Soutenir la filière professionnelle – Entretien à La Dépêche du Midi

Éducation nationale Publié le 16 avril 2016

En visite ce vendredi 15 avril 2016 dans le Gers, la ministre de l’Éducation nationale a choisi le lycée Le Garros, à Auch, pour détailler les mesures gouvernementales en faveur des filières professionnelles et lancer le 4e appel à projets des Campus des métiers et des qualifications.

Mme la Ministre, comment attirer davantage de jeunes vers les filières professionnelles, notamment celles qui créent de l’emploi ? On a l’impression que les clichés ont la vie dure. Passer le bac, c’était forcément choisir une série générale.

Ce sont des préjugés qui n’ont pas lieu d’être. On fête les 30 ans du bac professionnel. Quand il a été mis en place, c’était pour répondre aux besoins de notre économie, en particulier l’industrie et les services. Trente ans plus tard, ces besoins existent toujours et ils se sont même démultipliés, avec par exemple le numérique, la transition écologique. Quand on regarde de près l’insertion professionnelle, on constate qu’avec un bac pro, un BTS, un CAP ou une licence professionnelle, on trouve finalement plus facilement du travail qu’avec d’autres diplômes plus généraux. Pour notre pays tout entier, il faut avoir conscience que c’est aussi grâce au bac pro que l’ascenseur social fonctionne encore assez bien car c’est dans cette filière qu’on augmente constamment le nombre de jeunes bacheliers. L’image négative dont peut encore parfois souffrir l’enseignement professionnel est donc totalement décalée de la réalité.

Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour y remédier ?

Pour valoriser une filière, il faut déjà parier sur elle. C’est pour ça que nous avons décidé de créer 500 nouvelles formations, à la rentrée 2017, dans l’enseignement professionnel, des formations tournées vers les métiers d’avenir dont on sait qu’ils vont manquer de main d’œuvre. On y mettra les moyens, puisque 1 000 postes d’enseignants ont été provisionnés. Il faut aussi la faire connaître. C’est pour cela qu’on met en place à la rentrée prochaine des jumelages systématiques entre collèges et lycées professionnels de façon à permettre à chaque collégien d’avoir l’occasion de visiter au moins une fois un lycée professionnel. L’idée qui me tient à cœur, c’est que chacun comprenne bien qu’aller en lycée professionnel n’est pas un choix par défaut. Ça ne veut pas forcément dire faire des études courtes. Après un bac pro, on peut tracer un parcours d’études supérieures. Aujourd’hui, on sait que les BTS ou nos bacheliers professionnels réussissent le mieux sont saturés. Beaucoup sont trustés par des bacheliers des séries générales. Pour changer les choses, j’ai décidé d’instaurer des quotas pour y réserver des places aux bacheliers professionnels. Sur les 5 prochaines années, nous allons en outre ouvrir chaque année 2000 places supplémentaires en BTS pour démultiplier leurs chances d’y accéder .

Revenons aux sujets d’actualité du moment. Avant-hier, des parents ont manifesté en Seine-Saint-Denis pour protester contre le non-remplacement des enseignants. Quelle est la situation ?

Je comprends l’irritation des parents et j’y apporte des réponses tant quantitatives (Creation de postes de remplaçants que qualitatives pour améliorer la fluidité de notre système de remplacement ) mais il est important de rappeler que ce problème existait dans des proportions beaucoup plus importantes avant 2012. Depuis 4 ans, on a reconstitué un vivier de remplacement qui avait tout bonnement été anéanti en 2012. Le taux d’absences non remplacées ne cesse de diminuer : de 3,5 % en 2015, il est passé à 2,9 % cette année. Je constate que les acteurs et les observateurs sont souvent plus exigeants à l’égard d’un gouvernement qui a conscience des difficultés et qui agit pour les résoudre, plutôt qu’à l’égard d’un gouvernement qui aggrave la situation par des dizaines de milliers de suppressions de postes d’enseignants.

La semaine dernière, le Parlement a adopté en dernière lecture le projet de loi qui va permettre d’améliorer la communication entre justice et Éducation nationale. C’est une avancée majeure pour prévenir les cas de pédophilie en milieu scolaire ?

Le drame de Villefontaine est un des faits qui m’aura le plus marquée lors de mon passage dans ce ministère. J’ai tenu à prendre des mesures qui répondent à tous les cas de figure. Dorénavant, la Justice devra systématiquement informer l’Éducation nationale quand un de ses agents est en cause dans une affaire de prédation sexuelle, et ce dès le stade de la mise en examen et à fortiori au moment d’une condamnation, pour que très vite nous prenions les mesures de suspension ou de révocation qui s’imposent. C’est ce que prévoit la loi que j’ai faite voter, avec le garde des sceaux, la semaine dernière. Cette transmission d’information se fera dans un cadre sécurisé. Cela vaudra donc pour l’avenir, et on pourra ainsi garantir sérieusement qu’on ne laisse pas dans nos établissements scolaires des personnes dont le danger pour les enfants est avéré. Mais il faut aussi regarder le passé pour s’assurer qu’aucune affaire ne soit passée entre les mailles du filet. Voilà pourquoi, pour les affaires antérieures au vote de la loi, j’ai décidé de passer en revue les casiers judiciaires de tous les agents de l’Éducation nationale, soit 850 000 personnes. Ce travail, qui a déjà débuté dans l’académie de Reims, nous prendra un an, à raison de 3000 contrôles de casiers par jour. C’est indispensable de façon à éviter qu’un autre cas comme Villefontaine survienne mais aussi pour rassurer les Français. Je veux surtout avec cette opération de transparence qu’on évite les amalgames et l’opprobre généralisé car la très grande majorité de nos enseignants sont bien sûr irréprochables.

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Propos recueillis par Pierre-Jean Pyrda pour la Dépêche du Midi.


Photos © Philippe Devernay / MENESR

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Un commentaire sur Soutenir la filière professionnelle – Entretien à La Dépêche du Midi

  1. Nicky

    Bonjour Madame la ministre, vous axez vos projets pour l’apprentissage, je pense que vous avez raison, il y a aussi les maisons des compagnons qui sont d’excellents formateurs, cette filière a été laissée pour compte n’a pas été valorisée et c’est dommage, avec votre projet cela sera t-il remis au goût
    du jour? oui je sais il n’y a pas de place pour tout le monde, mais cela vaut la peine de s’y intéresser d’un peu plus près.
    Respectueusement Nicky G

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