emploi.

La loi de sécurisation de l’emploi a dessiné un nouveau cadre pour lutter contre les petits temps partiels trop souvent subis, contre les journées en miette et les rémunérations trop faibles qui les accompagnent. Des aménagements sont en cours qui ne reviennent pas sur l’essentiel : un minimum hebdomadaire de 24h qui bon an mal an va réussir à s’imposer dans les branches comme celle de la restauration rapide qui a trouvé un accord sur ce sujet la semaine dernière, des heures complémentaires revalorisées, des droits sociaux accrus notamment grâce à la réforme des retraites.

Vous avez déposé de nombreux amendements sur ce sujet et je dois vous le dire. Je comprends votre impatience. Je dirais même que je la partage. Nous donnons encore quelques mois aux branches pour avancer sur ces sujets et nous les accompagnerons avec, au besoin, des conférences de progrès comme je l’ai fait en novembre de l’année dernière dans le secteur de la propreté et du commerce. Ce travail nous a permis de faire prévaloir au sein de la puissance publique le recours au mieux disant dans le recours aux entreprises de nettoyage, pour nous assurer que les salariés, essentiellement des femmes puissent exercer dans des horaires adaptés, en continu, avec des opportunités de progression plutôt que dans une logique de précarité.

Mais des progrès sont encore nécessaires, notamment sur la question du droit d’accès aux arrêts maladie. Je le dis notamment à Catherine Coutelle, qui a déposé un amendement sur ce sujet qui n’a pas franchi la contrainte de l’article 40. Nous sommes en train de travailler très activement sur ce sujet de l’accès aux arrêts maladie pour les petits temps partiels qui en sont aujourd’hui exclus. Cela ne relève pas de la loi mais du décret. Mais une mesure s’inspirant de votre proposition est à l’étude qui sera annoncée très prochainement.

Pour lutter contre la précarité, nous avons posé les bases dans ce texte d’un nouveau service public qui proposera demain une garantie contre les impayés de pensions alimentaires. Une promesse trop longtemps faite sans être tenue.

Qui ne sait pas que la précarité a aujourd’hui trop souvent le visage d’une femme seule à la tête d’une famille monoparentale, trop souvent privée de cette ressource essentielle qu’est la pension alimentaire, qu’elle qu’en soit la raison… ce qui ne fait aucune différence sur le relevé de compte bancaire, en début, au milieu ou en fin de mois.

Ce dispositif est une marque supplémentaire de l’attention et du soutien que le Gouvernement porte aux « mamans solos » qui sont fortement touchées par la pauvreté.

Nous en avons fait un public prioritaire du plan de lutte contre la précarité et pour l’inclusion et cela a des traductions très concrètes : l’augmentation de l’ASF de 25 % d’ici 2018 (une première mesure interviendra en avril prochain), mesures de lutte contre le surendettement, accès facilité au compte bancaire entre autres.

Ce nouveau dispositif de sécurisation des pensions alimentaires viendra mettre un terme à la longue et lourde galère des mères isolées confrontées aux impayés de pension alimentaire. Il permettra aux Caisses d’Allocations Familiales de se porter à leur secours dès le premier mois d’impayé par le versement d’une allocation différentielle mais il n’exonèrera aucunement les parents défaillants de leur responsabilité bien au contraire puisqu’il renforce les voies de recours des CAF vers les mauvais payeurs.

La CAF fera l’avance, puis mettra en œuvre des moyens de recouvrement renforcés. Elle fera de la médiation auprès des familles, et donnera de l’information pour limiter les contentieux. Elle vérifiera que les parents défaillants n’organisent pas leur insolvabilité : ce n’est pas une généralité, mais cela arrive, ce n’est pas jeter l’opprobre sur les hommes que de regarder cette sinistre réalité en face.
Enfin, lorsque la pension alimentaire fixée en justice est d’un très faible montant (inférieur à 90€), la CAF viendra la compléter pour éviter la précarisation d’office des enfants dont les parents jouent le jeu sans en avoir les moyens. Oui, c’est un dispositif ambitieux global et pragmatique que le nouveau Service Public que l’on confie à celles qui connaissent le mieux la situation des familles : les CAF.

