Pour un printemps citoyen

Éditos Éducation nationale Publié le 20 mars 2015

A ceux qui répètent à l’envi que l’esprit du 11 janvier serait mort, je rappelle qu’il est un appel lancé de la nation à elle-même, celui d’une responsabilité sociale immense, qui nous engage collectivement. L’École laïque a fait à la République la promesse d’instruire tous ses enfants, sans distinction, d’offrir à tous les mêmes chances de réussir. Sa mission est aussi de faire grandir les citoyens de demain, en formant leur conscience, en les éveillant à eux-mêmes et aux autres, et en leur transmettant ces valeurs démocratiques que sont les libertés, le respect de la dignité de la personne humaine, la tolérance, le dialogue. L’École est le creuset de l’unité nationale, là où se forge le sentiment d’appartenance à une seule communauté de destin.

C’est pourquoi le rassemblement de la nation au lendemain des tragiques attentats du mois janvier se continuera, dans le printemps qui s’ouvre, avec la mobilisation citoyenne de l’École et de ses partenaires. Nous en avons appelé aux énergies de notre pays, en l’invitant tout d’abord aux Assises de l’École qui se déroulent sur tout le territoire national jusqu’au 24 avril. A travers cette vaste consultation citoyenne, il s’agit de mettre en œuvre les premières mesures de la grande mobilisation de l’Ecole, mais aussi de débattre autour de thématiques majeures : comment associer pleinement les parents d’élèves à la mission éducative de l’école ? Comment favoriser le travail conjoint des collectivités locales et de l’Éducation nationale ? Comment mobiliser les acteurs associatifs, le monde artistique, culturel, économique, la société civile, pour soutenir l’École dans son action de lutte contre les déterminismes sociaux ? C’est aussi le sens de la Réserve citoyenne de l’Education nationale dans laquelle se sont inscrits plusieurs milliers de femmes et d’hommes, résolus à s’engager aux côtés des enseignants dans leur mission exigeante et rendue souvent difficile, tant l’Ecole est aussi la chambre de résonance des crises de la société. Le concours des réservistes aux missions de l’Ecole sera tout autant une chance pour les élèves qui pourront s’enrichir des apports de la société civile dans son infinie diversité, que pour les enseignants et la communauté éducative dans son ensemble, qui décèleront dans ces ressources autant de potentialités d’actions nouvelles de promotion de l’éducation à la citoyenneté, aux valeurs communes de liberté, de tolérance et de non-discrimination. Ces principes sont au fondement de la Déclaration de Paris signée le 17 mars dans le cadre de la Semaine d’éducation contre le racisme et l’antisémitisme avec l’ensemble de mes homologues européens. La 26ème Semaine de la presse et des médias dans l’école sur le thème “La liberté d’expression, ça s’apprend”, prolongera ce printemps citoyen que marquera au mois de mai le 70ème anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale. L’entrée au Panthéon de Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay, rappellera alors à notre mémoire les combats héroïques contre la barbarie nazie à partir desquels notre Europe s’est construite.

En ce printemps, parents, artistes, journalistes, intellectuels, acteurs sociaux, culturels, économiques, institutionnels et associatifs sont appelés à se mobiliser pour faire vivre et transmettre les valeurs de la République à l’École, mais aussi à la maison, au travail, dans les débats, les rassemblements, les forums, tous les lieux et espaces de dialogue et de rencontre où la liberté de conscience, de création, d’expression fait la force de nos démocraties. Nous vivrons ce printemps avec le souvenir de l’abjection de ces crimes dont la possibilité d’une réplique est toujours à craindre. Réalité que les enfants, les familles et les équipes éducatives des écoles juives placées sous la protection de nos soldats vivent au quotidien, et à laquelle nul ne doit se résigner et que nul ne peut traiter par l’indifférence. Cela nous concerne tous. L’esprit du 11 janvier doit perdurer, en mémoire des victimes mais aussi pour ceux qui tous les jours dans nos écoles ont la responsabilité de conjuguer au présent les valeurs de la République.

Je veux redire ici le rôle exceptionnel des enseignants et des équipes éducatives, de tous ces héros anonymes ayant eu à répondre aux incompréhensions, aux doutes, aux angoisses des enfants et de la jeunesse de France. Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur s’est révélé irremplaçable. Il lui a fallu expliquer à des jeunes de tous les âges le drame qui venait d’arracher à la vie 17 femmes et hommes, parce qu’ils dessinaient, parce qu’ils nous défendaient, parce qu’ils étaient juifs ; leur dire la réalité de l’antisémitisme, qui, trois ans après avoir tué à l’école Ozar Hatorah de Toulouse, venait une fois encore de frapper. Il leur a fallu associer les élèves au recueillement de la nation et expliquer aux plus petits l’importance de la portée symbolique de cet hommage et de son écho planétaire.

La République a placé sa confiance dans nos instituteurs. Que l’institution scolaire, dont la mission d’éducation citoyenne est l’un des principes fondateurs, se retrouvât aux avant-postes est donc bien légitime. Que les forces vives de la nation s’engagent à ses côtés est la meilleure réponse à tous ceux qui exècrent ces valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité qui nous rassemblent. Ce mouvement puise aux sources d’une pensée humaniste qui, depuis la Révolution jusqu’aux grandes heures de la Résistance, ont toujours soutenu la construction d’une société responsable et solidaire à travers la multiplicité des engagements citoyens. Les difficultés sont réelles mais c’est la vocation de l’École de les dépasser. C’est le message de Jaurès dans son célèbre discours sur l’éducation laïque, prononcé le 30 juillet 1904 à Castres et dont nous sommes les dépositaires : “L’enseignement national dans une démocratie n’est pas une forme immobile et figée : ce n’est pas un mécanisme monté une fois pour toutes et qu’on abandonne ensuite à son fonctionnement : l’éducation est liée à toute l’éducation politique et sociale, et il faut qu’elle se renouvelle et s’élargisse à mesure que s’élargissent et se renouvellent les problèmes.”
C’était un discours visionnaire, où il appelait à éclairer la France par l’éducation. L’école est une maison d’instruction et d’éducation à la citoyenneté. C’est en son sein que la nation peut le mieux forger son identité, et la démocratie se régénérer. Les épreuves récentes sont un appel à prendre notre part d’engagement. Ce printemps-là nous y invite.

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Un commentaire sur Pour un printemps citoyen

  1. LANCIEN Dominique

    Très Positif discours Najat. Mais il faudrait rappeler aux “Médias” que EUX aussi sont concernés!!! Et que leur travail n’est pas de rechercher que le “négatif” juste pour faire un scoop! Mais d’informer AUSSI du POSITIF qui émerge chaque jour que de nouvelles Lois instaurées par “CE” gouvernement le permettent!!! Voilà aussi ce que je trouves scandaleux de la part de Tous(tes) ces responsables de l’info Publique!!! Ou est donc passée cette règle de neutralité qui engageait ce Monde du journalisme et qui en faisait sa “Noblesse”? Lamentable!!!

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