Réforme du collège : de quoi parle-t-on?

À la une Éducation nationale Publié le 14 mai 2015
Pourquoi réformer le collège ?

Créé il y 40 ans, à l’issue d’un débat qui n’a rien à envier en matière d’excès à ceux qui nous occupent aujourd’hui, le collège unique a réussi la massification de l’enseignement du second degré, mais il a échoué à démocratiser la réussite.

En clair, dans notre système éducatif qui est le plus marqué par le déterminisme social de l’OCDE, le collège actuel reste le maillon faible. Il échoue ainsi à transmettre les fondamentaux : un élève sur 8 ne les maitrise pas en entrant au collège, 1 élève sur 4 à la sortie. Cette réalité sévère explique que nous continuions à avoir 140 000 décrocheurs chaque année.

Depuis 15 ans, le niveau scolaire a baissé, comme le démontrent 3 chiffres issus des enquêtes internationales PISA : en Français, les élèves qui ne maitrisent pas la compréhension en lecture sont passés de 15 à 19% entre 2000 et 2012 ; en mathématiques, depuis 2003, nous sommes passés de 17 à 22% d’élèves en difficultés, de 15 à 21 % en histoire géographie depuis 2006. Une faillite éducative d’autant plus grave, que dans les mêmes périodes, la moyenne des élèves de l’OCDE progressait.

Comme il fonctionne à deux vitesses, certains élèves échappant à cette « trappe à médiocrité » grâce à des options ou à des filières de contournement, le collège actuel incarne pour beaucoup d’élèves et de familles l’impossibilité d’échapper au destin que leur réserve leur origine sociale. La promesse républicaine de récompenser l’effort et le mérite par des chances égales de réussite n’est plus assurée.

Dans l’impulsion donnée par la refondation de l’école, la réforme du collège est donc indispensable, avec une orientation simple : permettre à tous les élèves de progresser dans l’apprentissage des matières fondamentales, y compris les meilleurs, en élevant le niveau d’ensemble. Ma conviction, c’est que l’égalité n’est pas l’ennemie de l’excellence, elle est la condition pour que chacun puisse y accéder. Voici l’enjeu.

Que contient la réforme du collège réellement ?

Il faut d’abord distinguer deux démarches qui sont cohérentes mais qui suivent des processus différents :
La refonte des programmes de la scolarité obligatoire (déjà faite pour la maternelle), liée au nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture que nous avons adopté. C’est un chantier considérable qui concerne tous les programmes dans toutes les disciplines du CP à la 3ème. Concrètement, une instance indépendante, le Conseil supérieur des programmes, composée de représentants de la société dont 6 parlementaires de droite comme de gauche a élaboré des projets. Ces projets sont soumis depuis lundi et jusqu’au 12 juin à une consultation auprès des 800 000 enseignants du pays. Ensuite, le CSP retravaillera les programmes en fonction du retour de la consultation et de mes recommandations, et je les arrêterai définitivement. Il y a donc encore plusieurs mois de travail pour améliorer les premières propositions qui ont fait polémique, soit du fait de leur caractère jargonnant, soit sur le contenu du programme d’histoire, qui enflamme toujours les esprits.

La réforme du collège, c’est-à-dire la nouvelle organisation des enseignements (« la grille horaire ») a, elle, déjà été approuvée par le conseil supérieur de l’éducation (51 pour, 25 contre, 1 abst), et sera officialisée par décret prochainement.

Construite à partir des réalités de terrain, elle facilitera l’apprentissage des savoirs fondamentaux par les élèves grâce à de nouvelles pratiques pédagogiques et une autonomie accrue des équipes éducatives.

L’autonomie pédagogique, c’est une marge horaire que nous dégageons à l’intérieur des horaires disciplinaires pour développer des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) et l’accompagnement personnalisé.

Les EPI sont organisés autour de 8 thèmes (Développement durable – Sciences et société –Corps, santé et sécurité – Information,communication, citoyenneté – Culture et création artistiques – Monde économique et professionnel -Langues et cultures de l’Antiquité – Langues et cultures régionales et étrangères), dont nous définirons le contenu pédagogique avec le conseil superieur des programmes. Ils permettront d’améliorer la capacité des élèves à travailler en équipe, par petits groupes, à apprendre la conduite de  projets, à prendre la parole, et répondront ainsi aux exigences contemporaines de formation. L’enjeu pour les élèves c’est d’apprendre autrement, en mobilisant d’autres compétences, toujours autour des savoirs fondamentaux (la « maîtrise active des savoirs »). D’une certaine manière, nous desserrons la stricte logique disciplinaire qui est une tradition française.