Je sais que certains d’entre vous voudraient généraliser ce dispositif avant même la préfiguration de 18 mois que nous proposons. J’ai vu les amendements du groupe UDI sur ce sujet qui sont un appel à faire davantage. Mais j’assume la méthode que j’ai retenue car elle est le moyen d’embarquer le plus grand nombre dans ce projet fédérateur et de caler les processus et les outils avant de les généraliser. J’assume cette nouvelle façon de faire la loi : pas dans l’incantation avec des dispositifs qui ensuite n’entrent pas dans les pratiques, mais au contraire en prenant le temps de la préfiguration pour tester les outils, identifier les meilleures réponses avec les usagers eux-mêmes et former les agents pour qu’ils se les approprient totalement et les utilisent vraiment.

Je crois en cette méthode, parce qu’elle est synonyme de rigueur, et de volonté d’effectivité. Le manque d’effectivité, c’est ce dont les droits des femmes ont trop longtemps souffert.
Vingt CAF, soit 1/5 des CAF participeront à la préfiguration de ce nouveau service public. C’est une masse suffisante pour tirer des enseignants significatifs et des bonnes pratiques généralisables. J’invite les députés concernés à suivre ces expérimentations avec nous, sur le terrain, en circonscription.

Nous aiderons aussi les familles modestes pour la prise en charge des frais de garde par des assistants maternels à travers un dispositif de tiers-payant qui leur évitera d’avoir à avancer des sommes importantes, trop importantes pour leur portefeuille. C’est une véritable mesure de pouvoir d’achat qui viendra résoudre ce choix cornélien pour les parents modestes, et en particulier les femmes : faire garder ses enfants ou s’arrêter de travailler parce que ça coûte quasiment aussi cher

J’en viens au troisième axe de ce projet de loi-cadre : lutter contre les violences faites aux femmes. Tout ce volet est évidemment articulé avec le 4ème plan de lutte contre les Violences faites aux femmes que j’ai annoncé en novembre, et qui est aujourd’hui mis en oeuvre.

L’effort que vous êtes nombreux à avoir demandé sur la formation des professionnels, nous le faisons enfin avec ce texte : dans la formation initiale et continue des personnels confrontés aux violences, il y aura désormais un module obligatoire sur les violences. Nous avons déjà engagé le travail avec les professions médicales ; en 2014, ce seront les travailleurs sociaux, les forces de police, les avocats, les magistrats qui seront engagés dans la même démarche.
Ce projet de loi, c’est d’abord plus de protection pour les victimes de violence, et ce à tous les stades.
Vous le savez tous, le dispositif de l’ordonnance de protection qui permet aux femmes victimes de violence de bénéficier d’une protection efficace même lorsqu’elles ne souhaitent pas porter plainte est un bon dispositif, mais il n’est pas assez mis en œuvre et comporte des lacunes. Nous le renforçons parce que nous croyons dans cette mesure que le Parlement a créée en 2010.

Je soutiendrai les amendements tendant à garantir la sécurité juridique de ce dispositif que votre assemblée a inventé. L’ordonnance de protection sera rendue plus efficace, d’une durée plus longue mais surtout pas plus périlleuse pour les victimes. Cela me conduira à soutenir l’amendement de votre rapporteur pour revenir sur l’injonction de soins et à vous proposer quelques amendements.

Nous protégeons davantage les victimes de violences lorsque :
– Nous inscrivons le principe de l’éviction du conjoint violent du domicile et pas le contraire ;
– Ou encore lorsque nous exonérons du paiement de taxes et de timbres les demandes de titres de séjour des femmes étrangères victimes de violences conjugales ou de traite. Vos amendements tendent d’ailleurs à clarifier encore sans doute quelques situations ambiguës rencontrées par les femmes étrangères victimes de violences, c’est une bonne chose.
– Plus de protection encore lorques nous prévoyons de mettre des téléphones d’alerte dans les mains des femmes en situation de grand danger, dans le cas de violences conjugales mais aussi dans le cas de viols, et ce quel que soit leur lieu d’habitation.
– Lorsque nous rendons exceptionnelle la médiation pénale pour les cas de violences conjugales.
Plus de protection enfin grâce au renforcement de la lutte contre le harcèlement, en particulier le harcèlement sexuel, à l’université par exemple, avec une mesure de dépaysement adopté par la Commission des Lois reprenant les travaux et l’engagement de longue date sur ce sujet de votre rapporteur mais aussi ainsi d’Axelle Lemaire.

