À la 10ème journée nationale des Dys, l’École mobilisée avec ses partenaires – Discours

Villeurbanne-Lyon Éducation nationale Publié le 8 octobre 2016

Ce samedi 8 octobre 2016 à Lyon, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a prononcé un discours dans le cadre la 10ème Journée nationale des Dys, les dyslexies, dysphasies, dyspraxies, dyscalculies.
Retrouvez ici le discours de la ministre avec quelques images de sa visite.

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Madame la Conseillère Régionale déléguée au handicap,
Madame la Rectrice, chère Françoise,
Monsieur le Directeur délégué au pilotage de l’offre médico-sociale de l’ARS,
Mesdames les co-présidentes de DYSTINGUONS-NOUS,
Monsieur le parrain de la journée nationale des DYS,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,

Rendre visible ce qui est invisible. Tel est le sens de votre action.

En la résumant ainsi, on peut avoir le sentiment qu’elle relève d’une mystérieuse alchimie, d’un pouvoir singulier.

Pourtant, point de magie ici, mais un engagement.

Point de recette miracle, mais une attention portée aux difficultés que rencontrent, au quotidien, celles et ceux qui sont Dyslexiques, Dyspraxiques, Dysphasiques, Dyscalculiques ou qui présentent un Trouble de Déficit de l’attention.

Les troubles DYS, c’est 365 jours par an que les personnes en souffrent, et c’est 365 jours par an que vous agissez.

Mais pour donner, à cette question, une visibilité dont elle a bien besoin, elle qui a trop longtemps souffert de son invisibilité, vous avez mis en place, il y a dix ans de cela, la Journée Nationale des DYS, à laquelle j’ai le plaisir de participer aujourd’hui avec vous.

Dix ans de DYS : voilà qui appellerait bien des acrobaties verbales. Et de ce mot, « DYS », vous avez su, au fil des ans, tirer profit des compositions qu’il permettait, pour justement que les DYS ne soient pas oubliés.

Vous vous êtes dis-tingués, insistant sur les dis-positifs et les dis-positions nécessaires, tout en dénonçant les dys-fonctionnements.

Pour ma part, je constate une chose : dix ans de DYS, dix fois DYS, cela fait beaucoup plus que 100.

Il n’y a ici aucune dyscalculie, mais un fait : vous êtes passés, depuis la première édition, de 150 à 2500 personnes.

C’est la preuve de l’efficacité de votre mobilisation, et cela témoigne d’un intérêt grandissant, et d’une compréhension plus poussée de ce sujet.

Je veux d’ailleurs saluer le travail conduit par le Docteur Olivier REVOL, ici présent, au sein du Centre de Référence des Troubles Spécifiques des Apprentissages.

Ces troubles portent sur des compétences fondamentales, sur les apprentissages : c’est donc souvent à l’École qu’ils se dévoilent, et c’est au sein des salles de classe qu’ils ont longtemps été méconnus, voire tout simplement inconnus.

Si bien des personnes en situation de handicap visible souffrent du regard des autres, de ces regards trop appuyés, effrayés, méprisants, les personnes DYS ont souffert de ne pas être vues. Quand le trouble est invisible, non-dépisté, que reste-t-il ? Les conséquences de celui-ci.

C’est, pour la dyscalculie, le résultat d’une opération qui est faux.

C’est, pour une personne avec un trouble de déficit de l’attention, des consignes qui ne sont pas respectées.

C’est, pour la dyspraxie des difficultés de coordination et des maladresses.

C’est pour la dyslexie, une lenteur de lecture et une mauvaise compréhension du texte, tant les stratégies de compensation mises en place mobilisent leur concentration.

C’est pour la dysphasie, une élocution difficile, un manque de structure dans le discours.

Et toutes ces conséquences occultent le reste, et notamment le fait qu’elles coexistent avec de bonnes, voire de très bonnes, capacités intellectuelles.

Trop bête, trop lent, trop paresseux, trop maladroit, trop agité, trop ceci, trop cela : les enfants Dys paraissaient toujours, à l’École, trop « quelque chose ». Ils finissaient par être parfois vus comme « en trop ».

