Au Havre pour valoriser la machine à lire – Interview à Paris Normandie

Éducation nationale Publié le 22 février 2016

Interview. Ce lundi 22 février 2016, Najat Vallaud-Belkacem est en visite au Havre pour valoriser l’innovation pédagogique du linguiste Alain Bentolila destinée à aider les enfants à acquérir le plaisir de la lecture longue. La ministre de l’Éducation évoque aussi la prochaine rentrée, la réforme du collège et les classes bilangues en Normandie.

Paris Normandie : Vous êtes au Havre ce lundi pour une démonstration de La machine à lire, une application d’aide à la lecture. Quels sont les enjeux ?

Najat Vallaud-Belkacem : C’est une manière pour moi de mettre l’accent sur ce qui doit être la priorité absolue à l’école, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Les chiffres sont flagrants : aujourd’hui, seulement 80 % des jeunes Français ont une bonne maîtrise de la lecture, 8 % sont des lecteurs médiocres et plus de 10 % sont en grandes difficultés, proches de l’illettrisme. Les écarts créés dès l’école primaire ne se rattrapent plus par la suite et ces écarts commencent très tôt. Les études internationales nous indiquent qu’à l’entrée en CP, l’enfant de milieu social défavorisé maîtrise mille mots de moins qu’un enfant d’un milieu plus favorisé. C’est pour cela que je me suis intéressée de près au travail du linguiste Alain Bentolila. Il montre comment la faiblesse du champ lexical maîtrisé génère des problèmes de compréhension, une incapacité à formuler des concepts qui, par définition, rendent impossible l’exercice de la citoyenneté. Le constat est grave.

L’école a-t-elle les moyens de compenser les écarts constatés ?

Tout est une question de politique publique. Oui, on peut réduire cet écart en faisant en sorte qu’à la petite enfance, on ait un accueil plus précoce à l’école, notamment pour les enfants des familles les plus défavorisées. C’est le sens du développement depuis 2012 de 25 000 places pour scolariser les moins de 3 ans, tout particulièrement en éducation prioritaire.

Faut-il étendre La machine à lire ?

Je suis très sensible aux initiatives innovantes conduites avec une évaluation scientifique qui sont là pour compléter ce que fait l’école. L’idée de La machine à lire, expérimentée au Havre, est de relever le défi de l’endurance dans la lecture. Pour aider les enfants, il y a des moments où la machine prend le relais. Et parce que c’est ludique, ils accèdent ainsi au plaisir de la lecture. Il y a deux dimensions, prendre le relais et faciliter la compréhension du texte lorsque les mots sont compliqués. Je souhaite que cette innovation puisse être utilisée sur du temps scolaire. Nous avons instauré un dispositif ‘Plus de maîtres que de classes’ dans un certain nombre d’écoles primaires pour identifier et accompagner plus rapidement les difficultés d’apprentissage dès qu’elles naissent. Eh bien nous pourrions imaginer que certains enseignants puissent s’aider de cette Machine à lire pour accompagner certains enfants. Il y a aussi le temps périscolaire. Au Havre, la ville s’est engagée dans un projet de lecture citoyenne qui a vocation à utiliser cette innovation. Je suis toujours heureuse quand je vois que nous sommes capables d’être en complémentarité parce que c’est un apport majeur des nouveaux rythmes scolaires. La maîtrise de la langue française est un sujet qui doit nous rassembler et je salue l’engagement de la ville. Je souhaite qu’elle en inspire d’autres.

Comment se présente la prochaine rentrée scolaire en Normandie ?

En Normandie, nous sommes confrontés à une forte baisse des effectifs d’élèves depuis dix ans, particulièrement dans l’académie de Caen. Entre 2007 et 2012, cela s’était traduit par 2 426 suppressions de postes. Nous avons fait le choix inverse : 198 postes ont été créés depuis 2012, dont 168 uniquement pour l’école primaire car c’est notre priorité. Par ailleurs, il y a davantage de réseaux d’éducation prioritaire (REP) et réseaux d’éducation prioritaire + (REP +). À la rentrée 2015, six nouveaux établissements sont passés en REP dans l’académie de Caen, ce qui porte le total des REP à 15. Pour l’académie de Rouen, nous avons 31 REP et 14 REP +.

S’agissant des classes bilangues en Normandie, 95 % vont disparaître à Caen, 77 % à Rouen et quasiment aucune en Ile-de-France. Pourquoi cette disparité ?

Dans le cadre de la réforme du collège, il était prévu de mettre fin aux classes bilangues des grands commençants, ces classes qui permettaient à une minorité des élèves de 6e de commencer en avance leur deuxième langue vivante alors que leurs camarades la commençaient en 4e. L’explication en est simple: dès lors qu’avec la réforme du collège tous les élèves vont commencer la LV2 plus tôt, c’est-à-dire en 5e et plus en 4e, tous les collégiens auront désormais un bilanguisme précoce généralisé et il n’était pas besoin de maintenir un dispositif dérogatoire. En revanche les classes bilangues dites «de continuité», elles, se maintiennent et même se développent car elles répondent à une autre logique : elles permettent aux enfants qui, à l’école primaire, ont commencé une langue vivante autre que l’anglais, d’avoir accès dès la 6e à l’anglais en LV2 parce que c’est une langue monde qu’il est indispensable de maîtriser tôt.

