Entretien avec les lycéennes et les lycéens de Douvres-la-Délivrande

Éducation nationale Publié le 28 mars 2016

Pour leur projet des Journées Sciences Humaines sur le thème “Égalité des chances et réussite scolaire” et à l’occasion de la semaine de la presse à l’École, Najat Vallaud-Belkacem a accordée un entretien écrit aux élèves de 1ESL du lycée Cours Notre Dame de Douvres-la-Délivrande (Calvados). Retrouvez ici cet entretien avec lycéens de Douvres-la-Délivrande.

Vous êtes arrivée en France à l’âge de 5 ans dans le cadre d’un regroupement familial ; avez-vous dû affronter des difficultés, notamment scolaires ?
Quels sont vos secrets de réussite ?

J’étais plutôt bonne élève, je n’ai pas le souvenir d’avoir eu des difficultés particulières. Je crois que j’étais très studieuse et, déjà très jeune, j’adorais la lecture, ce qui m’a bien sûr énormément apporté. Par ailleurs ma grande sœur était très bonne élève et, d’une certaine manière, elle m’a servi de modèle. Je crois que je lui dois beaucoup !

Vous avez toujours été engagée dans des travaux concernant l’égalité des chances. Quelle est la part de votre parcours personnel et familial dans cette volonté de faire changer les choses ?

Mon engagement politique est évidemment inspiré de mon expérience personnelle car je sais que, en fonction de là où l’on naît, les chances de réussir ne sont pas les mêmes. Ma priorité a donc toujours été d’agir en faveur de l’égalité, pour que chacun ait les mêmes chances de réussir, de s’épanouir. C’est aussi aujourd’hui ce qui guide mon action au ministère de l’Éducation nationale.

Dans notre établissement, nous avons une prépa Sciences Po ; vous qui avez réussi ce concours, quels conseils pourriez-vous donner à nos élèves ? 

Cela remonte à longtemps et je crois que le concours a beaucoup changé depuis ! Néanmoins certains conseils demeurent valables : soyez curieux, ouverts d’esprit, à l’aise à l’écrit comme l’oral. Ce sont des compétences qui se travaillent…

Nous allons bientôt rencontrer un ancien ministre de l’Éducation Nationale : François Bayrou. Pourquoi est-ce si difficile de réformer cette grande maison ?

Réformer implique de modifier les pratiques quotidiennes des personnels du ministère, des enseignants. Or pour faire évoluer ces pratiques, il faut convaincre toutes ces personnes et, c’est important, les former. C’est par exemple ce que nous sommes en train de faire en ce moment pour préparer la réforme du collège qui entre en vigueur à la rentrée prochaine. Chaque enseignant de collège bénéficie cette année de plusieurs jours de formation pour être prêt à la rentrée 2016.

Les tentatives de réformer l’Éducation Nationale amènent souvent des dizaines de milliers d’enseignants dans les rues. Comment expliquer que votre réforme, très importante, fasse aussi peu de remous ?

Il y a eu des débats mais je crois que tous les acteurs sont convaincus de la nécessité de réformer le collège. La réforme va notamment renforcer l’accompagnement personnalisé des élèves, développer les temps en petits groupes et créer des enseignements pratiques interdisciplinaires ou EPI, qui vont permettre aux élèves de mieux comprendre le sens de ce qu’ils apprennent en travaillant sur des projets concrets.

De nombreux enseignants disent que l’enseignement du latin va être supprimé. Si ce n’est pas le cas, pouvez-vous rappeler pourquoi ?

Non, le latin ne sera pas supprimé. Bien au contraire, mon objectif est que davantage d’élèves l’apprennent. A partir de la rentrée, ce sera le cas grâce à l’EPI « langues et cultures de l’Antiquité » et à l’enseignement de complément de langue latine ou grecque. Les langues anciennes sont extrêmement intéressantes pour la maîtrise du français, qui est l’une de mes priorités.

D’après les analyses des résultats de l’enquête PISA, la France est considérée comme une championne de la reproduction des inégalités sociales. Que cela vous inspire-t-il ?

C’est la triste réalité : la France est le pays d’Europe où l’origine sociale a le plus de poids dans la réussite des élèves. Depuis que je suis ministre de l’Education nationale, toute mon action vise à inverser ce phénomène pour que, au contraire, tous les élèves aient les mêmes chances de réussite. C’est la raison pour laquelle, par exemple, j’ai réformé l’éducation prioritaire ou encore créé les « parcours d’excellence » pour mieux accompagner les élèves de ces territoires.