Cette conception appartient, et j’en suis heureuse, au passé. Alors, je vous rassure, je ne suis pas naïve. Je n’ignore pas qu’il y a encore beaucoup à faire.

Mais je tiens à rappeler le tournant qui a été opéré, lorsque nous avons inscrit dans la loi le principe d’une Ecole inclusive. C’est un changement dans les mots, dans la loi : c’est aussi un changement dans les faits.

Le premier fait, c’est l’augmentation notable du nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés dans les écoles et les établissements relevant de mon ministère : ils sont près de 280 000 en 2015-2016,  soit 7,6% de plus que l’année précédente. Et sur le long terme, dans le second degré, la scolarisation a augmenté de +de 33% depuis 2012.

Concrètement, l’École inclusive, c’est, par exemple, la mise en place de dispositifs adaptés et personnalisés.

Concrètement, c’est ne plus répéter, comme une incantation, « si on veut, on peut », c’est ne pas penser qu’il suffit, de la part de l’élève, d’un peu de bonne volonté, mais c’est faire en sorte que l’Ecole soit à même d’accueillir chaque enfant.  Alors,  j’ai dit combien étaient vaines les injonctions faites à des enfants DYS sur le mode du « allons, fais un effort, change ! ».

Il serait tout aussi vain de proclamer l’École inclusive, et de laisser nos enseignants, nos équipes pédagogiques, et nos cadres, se débrouiller avec cela. Voilà pourquoi nous avons mis l’accent sur leur accompagnement et leur formation.

Dans les écoles supérieures du professorat et de l’Éducation (ÉSPÉ) que nous avons créées, les enseignants sont spécifiquement formés pour mieux prendre en compte les élèves à besoins éducatifs particuliers dans leur classe, par exemple les élèves dyslexiques.

Cela concerne l’ensemble des professeurs, du 1er au second degré.

Et pour ceux qui suivent un cursus mention « « pratiques et ingénierie de la formation », des masters spécialisés sont proposés par certaines ÉSPÉ, intitulés « handicap, difficultés et vulnérabilité » ou « scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers ».

L’Éducation inclusive, vous le voyez, n’est ni un vain mot, ni un slogan. C’est une réalité, et nous faisons en sorte qu’elle fasse partie d’une culture professionnelle commune des enseignants et des personnels de l’Éducation Nationale.

Et si j’évoquais, avec les ÉSPÉ, la formation initiale, je n’oublie pas la formation continue.

La plateforme M@gistère, dédiée à la formation continue des enseignants, propose des parcours de formation consacrés au handicap, et au premier trimestre de l’année scolaire 2016/2017, par exemple, un parcours intitulé « scolariser les élèves à besoins éducatifs particuliers et en situation de handicap » sera disponible.

Enfin, il existe des formations conjointes. Le programme de votre journée le montre bien, les difficultés sont nombreuses, et les problématiques communes, entre l’accès à l’emploi et l’accès à l’Ecole par exemple.

Le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MENESR) a signé le 22 janvier 2016 une convention partenariale pluriannuelle avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l’Unifaf (Organisme Paritaire Collecteur Agréé – OPCA – de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale).

Cette convention permet de réaliser des actions de formation conjointe à destination des professionnels concourant à la scolarisation des élèves en situation de handicap. On peut ainsi favoriser les coopérations interprofessionnelles des acteurs d’un même territoire et le partage de références communes.

Et, dernier point s’agissant de la formation, je n’oublie pas celle des enseignants spécialisés, que j’ai eu l’occasion d’évoquer dans un discours prononcé à l’UNESCO pour la journée mondiale des enseignants, le 5 octobre dernier.

Sur la réforme de leur Certification, les consultations nécessaires auront lieu prochainement et  les textes seront prêts pour la fin de l’année 2016, pour que la nouvelle formation puisse se mettre en œuvre à la rentrée 2017.

Des personnels mieux formés, mieux préparés, c’est important. Mais nous savons aussi que, dans la mise en œuvre de l’École Inclusive, d’autres personnes jouent un rôle essentiel.

Nous devons accompagner nos personnels,  mais nous avons aussi besoin de personnels accompagnants.