Cette marge de 20% d’autonomie laissée aux établissements et aux équipes pédagogiques permettra en outre de renforcer l’accompagnement personnalisé, à hauteur de 3h hebdomadaires en 6ème, parce que la transition entre le primaire et le collège est cruciale, et d’au moins une heure à partir de la 5ème. C’est l’occasion de réassurer les apprentissages pour les élèves fragiles et de les approfondir pour les meilleurs. L’occasion aussi de leur expliciter précisément ce qu’on attend d’eux et de leur apprendre à bien travailler.

C’est un changement important, parce que ce sont les équipes éducatives qui décideront ensemble, à l’intérieur des établissements, les EPI qu’elles proposent et l’équilibre qu’elles trouvent avec l’accompagnement personnalisé, en fonction des besoins de leurs élèves. Le collège restera donc unique, mais il ne sera plus uniforme, c’est une évolution souhaitée par de nombreux acteurs éducatifs depuis de longues années. C’est aussi une marque de confiance dans les enseignants.

L’autre élément important, c’est la place que nous ferons dans les programmes au numérique, mais aussi le renforcement des langues vivantes. Nous généralisons ainsi l’apprentissage d’une première langue au CP, et nous avançons en 5èmel’apprentissage d’une deuxième langue, pour tous les élèves. Cela représente 25% (54h) de plus d’apprentissage sur le cycle 4. Cette évolution me semble fondamentale pour répondre aux exigences du monde contemporain, je suis convaincue que l’apprentissage précoce de deux langues vivantes ne peut plus être réservé à 16% des élèves dans des filières spécifiques.

En définitive, la réforme du collège améliore d’abord les apprentissages pour tous les élèves, et cherche à redonner accès au plus grand nombre à l’excellence avec des EPI qui pourront aussi éveiller leur goût et leur curiosité, par exemple pour les langues anciennes. Nous créons 4000 postes pour la mettre en œuvre, soit un effort budgétaire de 200 millions d’euros.

Mais pourquoi ces polémiques ?

Sans m’attarder sur les outrances et les caricatures, chacun aura bien compris ce qui se joue derrière l’enjeu de la démocratisation : la résistance de ceux qui considèrent que le fonctionnement à deux vitesses protège leurs enfants de la médiocrité du collège actuel. Je peux les comprendre, mais ma responsabilité de ministre, c’est d’abord de renouer avec la mission égalitaire de l’école dans le contexte que je vous ai décrit.

Pour répondre concrètement aux points qui ont fait polémique :

– Sur l’allemand : indéniablement, la réforme améliore son apprentissage et son attractivité, puisque les expérimentations conduites à Rennes et à Toulouse ont montré qu’avancer en 5ème l’apprentissage de la deuxième langue améliore la situation de l’allemand. Par ailleurs il est prévu que les élèves qui choisiront une autre langue que l’anglais au primaire pourront commencer l’anglais dès la 6ème. Enfin les langues étrangères seront renforcées dans les enseignements pratiques interdisciplinaires comme décrit plus haut. En fait, nous faisons bénéficier à tous les collégiens des vertus avérées de dispositifs jusqu’à présent dérogatoires, comme les classes bi-langues et les classes européennes, qui ne concernaient que quelques-uns (16% des élèves de 6e et de 5e pour les classes bi-langues, mois de 11% des élèves de 3e pour les sections européennes).
Pour répondre aux inquiétudes concernant l’allemand j’ai rappelé que nous augmentons considérablement le nombre de postes de professeurs d’allemand : 515 à la rentrée 2015 contre 200 en 2010. Et j’ai annoncé des objectifs chiffrés, ainsi que la nomination d’un délégué ministériel dédié à la promotion de l’allemand. Ainsi, je souhaite que nous dépassions la barre des 200 000 germanistes à l’école élémentaire (178000 actuellement )  et des 500 000 germanistes au collège (187000 aujourd’hui) à la rentrée 2016. Pour y parvenir, nous allons mettre en œuvre une carte académique des langues, avec un fléchage adapté de professeurs d’école susceptibles de l’enseigner dès le primaire, formés pour cela et appuyés par le rétablissement d’intervenants extérieurs que la majorité précédente avait supprimés.

– Sur les langues anciennes : la réforme du collège préserve l’enseignement du latin et du grec. Le nouvel enseignement pratique interdisciplinaire Langues et cultures de l’Antiquité permettra à la grande majorité des collégiens d’avoir accès à l’étude de la culture et de la civilisation antique quand, à l’heure actuelle, à peine 20 % d’entre eux y ont accès en suivant les options latin et grec. Les élèves qui, en plus grand nombre, auront ainsi été éveillés au latin et au grec et qui le souhaitent pourront bénéficier d’un enseignement complémentaire de langue latine dès la 5ème et de grec en 3ème, comme aujourd’hui. La seule différence est donc bien dans le nombre plus important d’élèves que cet enseignement concernera.