C’est une fausse polémique ?

Honnêtement, c’est un sujet plus compliqué que la caricature qui en est faite. La différence d’une académie à une autre ne s’explique aucunement par des privilèges comme je l’entends – c’est d’ailleurs assez curieux de m’accuser de tout et son contraire quand on y pense – mais simplement par le fait que sur certains territoires, comme Caen, les bilangues existantes étaient quasi exclusivement des bilangues de grands commençants, contrairement à Strasbourg, Paris, Marseille ou Montpellier par exemple, d’où l’évolution notable dans les chiffres une fois les nouvelles règles appliquées. Là encore l’explication est simple : dans les académies de Caen et Rouen, davantage tournées vers la Grande Bretagne, à l’école primaire, l’appétence des parents se porte davantage sur l’apprentissage de l’anglais en LV1 que vers d’autres langues : or, je rappelle que seul l’apprentissage d’une autre LV1 que l’anglais permet de s’inscrire dans une bilangue de continuité. J’insiste cependant sur une chose : cette carte des langues vivantes n’est pas figée, bien au contraire. Je souhaite développer au maximum la diversité des langues apprises à l’école primaire car c’est l’intérêt de nos élèves et de notre pays. Et j’ai donc demandé aux recteurs de ces académies de continuer à travailler pour proposer davantage de ces langues en primaire et donc davantage de bilangues de continuité, en lien avec les élus locaux. Il y aura des annonces prochainement qui devraient rassurer chacun.

La réforme des collèges pourra-t-elle être appliquée de manière satisfaisante à la rentrée à vos yeux ?

Oui, elle verra le jour à la rentrée 2016. Elle s’est accompagnée d’un vrai temps de formation des équipes. Aucun professeur des collèges n’arrivera à la rentrée en découvrant les nouveaux programmes et la nouvelle organisation du collège.

Des départements comme celui de la Seine-Maritime ont décidé de supprimer, au motif d’économies, les bourses aux collégiens de familles en difficultés. Qu’en pensez-vous ?

Je suis assez frappée par le décalage entre le discours porté au plan national par les responsables de la droite et la réalité de leur action locale. La question de l’éducation est une compétence partagée et le fait que des collectivités de droite décident de couper dans les aides aux familles les plus en difficultés est de très très mauvais augures. Quel plus grave atteinte au fameux mérite républicain que d’empêcher les enfants de travailler dans de bonnes conditions parce qu’il leur faudra choisir entre acheter des livres et se vêtir correctement ? Ce sont des petites économies qui conduisent à de grandes difficultés.

À propos des rythmes scolaires, est-ce logique que des communes fassent payer les familles pour les activités périscolaires, voire les goûters ?

Cela relève de la compétence des communes. S’il doit y avoir paiement, il est important de tenir compte des capacités des familles en difficultés. C’est ce que font beaucoup de communes et d’ailleurs deux tiers d’entre elles ont fait le choix de la gratuité. Nous les aidons avec le fonds de soutien que j’ai voulu pérenniser et que les communes sont désormais assurées de toucher.

Après l’affaire de pédophilie révélée par vous-même vendredi, quels garde-fous mettre en place pour éviter de tels cas ?

J’ai diligenté une enquête administrative pour faire la lumière sur cette situation de manière à ce que nous puissions en tirer toutes les leçons comme je l’avais fait après les événements dramatiques de Villefontaine. Depuis un an, nous avons renforcé nos procédures, les contrôles, le dialogue avec la justice. Ce sont des garde-fous importants. Ma détermination est absolue. Je le redis ici, la seule sanction appropriée pour des faits aussi graves, c’est la révocation.

Retrouvez ici la présentation de la Machine à Lire et les images de la visite au Havre de Najat Vallaud-Belkacem :

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Propos recueillis par Marie-Ange Maraine pour Paris Normandie.
Photos © Philippe Devernay – MENESR

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Un commentaire sur Au Havre pour valoriser la machine à lire – Interview à Paris Normandie

  1. Breye

    BONJOUR :::: à mon avis ,il est important que ce lecteur soit facilement transportable (dans une poche par exemple) :::: de cette façon à chaque moment d’attente dans vos déplacements ou autres ,vous pouvez lire , une ligne , deux lignes ,dix lignes ,c’est selon :::: au début c’est une discipline , qui se transforme rapidement en nécessité (surtout si vous n’aimez pas attendre ,ça trompe l’ennui) ou utiliser votre androïde en mode Ultra STAMINA avec la fonction livre disponible (personnellement , j’y ai retiré la fonction réseaux sociaux)

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