« Villefontaine : des signaux auraient dû alerter » – Entretien au Parisien

Retrouvez ici l’entretien accordé par la ministre en charge de l’Éducation nationale au Parisien.

PÉDOPHILIE. La ministre Najat Vallaud-Belkacem, très affectée par l’affaire du directeur d’école poursuivi pour des viols sur ses élèves, promet de tout faire pour que ce drame ne puisse pas se reproduire.

Le Parisien : Comment est-il possible qu’un enseignant soit condamné pour recel d’images pédo-pornographiques sans que personne, dans sa hiérarchie ou parmi ses collègues, ne s’en rende compte ?
Najat Vallaud-Belkacem : Avant toute chose, je veux vous dire l’horreur qui m’a saisie quand j’ai appris ces faits épouvantables, insupportables. J’ai des enfants scolarisés en CP. C’est la ministre, mais c’est aussi la mère de famille, qui réagit. En vous parlant, je pense d’abord aux enfants et à leurs familles.
Dans cette affaire, il y a eu dysfonctionnement. Il semblerait que l’Éducation nationale n’ait pas été informée de cette condamnation. Quant à ses collègues, ils ne l’ont pas vue. On sait maintenant qu’il avait été condamné en juin 2008, juste avant les vacances d’été. À cette date, il avait obtenu un changement d’académie. Sitôt arrivé dans l’Isère, il s’est mis en congé parental, puis en arrêt maladie jusqu’en février 2011. Et quand il reprend ses fonctions, il change d’école tous les ans. C’est cet enchaînement de faits qui devra être examiné par l’enquête administrative et par l’enquête judiciaire..

Le Parisien : Qu’allez-vous faire ?
Najat Vallaud-Belkacem : Avec la ministre de la Justice Christiane Taubira, nous avons immédiatement diligenté une enquête administrative conjointe. Elle devra interroger aussi bien le fonctionnement de l’Éducation nationale que de la Justice. On attend de premiers  résultats d’ici un mois. Vous pouvez compter sur moi pour qu’aucun dysfonctionnement ne reste sans suite. Les manquements éventuels seront sanctionnés. Et les procédures aménagées pour écarter absolument et définitivement tout risque pour les enfants d’être confrontés en classe à un enseignant condamné parce qu’il est un prédateur sexuel.

Le Parisien : Cette affaire ne révèle-t-elle pas aussi les lacunes de l’Éducation nationale en tant qu’employeur, sur le plan des ressources humaines ?
Najat Vallaud-Belkacem : Avec le recul, on s’interroge évidemment sur les signaux qui auraient pu et dû alerter. En même temps, il avait eu une inspection pédagogique qui s’était passée normalement .  Indéniablement notre responsabilité est de renforcer notre politique de ressources humaines, de passer d’une gestion de postes à une gestion de personnes, pour être plus capables de détecter les raisons d’un  turn-over aussi important que celui qui a été le sien ou des difficultés relationnelles avec les collègues ou les parents.

Le Parisien : Comptez-vous prendre des mesures pour vérifier systématiquement le parcours judiciaire des agents qui sont en relation avec des enfants ?
Najat Vallaud-Belkacem : Une circulaire de la Chancellerie – la plus récente date du 11 janvier dernier – impose au parquet d’avertir les supérieurs hiérarchiques des fonctionnaires des poursuites et des condamnations prononcées contre eux. Ce texte existe depuis des années. Pourquoi n’a-t-il pas été respecté en 2008, c’est à l’enquête de nous le dire. Cette obligation est essentielle pour permettre à l’Éducation nationale de réagir de façon immédiate par la suspension puis, le cas échéant, la révocation de personnels qui auraient été condamnés pour prédation sexuelle.

Le Parisien : Jugez-vous utile que les enfants, eux-mêmes, soient davantage informés sur ce qu’est la pédophilie ?
Najat Vallaud-Belkacem : On parle ici d’écoliers de CP. Il est important de préserver  la candeur de l’enfance. Celle la même qui a été brisée à Villefontaine. C’est à nous qu’incombe la responsabilité de protéger les enfants.

Le Parisien : Envisagez-vous de former davantage les professeurs à ces questions ?
Najat Vallaud-Belkacem : Nous avons mis en place un plan de formation des enseignants sur l’égalité filles-garçons, et la prévention des violences sexuelles en fait partie. Il faut continuer. On demande aussi aux enseignants de transmettre des informations préoccupantes quand ils en détiennent. Parfois ils ont peur de le faire. Je veux leur redire que nous sommes derrière eux. Que c’est essentiel qu’ils remplissent ce rôle. On compte sur eux. Comme sur l’œil attentif de toute  la communauté éducative qui entoure nos enfants.

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Propos recueillis par Christel Brigaudeau pour Le Parisien.

Tags : Isère, Villefontaine, Viol, pédophile, école

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