Mais nous sommes allés au-delà de ces dispositions pour que l’on prenne mieux en compte les conséquences des violences conjugales, lorsque des mineurs en sont les victimes.

De manière directe ou indirecte les enfants au sein des familles sont toujours victimes de violences conjugales, avec des conséquences en chaînes aux effets dévastateurs, tragiques au sens propre du terme, avec des destins brisés qui se reproduisent dans l’ombre du secret, écrits à l’encre indélébile de la violence.

Ce chapitre violence crée enfin une mesure à laquelle je tiens tout particulièrement qui est le suivi des auteurs de violences et la prévention de la récidive parce qu’il ne suffit pas d’extraire une victime de mains de son bourreau ; parce qu’on sait que trop souvent les couples se reforment et les violences avec elles ; parce que l’auteur des violences les reproduira avec une autre: des stages de responsabilisation spécifiquement conçus pour les auteurs de violences sexistes et sexuelles se mettront en place, à leurs frais. Assurés par des professionnels et des associations, ils veilleront à mettre ces derniers face à la gravité de leurs actes et à combattre le déni qui est le terreau le plus fertile de la récidive.

Mais je tiens peut-être plus encore, à ce que nous prenions ici toutes nos responsabilités pour prévenir la violence, extirper le mal à la racine, dans cette représentation des femmes, si souvent faibles, si souvent inférieures, si souvent réduites au rang d’objet et de produit de consommation, si souvent victimes et si rarement à l’image de ce qu’elles sont aujourd’hui dans la société française, et encore plus rarement de ce qu’elle devraient être, c’est à dire des égales.

Des femmes actives, autonomes, émancipées, formées et diplômées, qui prennent toute leur part à l’économie et à la vie sociale de notre pays, des femmes qui réussissent, et qui contribuent à la construction de notre avenir, dans tous les domaines.

Cette juste représentation des femmes sur tous nos écrans est un enjeu majeur : j’ai souhaité que les missions et les compétences du CSA soient revues. Le régulateur aura désormais la responsabilité d’assurer le respect de l’image des femmes, et de promouvoir une représentation équilibrée de leur rôle dans la société: plus diplômées que les hommes, pourquoi seraient-elles condamnées plus longtemps à n’être que 20% des expertes invitées sur les plateaux des émissions d’information, à la radio comme à la télévision, quel que soit le domaine de savoir ou de compétence ?

Si nous voulons changer de société, il faut l’affirmer: les images dégradantes des femmes, les violences qui leur sont faites et les stéréotypes sexistes ne doivent plus y avoir droit de cité : la loi doit y veiller, contraindre et sanctionner.

Il en va de même, bien sûr, sur Internet et une première mesure à l’article 17 est prévue dans ce texte pour faire face à cet enjeu majeur. Nous sommes confrontés à un défi dont je mesure bien l’ampleur et la difficulté, puisque tout reste à penser sur cette question de la régulation des contenus dans le domaine du numérique, où la liberté d’expression et de création, l’absence de frontières, les zones de non-droit, la toute-puissance de quelques acteurs, et la technologie elle-même rendent si difficile une position d’équilibre, crédible, efficace, respectueuse des droits fondamentaux.

Mais je le dis ici très clairement: nous ne pouvons être en deçà des restrictions à la liberté d’expression fixées par la loi sur la presse de 1881. Un recul démocratique n’est pas acceptable: il faut donc permettre aux internautes de signaler aux hébergeurs les propos homophobes, handiphobes ou sexistes, comme c’est le cas pour les propos racistes, antisémites, l’incitation à la haine ou l’apologie des crimes de guerre, et rendre obligatoire leur suppression.
La liberté, nous dir la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. L’exercice des droits naturels de chaque homme a pour bornes celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Il revient à la loi de déterminer ces bornes. Oui, il vous revient à vous législateur de dire que le sexisme, sous ses formes les plus brutales comme les plus sournoises, ne relève jamais du simple mauvais goût, de l’inélégance, du trait d’esprit libre et impertinent que l’on appelle aujourd’hui le « politiquement incorrect ». Il suffit d’y consacrer quelques minutes pour comprendre que ce qui se développe en ligne, accessible à toutes et à tous, c’est une nouvelle culture du viol, décomplexée, et bien souvent inconsciente de constituer une incitation à la violence, et au crime, qu’aucune « liberté d’expression ne saurait justifier ou tolérer au simple motif que « ca se passe sur Internet et pas à la télé ou dans la rue. Rappelez-vous c’est d’abord et avant tout Internet qui informe et qui éduque nos propres enfants. N’en détournons jamais notre regard au motif que ce serait « trop compliqué »