Et nous en avons besoin de façon pérenne. Sinon, que se passe-t-il ? Dès qu’une mission spécifique s’achève, les liens établis par l’accompagnant avec la communauté éducative dans son ensemble, et avec les enseignants en particulier, se trouvent rompus.

Alors, nous avons créé, en 2014, un vrai métier d’accompagnant des élèves en situation de handicap : ce sont les AESH, à qui on offre la possibilité de faire passer en CDI leur contrat après 6 ans d’expérience.

Cette mesure a déjà bénéficié à plus de 6 000 personnes en 2016, et au total 28 000 seront concernées.

Par ailleurs, sur les 3 dernières rentrées scolaires, nous avons créé, par an, 350 emplois supplémentaires d’AESH. Pour la rentrée 2017, j’ai souhaité que ce chiffre s’élève à 1351. En tout, de 2012 à 2017, ce sont donc 4251 postes supplémentaires d’AESH qui auront été créés.

Mais pour que l’accompagnement de tous les élèves en situation de handicap puisse être réalisé, l’Éducation nationale a recours, au-delà des AESH, à 56 000 personnes en contrat aidé assurant des missions d’auxiliaire de vie scolaire.

Pour que l’accompagnement des élèves soit toujours réalisé par des personnels formés et stables,  je me suis engagée à ce que ces contrats aidés soient, eux aussi, pérennisés et transformés en AESH.

L’annonce faite par le président de la République, le 16 mai dernier, d’une conversion progressive de 56 000 contrats aidés en emplois d’AESH vient récompenser ce travail sur le long terme, et le pérennise. Dès cette année, et pour 5 ans, 6 400 emplois d’AESH par an  seront créés.

A terme, ce sont donc plus de 60 000 emplois d’AESH qui accompagneront les élèves en situation de handicap.

C’est une avancée considérable pour l’Ecole, pour nos élèves, pour les personnels accompagnants, et pour les enseignants.

C’est aussi, je crois, une avancée considérable pour la société dans son ensemble.

Et en parlant d’avancée, je veux aussi insister sur celle que constitue le numérique, pour les élèves en situation de handicap.

L’École inclusive nécessite forcément de tenir compte, dans les enseignements, dans la pédagogie, de la situation de l’élève, de ses besoins.

Quand vous comprenez qu’un dyslexique, devant un texte, voit des lettres se brouiller, des mots se mélanger, et quand vous avez conscience de l’effort que fournissent au quotidien ces élèves, vous pouvez alors apporter des solutions concrètes.

C’est, par exemple, une enseignante qui ne demande qu’un exercice au lieu de deux à un élève dyslexique. Le résultat ?  Il le réussit parfaitement, quand ses précédents devoirs étaient incomplets et illisibles.

Le numérique facilite énormément la prise en compte des besoins de chaque enfant. Sur une tablette, vous pouvez paramétrer les textes, leur affichage. Vous avez davantage de souplesse, et donc vous aménagez plus facilement.

Et, très sincèrement, c’est aussi une avancée considérable quand vous voyez des élèves qui, par le numérique, vont s’exprimer plus facilement et surmonter des difficultés d’élocution.

Une prise en compte appropriée de la situation de handicap change radicalement les choses. Cela change non seulement pour l’enfant qui redevient un élève à part entière, ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être. Mais cela change aussi beaucoup de choses dans le regard que l’on porte sur eux.

Un regard qui n’anticipe pas des difficultés fantasmées ou supposées, mais qui  tient compte de la réalité de la situation de l’élève, avec bienveillance et exigence. C’est pour cette raison que les ressources pédagogiques que nous créons dans le cadre du plan numérique prennent aussi en compte la question de l’accessibilité. D’ailleurs, cela ne change pas uniquement les choses pour les élèves, mais aussi pour les parents. Il est essentiel, ici encore, que les documents essentiels pour le suivi de la scolarité de leurs enfants soient véritablement accessibles. Nous avons donc, mis en ligne un nouveau site en cette rentrée 2016, “infos-parents-accessibles.education.gouv.fr”.

Il propose les principales informations nécessaires aux parents sous différents formats, permettant à tous d’y avoir accès. On y trouve aussi bien une version en français accessible, une traduction en langue des signes française, une version audio, et un accès « page braille ». Parce que l’accès à l’École concerne non seulement les élèves, mais aussi leurs familles.