Si à l’aide d’une baguette magique, vous pouviez changer 3 choses fondamentales dans l’Éducation Nationale concernant l’égalité des chances et la réussite scolaire, quels seraient ces 3 vœux ?

Je créerais de la mixité sociale dans tous les collèges de France. C’est loin d’être le cas aujourd’hui et je travaille en ce moment avec les élus locaux pour lancer à la rentrée 2016 des expérimentations visant à renforcer la mixité sur une vingtaine de territoires identifiés. En matière de mixité sociale, pour que la donne change véritablement, il faut agir pas à pas, progressivement. Une baguette magique simplifierait bien des choses !

Un autre de mes vœux serait que tous les élèves, au terme de leur scolarité obligatoire, maîtrisent véritablement la lecture et l’écriture. C’est indispensable non seulement pour trouver un emploi mais aussi, plus généralement, pour trouver sa place dans la société.

Enfin, alors que certains élèves pensent que la réussite n’est pas faite pour eux, j’aimerais que tous aient l’ambition de réussir, quelle que soit la voie qu’ils choisissent. Que tous aient des rêves qui les poussent à se dépasser.

Dans le monde de l’éducation, selon l’INSEE, les femmes représentent 84% des enseignants dans le premier degré, 59 % dans le second degré, et 38 % dans le supérieur. L’Éducation Nationale ne devrait-elle pas être un exemple de l’égalité hommes/femmes dans le monde professionnel ?

Oui, l’égalité entre les femmes et les hommes doit être une priorité. Vous savez l’importance que j’y accorde en tant qu’ancienne ministre des Droits des femmes. Dans l’Éducation nationale, la parité progresse petit à petit, les résultats sont visibles et très encourageants. Dans les emplois d’encadrement dirigeant, la part des femmes ne cesse d’augmenter. Dans les jurys de recrutement, la parité est désormais respectée. Enfin, pour ce qui concerne les recteurs, nous progressons également depuis 2012 : le 2 mars dernier, j’ai notamment nommé trois nouvelles rectrices et nous en sommes désormais à 13 rectrices et 17 recteurs, alors qu’en 2012 les rectrices n’étaient qu’au nombre de 9.

Quel doit être le rôle de l’école sur l’embrigadement des jeunes (théories du complot, djihadisme, etc.) ?

Le rôle de l’école est justement de développer l’esprit critique des jeunes, de leur apprendre à penser par eux-mêmes. Et l’esprit critique, c’est ce qui protège contre l’embrigadement.

Plus précisément, j’ai fait le choix de renforcer dans la scolarité la place de l’éducation aux médias et à l’information, qui se déploie désormais dans le cadre de l’enseignement moral et civique que tous les élèves suivent du CP à la Terminale.

Pour lutter contre les théories du complot, j’ai organisé le 9 février une journée de réflexion sur ce sujet, lors de laquelle de nombreux enseignants nous ont fait part de la manière dont ils abordaient ces sujets en classe, par exemple en faisant créer aux élèves de fausses théories du complot afin qu’ils en comprennent les rouages. Des outils pédagogiques destinés aux enseignants ont été produits et d’autres le seront encore prochainement.

Enfin, vous évoquez la lutte contre la radicalisation et le djihadisme. Au-delà de ce que je viens d’évoquer, toutes les mesures de la Grande mobilisation de l’Ecole pour les valeurs de la République que j’ai engagée en janvier 2015 y contribuent : la création de l’enseignement moral et civique, mais aussi la formation des enseignants sur ces thèmes ou encore la mise en place d’une réserve citoyenne de l’Education nationale pour que les enseignants puissent faire appel à des adultes ayant une expérience particulière à transmettre aux élèves, en lien avec les valeurs républicaines. Les mesures sont nombreuses, il y en a beaucoup d’autres, car nous devons agir sur tous les leviers en même temps.

En quelle année pensez-vous être présidente de la République ? 

Pour le moment je suis ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, c’est une mission importante à laquelle je me consacre pleinement. Mon seul objectif est d’agir et de réformer l’école. Enfin, je souhaite évidemment qu’après 2017 nous puissions continuer ce que cette majorité a commencé en 2012 avec François Hollande.

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