Intervention devant le Conseil supérieur de l’éducation

Éducation nationale Publié le 8 octobre 2014

Najat Vallaud-Belkacem s'est exprimée devant le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) extraordinaire dédié à l’évaluation des élèves, le mercredi 8 octobre 2014. La ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a souligné que "Nous ne construirons une politique d’évaluation des élèves qui ait du sens et que les enseignants, les élèves comme les parents d’élèves s’approprieront qu’en en définissant collectivement les contours. Qu’en comprenant par un débat transparent et ouvert nos points de consensus et de dissensus".

Retrouvez ici le texte de l’intervention de la ministre (seul le prononcé fait foi)

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil supérieur de l’éducation,

Je suis heureuse d’intervenir devant votre instance aujourd’hui, car je sais le rôle déterminant qu’elle joue dans la définition de textes importants en matière pédagogique et éducative, et je sais qu’elle est un lieu d’expertise et de débat indispensable à la vitalité de notre École.

J’ai eu dès ma prise de fonction à connaître du projet de décret que vous avez adopté en juillet sur le suivi et l’accompagnement pédagogique des élèves, dont les dispositions, bien plus riches qu’une polémique futile sur la suppression du redoublement, permettront d’apporter à tous les élèves des réponses adaptées à leurs besoins.

Car c’est bien de cela dont il s’agit : penser ensemble les conditions de la réussite de tous les élèves.

Le cadre est fixé : la refondation de l’École de la République, initiée par Vincent Peillon, doit permettre, d’une part, de réduire l’impact des déterminismes sociaux et de toutes les inégalités et discriminations, et, d’autre part, une élévation générale du niveau de tous les élèves.

Cette ambition, je la fais mienne. L’École de la République doit être plus équitable pour être plus performante. Il n’y a pas de fatalité à ce que l’école française soit la plus inégalitaire d’Europe. Je mettrai toute mon énergie à apporter des réponses aux élèves les plus fragiles. Je l’ai fait en lançant dès cette rentrée la préfiguration de la nouvelle éducation prioritaire sur 102 réseaux couvrant tout le territoire français. Nous travaillons aujourd’hui au déploiement de cette réforme sur plus de 1000 réseaux d’écoles et de collèges à la rentrée 2015.

Cette réforme de l’éducation prioritaire est une réforme exemplaire de ce que je souhaite pour toute l’École de la République : une répartition des moyens fondée sur les difficultés sociales et scolaires, une école ouverte aux parents, une ambition pédagogique au service de la réussite scolaire de tous les élèves.

Car la refondation de l’École de la République est avant tout pédagogique. Et elle doit avancer sur deux jambes : tout d’abord des programmes renouvelés et pensés en pleine cohérence avec le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture ; ensuite une évaluation des élèves qui les encourage à apprendre et à progresser.

Permettez-moi de vous dire quelques mots sur ma vision du socle et des futurs programmes de la scolarité obligatoire.

L’objectif que nous poursuivons est ambitieux et inédit : amener l’intégralité d’une génération, et non pas seulement une partie d’entre elle, à la maîtrise du socle commun de compétences, de connaissances et de culture.

Un socle commun que je veux ambitieux : il devra permettre à tous les élèves la poursuite d’études, la construction d’un avenir personnel et professionnel, et devra les préparer à l’exercice de la citoyenneté.

À un moment où toute la société s’interroge sur l’école, sur son efficacité, sur sa finalité, je souhaite que la scolarité obligatoire soit structurée autour d’un grand objectif, que nous partageons j’en suis sûre : faire en sorte que tous les élèves puissent bien apprendre afin que chacun, ensuite, puisse construire son parcours et sa vie sur une base solide.

La réussite des nouveaux programmes de la scolarité obligatoire dépendra de leur lisibilité et de la qualité de leur articulation avec le socle commun. Les programmes doivent être clairs pour tous et leurs objectifs partagés par tous : enseignants, élèves et bien sûr parents d’élèves. Chacun doit pouvoir adhérer aux enseignements que reçoivent tous les enfants et adolescents de France au cours de leur scolarité à l’école et au collège.