– Sur le programme d’histoire, je veux simplement rappeler que nous rétablissons leur logique chronologique et nous renforçons l’enseignement laïque des faits religieux. Ainsi, l’enseignement du judaïsme et des débuts du christianisme (en 6ème), de l’islam et de la chrétienté médiévale (en 5ème), de la société des Lumières (en 4ème) seront assurés comme ils l’étaient jusqu’alors, ainsi que l’étude de l’esclavage, des génocides, de la colonisation et de la décolonisation.

Jaurès dans son célèbre discours sur l’éducation qu’il fit à Castres, le 30 juillet 1904 disait :
« L’éducation est liée à toute l‘éducation politique et sociale, et il faut qu’elle se renouvelle et s’élargisse à mesure que s’élargissent et se renouvellent les problèmes ». C’est bien tout l’enjeu actuel : refuser le statut quo éducatif qui condamne des enfants à l’échec, sortir notre pays et nos concitoyens de cette culture de la défiance qui abîme l’école et la République.

 


 

Retrouvez aussi la page de questions-réponses sur le Collège 2016 ici sur le site Eduscol.

Et consultez & partager l’infographie de présentation du Collège 2016 ici.

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151 commentaires sur Réforme du collège : de quoi parle-t-on?

  1. mensonges, mensonges, mensonges

    Ce serait drôle, si ce n’était à pleurer. C’est devant la représentation nationale, en réponse au député des Républicains Alain Chrétien, le 26 mai dernier, que Najat Vallaud-Belkacem a osé affirmer que « parce que l’éducation est un sujet sérieux, il faut écouter ce que vous disent les enseignants eux-mêmes car ce sont eux qui, les premiers, ont inspiré cette réforme. ».

    Les enseignants ? On en reste pantois… Les enseignants sont d’ailleurs tellement contents de cette réforme qu’ils inspirent, qu’ils se sont précipités pour signer la pétition en soutien à la réforme mise en ligne par le « Collectif pour la réforme du collège » : 2 780 signatures en un mois… Pourtant, l’un des initiateurs de cette pétition est Jean-Michel Zakartchouk, bien connu aux Cahiers pédagogiques et… pilote du groupe de travail sur les programmes de français publiés tout dernièrement. Le SE-UNSA a eu beau inciter par e-mail tous ses membres à signer la pétition : 2 780 signatures…

    Un vrai beau et franc succès que ce soutien des enseignants à la réforme qu’ils ont inspirée ! Soutien que Madame le Ministre a d’ailleurs oublié de mentionner dans son billet de blog intitulé « éclairages et soutiens à la réforme du collège – 31 mai 2015 » et où n’apparaît, au demeurant, aucun enseignant du second degré, si ce n’est un professeur d’histoire-géographie et Claire Krepper, enseignante, nous dit-on, et surtout secrétaire nationale du SE-UNSA…

    En fait, un simple tour dans les salles des professeurs de n’importe quel collège de France permet de savoir que cette réforme est largement réprouvée par les enseignants, comme l’a montré la forte participation à la grève du 19 mai dernier. D’ailleurs, le sondage Ifop commandé par SOS-Education et publié ce mardi 9 juin le démontre largment : 74% des professeurs interrogés sont opposés à la réforme (et 61% des Français le sont également). Le latin et l’allemand sont loin d’être les seuls points de dissensus : les EPI (les Enseignements pratiques interdisciplinaires) et le prétendu « accompagnement personnalisé » qui ne pourra avoir lieu en « petits groupes » sont le véritable point de discorde de cette réforme, parce qu’ils amputent tous deux les heures disciplinaires que Madame le Ministre prétend ne pas toucher.

    Mais non contente de ce premier mensonge devant les députés rassemblés, Madame Najat Vallaud-Belkacem a soutenu que « toutes les enquêtes démontrent les vertus [des] nouvelles pratiques pédagogiques », dont relèvent les EPI. Ces « pratiques pédagogiques […] ont été inspirées du terrain partout et […] ont révélé qu’elles permettaient aux enfants de mieux apprendre », affirme-telle. A cela, la seule réponse à lui faire est celle-ci : prouvez-le ! Sortez enfin les enquêtes ! Les professeurs, « qui ont inspiré cette réforme », et les parents attendent avec impatience les travaux qui montrent que faire en classe de troisième des maquettes d’éoliennes actionnées par des sèche-cheveux permettra aux élèves de mieux apprendre…

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