Une loi qui protège les enfants contre les prédateurs sexuels – Entretien au Dauphiné Libéré

Éducation nationale Publié le 30 juillet 2015

Quatre mois après l’affaire de Villefontaine, dans laquelle un directeur d’école a été écroué pour pédophilie, la loi contre les prédateurs sexuels a été définitivement adoptée et sera applicable à la rentrée. Dans un entretien au Dauphiné Libéré, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, revient sur l’enquête administrative et détaille ce nouveau texte qui obligera les parquets à informer tout employeur lorsqu’une personne exerçant auprès de mineurs est condamnée pour des faits de violences graves ou des infractions de nature sexuelle sur mineurs.

Des failles ont-elles été clairement identifiées dans l’affaire de Villefontaine ?

Le rapport des inspections que nous avions mandatées fait état de nombreux dysfonctionnements dans la transmission des informations entre la Justice et l’Éducation nationale. Malgré des circulaires répétées des gardes des sceaux demandant une transmission systématique en cas de condamnation, cette règle n’était pas très claire et donnait lieu, d’un parquet à l’autre, à une interprétation qui n’était pas la même, et qui ne garantissait pas son respect.

Dans l’affaire de Villefontaine, quelle est l’erreur qui a conduit à ce drame ?

Le dysfonctionnement, c’est le fait que le rectorat n’ait pas été informé de la condamnation de l’enseignant intervenue en 2008. S’il en avait eu connaissance, il ne l’aurait pas laissé exercer auprès d’enfants.

Des responsabilités individuelles ont-elles été établies ?

Des investigations approfondies ont été réalisées. Elles montrent qu’il n’y a pas eu de manquement individuel imputable aux agents du ministère de l’Éducation nationale. En l’absence de cette information donnée par l’autorité judiciaire, l’administration de l’Éducation nationale n’avait pas de raison de se méfier de ce directeur d’école. En revanche, les inspecteurs insistent sur l’important dysfonctionnement structurel et ont recommandé de fixer un cadre clair et sécurisé, pour que chacun désormais sache quelles sont ses responsabilités, qui doit être informé, à quel moment de la procédure etc.

Vous vous étiez engagées à inscrire dans une loi une obligation d’information. Cette loi a été adoptée définitivement la semaine dernière.

Depuis la découverte de ces terribles drames, nous avons souhaité avec Christiane Taubira agir rapidement pour que cela ne puisse plus se reproduire. Nous avons réuni tous les recteurs et tous les procureurs généraux en avril, et nous avons commencé à travailler sur nos procédures communes d’échanges d’informations. Et puis nous avons surtout pris l’engagement d’adopter par la loi un dispositif qui protège les enfants contre les prédateurs sexuels. Cette loi a été votée définitivement jeudi dernier.

Quels sont les grands principes de cette loi ?

Je le disais, les circulaires qui existaient jusqu’à présent ne permettaient pas de définir un cadre clair pour tous. La loi dit désormais les choses très précisément. Il y a désormais obligation de transmission de l’information non seulement pour toute condamnation, mais également dès lors que l’auteur présumé, mis en examen, est placé sous contrôle judiciaire assorti d’une interdiction d’exercice auprès de mineurs. Pour ce qui est du stade de l’enquête, de la garde à vue ou des poursuites, le procureur aura la possibilité d’informer l’employeur de cette personne dès lors qu’il l’estime nécessaire pour protéger les mineurs. Des garanties sont également apportées : les informations transmises sont couvertes par le secret professionnel et la personne mise en cause peut faire connaître ses observations. Pour respecter la présomption d’innocence, nous avons veillé à construire un équilibre délicat que le Conseil constitutionnel aura à valider très prochainement.

Quels délits, quels crimes sont concernés par cette loi ?

Les crimes et délits graves, qu’il s’agisse de violences ou d’infractions de nature sexuelle : la pédopornographie, la pédophilie, les viols, le proxénétisme, mais également la traite d’êtres humains, les meurtres ou les tentatives d’homicide… Le texte concerne tous les cas où il s’agit d’adultes qui travaillent au contact régulier de mineurs, que ce soit dans un cadre public ou privé.

Techniquement, quels outils ont été mis en place ?

Dès que la loi sera publiée, nous l’appliquerons très concrètement en mettant en place des procédures formalisées partout sur le territoire dès la rentrée prochaine. Un « référent justice » sera nommé dans chaque académie, placé auprès de chaque recteur. Ils sont en cours de désignation. Ils seront formés aux procédures judiciaires, assermentés, et pourront ainsi avoir accès plus aisément à des informations confidentielles de la Justice. Par ailleurs, nous sommes en train d’adopter dans nos deux ministères un guide méthodologique qui détaille la façon dont les interlocuteurs doivent coopérer au niveau local et crée des outils de partage d’informations et sécurisés, sur lesquels arriveront les informations, pour que jamais elles ne se perdent.

Concernant les agents en poste, une recherche systématique est-elle engagée pour déceler d’éventuels oublis de transmission de condamnation ?

Oui nous travaillons actuellement sur les dispositions qui vont nous permettre de consulter plus régulièrement le casier judiciaire de chaque agent, et non plus seulement lors de l’embauche comme c’est le cas aujourd’hui.

Avez-vous informé les parents des enfants victimes de Villefontaine ?

Je les avais rencontrés deux fois et je viens d’écrire à leur attention une lettre dans laquelle je leur présente tout ce qui a été engagé. Je les informe bien évidemment de l’adoption de la loi, et je me tiens à leur disposition. Malheureusement, ces mesures ne sont pas des réponses aux violences qui ont été commises sur leurs propres enfants, mais au-delà de leur peine, je sais combien ils sont attentifs à ce que cela ne puisse plus jamais se reproduire pour d’autres.


Propos recueillis par Vincent Wales pour le Dauphiné Libéré.


Retrouvez ici en 4 minutes le résumé des 4 mois d’actions menées par la ministre pour protéger les enfants des prédateurs sexuels :


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3 commentaires sur Une loi qui protège les enfants contre les prédateurs sexuels – Entretien au Dauphiné Libéré

  1. LANCIEN Dominique

    Je regrette profondément Najat,que vous n’ayez pas signalé à TOUS les Français (es) que le Sénat (Majorité de Droites) a osé voter CONTRE ces mesures indispensables ! C’est absolument scandaleux et inadmissible !!!

  2. Breye

    Comme pour les femme battues, comme contre le cuissage au travail , un peu moins contre la prostitution ( j’estime que ces dames font un métier et doivent être protégées avant tout , mais bon !!!) vous préférez pénaliser le client , alors que vous pouviez l ‘obliger à suivre des soins contre les maladies vénériennes par exemple ::::je vous dit BRAVO pour cette loi de protection , et surtout de prévention avant tout contre ces malades (pour moi tout ce qui n’est pas conforme humainement parlant est malade ,léger , grave , incurable et doit se traiter comme tel)

  3. SANS

    Bonjour, pour ma part j’aimerais que les délinquants sexuels, lorsqu’ils sont condamnés, ne puissent bénéficier de remises de peine qui raccourcissent leur temps derrière les barreaux. En effet je suis bien placée (puisque mon ex conjoint est actuellement incarcéré et récidiviste) il avait bénéficié d’un aménagement de peine au bout de 6 ans (sur les 16 ) et en fait dès qu’il est sorti il a recommencé sur mon petit fils….
    Il faut être plus sévère envers ces récidivistes et savoir que les traitements ne sont pas toujours pris, que ces gens là savent très bien berner les psy, et le monde médical en général.
    Merci de tenir compte si vous le pouvez de ces observations personnelles

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