Combattre la pédophilie – Entretien à Paris Match

Éducation nationale Publié le 13 avril 2015

Dans un entretien à Paris Match, la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche revient sur le drame Villefontaine et les éventuelles carences de l’administration. “Si la condamnation avait bien été transmise, le directeur aurait été révoqué” a assuré Najat Vallaud-Belkacem.

Paris Match. Vous vous êtes rendue à Villefontaine pour rencontrer familles et enseignants. Que vous ont-ils dit ?
Najat Vallaud-Belkacem. Chacun se demande s’il aurait pu voir quelque chose. L’individu était un manipulateur, très peu apprécié de ses collègues, mais rien ne pouvait laisser penser que c’était un prédateur sexuel. Le seul indice était la condamnation de 2008, que la justice n’a visiblement pas transmise à l’Éducation nationale. Pour autant, il faudrait que la politique de gestion des ressources humaines de l’Éducation nationale permette de repérer les comportements anormaux. Quand un directeur d’école change tous les ans d’établissement, à sa propre ­demande, et qu’à chaque fois ses relations avec ses collègues ne sont pas bonnes, il faut s’interroger.

Comment un professeur condamné pour des faits liés à la pédophilie a-t-il pu continuer à exercer ?
Cela ne devrait pas être possible car, dès qu’il y a condamnation d’un fonctionnaire, la justice doit transmettre la décision à l’employeur pour que ce dernier prenne à son tour les sanctions disciplinaires qui s’imposent. Or, cela n’a pas été fait. Cette règle de transmission est rappelée régulièrement par des circulaires de la garde des Sceaux. La dernière date du 11 mars 2015. Avec la ministre de la Justice, nous avons lancé une enquête administrative conjointe. Les conclusions nous seront rendues d’ici à la fin du mois. Nous renforcerons alors nos procédures.

Qu’aurait fait l’Education nationale si elle avait connu les antécédents judiciaires du directeur ?
Il aurait été révoqué. En 2014, 16 condamnations judiciaires d’agents de l’Éducation nationale, pour pédophilie ou pour détention d’images pédo-pornographiques, nous ont été transmises par la justice. Elles ont donné lieu à 16 révocations définitives.

“LE DISCOURS DOIT ÊTRE ADAPTÉ À CHAQUE ÂGE”

L’Éducation nationale doit-elle être avertie seulement lorsque un de ses agents est condamné ?
Elle doit l’être aussi lorsque des poursuites sont lancées. Aux termes de l’enquête administrative, nous aviserons avec Christiane Taubira, s’il paraît utile d’aller au-delà des circulaires et d’en passer par la loi.

Y a-t-il une omerta autour de la question de la pédophilie à l’école ?
Attention à ne pas colporter une telle horreur ! Quand un comportement contraire à la probité est signalé, l’administration fait le nécessaire. A l’académie de Rennes, la semaine dernière, une fédération de parents d’élèves nous a avertis qu’un enseignant avait été condamné pour détention d’images pédo-pornographiques. Nous l’avons suspendu immédiatement. Les enseignants doivent transmettre à la justice toute information préoccupante concernant un enfant. C’est une obligation. C’est une démarche difficile, car ils craignent d’être attaqués ensuite pour dénonciation calomnieuse. L’institution les soutiendra.

Faut-il faire de la prévention à l’école concernant la pédophilie ?
Le discours doit être adapté à chaque âge. Il ne s’agit pas de décrire à des enfants de 6 ans les horreurs de la pédophilie. Mais il faut organiser un moment où l’on parle du respect de son corps pour apprendre à distinguer les interdits. C’est prévu dans le nouvel enseignement moral et civique qui entre en ­vigueur en septembre : dès l’école primaire, une heure par ­semaine sera consacrée à l’apprentissage de la vie en ­collectivité.