Nous ne pouvons pas avoir l’ambition de solder le passé de la domination masculine pour entrer dans le même temps, à reculons et sans défense, dans la société de demain, qui est celle du numérique.

Enfin, quatrième et dernier volet du texte, celui de la parité: votre Assemblée depuis un an s’est souvent manifestée par sa volonté de donner toute leur place aux femmes dans les responsabilités électives et sociales.

Je pense à la Refondation de l’école, la réforme des modes de scrutins locaux, à la loi sur le non cumul des mandats, à celle sur l’enseignement supérieur et la recherche. La délégation des droits des femmes a joué un rôle décisif en la matière, et je tiens à le souligner ici.

Nous allons au-delà avec ce texte pour généraliser la parité, partout et tout le temps. A commencer par le monde politique afin de traduire l’engagement du Président de la République de renforcer la pression sur les partis politiques qui ne respectent pas leurs obligations de parité pour les élections législatives.

Le texte prévoit notamment de doubler les pénalités prévues sur la première fraction de financement des partis réfractaires. C’est, j’en suis convaincue, une évolution qui changera la donne et votre Commission des Lois a souhaité que votre assemblée soit à l’avant-garde sur ce sujet. Je ne peux que m’en féliciter, même s’il faudra que nous veillons à la sécurité juridique du texte.

Ce texte prévoit également depuis son passage en commission des lois le principe de la parité entre la tête d’un exécutif local et son 1er adjoint ou vice-président.

Il généralise le principe d’égal accès des femmes et des hommes en adoptant une démarche à la fois pragmatique, ambitieuse et réaliste. Beaucoup de secteurs sont concernés : les fédérations sportives, les organismes consulaires, les ordres professionnels, les CESER ou encore les autorités administratives indépendantes et les commissions consultatives placées auprès de l’Etat, et peut-être même des collectivités comme l’a proposé la Présidente de la délégation des droits des femmes. J’y serai, au nom du Gouvernement, favorable.

Tout ceci, Mesdames et Messieurs les Députés, constitue l’armature d’une action de longue haleine, j’en suis pleinement consciente.

Une perspective à laquelle nous devons fixer un terme, un aboutissement : celui d’une génération pour qui nous préparons les conditions d’une société de l’égalité réelle. Parce qu’elle est fille de la volonté politique, et non pas heureux hasard de l’esprit du temps, et du sens de l’histoire.

C’est une action essentielle, pour les femmes évidemment, mais aussi pour la légitimité, la crédibilité de l’action publique, et la confiance que les citoyens accorderont, ou non, à leurs représentants. Selon que nous serons capables d’accorder nos discours et nos valeurs, avec nos actes.

Ce texte a tout entier été conçu pour être appliqué, doté des moyens pour changer véritablement la donne, une fois confronté au réel : si je souhaite qu’il soit très largement voté, par-delà les clivages, c’est que son ambition est d’engager notre pays sur un chemin sans retour, celui de l’égalité entre les femmes et les hommes, sans laquelle il n’est pas de réelle liberté.

Je vous remercie.

Droits des femmes Publié le 20 janvier 2014

2 commentaires sur Discours sur l’Égalité entre les femmes et les hommes à l’Assemblée nationale

  1. margat

    texte courageux et de portée universelle.merci pour l’exemplarité ,et les valeurs que vous défendez,un texte qui ne doit supporter aucun retrait.BRAVO ET MERCI

  2. Reynaldo

    (…) Quelle égalité,1% de la population mondiale détient 50% de la richesse mondiale,soit 110 000 000 000 €/&…?!

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