Le collège, nous devons le réformer ensemble. Il nous appartient de penser le collège unique du XXIe siècle. La feuille de route que je veux nous donner est simple : construire un collège en mesure d’apporter par lui-même des solutions aux besoins de chacun de nos enfants. Un collège unique qui ne soit pas un collège uniforme. Un collège unique qui donne de véritables capacités d’initiative aux équipes. Un collège unique qui articule les temps du disciplinaire et de l’interdisciplinaire. Un collège unique qui offre aux élèves un parcours d’éducation artistique et culturelle, et un parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel.

Je compte sur vous. Nous allons travailler ensemble dans les prochaines semaines et dans les prochains mois à l’adoption de textes extrêmement importants et qui s’inscriront dans le temps long qui doit être celui de l’école : le socle commun, les nouveaux programmes de l’école maternelle, de l’école élémentaire et du collège, l’organisation du nouveau collège.

Avec des programmes renouvelés et pensés en pleine cohérence avec le nouveau socle commun, c’est la première jambe pédagogique de la refondation de l’École que nous faisons avancer. La seconde jambe de cette refondation, c’est l’évaluation des élèves.

Vous avez contribué à accélérer son mouvement toute la matinée dans le cadre de cette séance de travail extraordinaire de votre Conseil, en débattant des cinq questions posées dans le cadre de la Conférence nationale sur l’évaluation des élèves : celle des formes d’une évaluation au service des apprentissages des élèves, celle de l’information donnée aux familles, celle de la place de la notation, celle des moments de l’évaluation dans les parcours, ou encore celle du rôle de l’évaluation dans les choix d’orientation et les procédures d’affectation.

Il n’y aura pas de meilleurs apprentissages pour les élèves sans des modalités d’évaluation qui les motivent à plus et mieux apprendre, qui les motivent à progresser.

Le débat est complexe et il est de notre responsabilité qu’il ne soit pas caricaturé.

Il ne s’agit pas de supprimer les notes du système scolaire français, ni d’interdire les zéros. Ne peut-on pas parler en France de la nécessité, parfois, de noter autrement, ne peut-on pas s’interroger sur les usages faits de la note, ne peut-on pas interroger le sens de la moyenne et des moyennes de moyennes, ne peut-on pas valoriser le rôle joué par les appréciations, sans avoir à affronter un procès d’intention en laxisme ?

S’il faut le répéter, répétons-le : il ne s’agit pas de bannir l’effort de l’école et de renoncer à la promotion d’une élite. Notre École doit encourager ceux qui réussissent tout comme elle doit permettre à ceux qui ne réussissent pas de réussir. Il s’agit de faire réussir tous les élèves. Plus la base de ceux qui réussissent est large, plus il y a de chance que l’élite soit socialement juste.

S’il faut le répéter, répétons-le : il ne s’agit pas de casser le thermomètre. Il s’agit de construire un thermomètre qui ait plus de sens et qui dise plus de choses. Il s’agit de penser un système d’évaluation qui crée les conditions de l’acquisition des savoirsfondamentaux par tous les élèves. La participation, l’estime de soi, la motivation sont des facteurs qui contribuent directement à l’élévation du niveau des élèves.

La démarche de la Conférence nationale sur l’évaluation des élèves, initiée par Benoît Hamon, est une démarche inédite qui a pour objectif d’embarquer dans le débat enseignants, élèves, parents d’élèves, et la société dans son ensemble.

Nous ne construirons une politique d’évaluation des élèves qui ait du sens et que les enseignants, les élèves comme les parents d’élèves s’approprieront qu’en en définissant collectivement les contours. Qu’en comprenant par un débat transparent et ouvert nos points de consensus et de dissensus.

Le jury de la Conférence, dont la composition devrait être connue dans quelques heures maintenant et dont je tiens à saluer le président, Etienne Klein, me remettra ses conclusions à l’issue de deux grandes journées d’auditions et de débats publics en décembre, auxquelles chacun d’entre vous est bien évidemment convié.

Je tenais à vous remercier de votre participation active à ce débat qui ne poursuit au fond qu’un objectif : créer les conditions de la réussite scolaire de tous les élèves.

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Photos © Philippe Devernay / MENESR

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