L’Éducation nationale consulte le casier judiciaire de son personnel à l’embauche. Doit-elle y accéder plus régulièrement ?
Oui, il faut des règles plus précises sur la régularité de cette consultation. Mais rien ne remplacera un signalement par la justice au moment de la condamnation. Avec la garde des Sceaux, nous réunissons ce mercredi les procureurs généraux et recteurs de France pour que le message soit parfaitement clair.


Propos recueillis par Mariana Grépinet pour Paris Match, publiés le 10 avril 2015.

 

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2 commentaires sur Combattre la pédophilie – Entretien à Paris Match

  1. Lamothe

    “A l’académie de Rennes, la semaine dernière, une fédération de parents d’élèves nous a avertis qu’un enseignant avait été condamné pour détention d’images pédo-pornographiques. Nous l’avons suspendu immédiatement.” Je vois que la bonne vieille tradition française de la délation est toujours aussi vive en France. Si ce magistrat ne vous pas prévenu, ne vous posez-vous pas la question du “pourquoi”? Peut être parce qu’il pressentait que vous le révoqueriez sans autre forme de procès et sans tenir compte de la particularité de son cas, sachant qu’il ne représentait aucune forme de dangerosité pour la société et encore moins pour les enfants, et qu’il souhaitait donner une chance à ce monsieur (qui est un être humain je vous le rappelle et qui n’a que je sache agressé personne), qui a pu connaître des moments difficiles dans sa vie personnelle. Il semble avoir été jugé pour ça. Cela ne vous suffit-il pas? Et ne faites vous pas confiance à la justice de votre pays? Étrange façon de penser pour un ministre du gouvernement. L’humour étant la politesse du désespoir vous me permettrez d’être quelque peu sarcastique. Vous ne protégez en aucun cas les enfants en prenant une telle décision. Vous satisfaites peut être à une partie de la population prompte à réclamer la tête des fonctionnaires de l’Éducation Nationale et à lancer des anathèmes dans un climat d’hystérie collective que vous contribuez ainsi à justifier en usant d’amalgames odieux. Mais quelle partie au juste? La même que celle qui s’était prononcé contre l’abolition de la peine de mort en 1981? Prévention pour empêcher que ce genre de faits se reproduisent? Zéro. Conséquence: ça recommencera. Les pédophiles qui passent à l’acte avant que d’être interpellés, fichés, … ne sont pas encore passés à l’acte. Pensez-vous que c’est en les traitant tous indifféremment de “prédateurs sexuels” (ce qu’ils ne sont pas la plupart du temps)que vous parviendrez à les empêchez de le faire?
    Je vous prie solennellement de traiter avec un peu plus de circonspection et de sérieux (et aussi d’humanité) le problème. Il est bien trop grave pour qu’on puisse se permettre d’en faire un enjeu politique en cherchant à se donner l’image d’un gouvernement sans tâche qui saurait faire preuve de fermeté à l’encontre des “criminels” dans la lignée de l’obsession sécuritaire qui hante notre cher premier ministre. Ce serait en effet consternant. Il est vrai que le Front National et la droite “décomplexée” qui ont le vent en poupe ces derniers temps risqueraient peut être de vous accuser de laxisme et que votre image en souffrirait. A court terme seulement. Et puis l’intérêt des enfants et le sens de la justice (l’un étant inséparable de l’autre)ne doivent-il pas primer sur votre orgueil personnel et vos ambitions politiques? Désolé d’être aussi franc avec vous. Rien de personnel, au contraire. Et sans doute n’êtes vous pas habitué à ce qu’on vous parle avec autant de sincérité. Mais je n’ai aucun prédisposition pour l’obséquiosité et c’est si j’en faisais preuve que réellement, à ce moment là, vous pourriez considérer que je vous insulte. Or, ce n’est pas le cas.

    Mes respects, madame la ministre.

  2. Heinrich Heine

    Un entretien du Ministre de l’Education nationale à Paris Match, on frise le ridicule, voire l’indécence vu la gravité du sujet, non ?

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