Alors, je viens d’évoquer la question de l’Ecole inclusive dans son ensemble. Mais une École inclusive exige que chaque élève soit considéré avec ses particularités.

C’est pour prendre en compte justement cette diversité des problématiques et des solutions qu’elles nécessitent, que nous avons, par exemple, développé les Plan d’Accompagnement Personnalisé (PAP).

Ce nouveau dispositif est dans le droit commun, et il a été instauré par la loi de Refondation, en tenant compte des remarques des familles et des associations sur l’absence d’un dispositif adéquat pour les DYS.

Le PAP permet à tout élève présentant des difficultés scolaires durables en raison d’un trouble des apprentissages de bénéficier d’aménagements et d’adaptations pédagogiques. Il permet une prise en compte des besoins spécifiques plus souple, et s’appuie notamment sur un constat des troubles réalisé par les médecins de l’Éducation Nationale ou par le médecin qui suit l’enfant.

Je veux, à cet égard, saluer le travail et l’implication des médecins de l’Éducation Nationale sur ce sujet. Quand on sait l’importance d’un dépistage précoce, leur rôle est essentiel, et ils l’assument pleinement.

Répondant aux besoins exprimés sur le terrain, le PAP est un dispositif que nous devons encore améliorer en tenant compte des retours qui nous sont faits.

J’ai, par exemple, rappelé aux académies que les pièces justificatives exigées pour la mise en place d’un PAP doivent se limiter aux documents strictement nécessaires pour établir la réalité des troubles, leurs conséquences ainsi que les points d’appui identifiés pour les apprentissages, et je tiens à souligner que cet effort de clarification a été largement relayé par la rectrice de cette académie.

Je vous rassure, je ne vais pas vous faire un catalogue des décrets ou des circulaires auxquels cela a donné lieu, mais désormais le PAP tend vers son objectif : permettre aux élèves présentant des troubles des apprentissages de bénéficier d’aménagements et d’adaptations pédagogiques sans avoir nécessairement recours à une procédure longue et complexe auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).

Oui, nous agissons, pour une école inclusive, et cela se voit chez vous, dans vos territoires.

Avec 14 Unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) spécifiquement dédiées aux élèves présentant ce type de troubles le département du Rhône est exemplaire. Il met également à disposition 2,5 ETP de professeurs des écoles spécialisés dans les centres de référence « troubles du langage » localisés au sein des hôpitaux lyonnais. Les enseignants aident alors à élaborer des préconisations pédagogiques, dans un PPS ou dans un PAP.

Et parce qu’il nous faut voir au-delà de l’École, je veux souligner le travail entrepris dans cette académie, avec la référente handicap de l’université Jean Monnet de Saint-Étienne, pour mettre en place  une passerelle entre le lycée et l’université pour les élèves concernés, avec l’idée de reprendre des éléments du PAP à l’université lorsque les besoins de l’étudiant le nécessitent.

J’ai été, précise, un peu technique sans doute, mais je crois que le sujet des DYS et de l’École inclusive est trop important pour être évacué avec des formules enthousiastes, qui promettent tout, mais ne font rien.

Il y a pire que l’invisibilité : c’est l’ignorance et l’indifférence. C’est contre elles que nous devons lutter, non seulement au sein de l’École et plus largement dans l’ensemble de mon ministère, mais aussi dans la société toute entière, sur les lieux de travail ou les lieux de vie.

C’est ce combat que vous faites avancer, journée nationale après journée nationale, année après année.

Dans ce combat, je veux vous assurer du soutien de l’École, d’une École inclusive, qui a vocation, après avoir été, trop longtemps, un lieu de souffrance pour les DYS, à être le lieu de leur épanouissement et de leur reconnaissance.

Je vous remercie.

Najat Vallaud-Belkacem,
Ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche


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4 commentaires sur À la 10ème journée nationale des Dys, l’École mobilisée avec ses partenaires – Discours

  1. Ricercar

    Combien de vrais “DYS”, et combien d’enfants simplement massacrés par les méthodes d’apprentissage de la lecture à dominante globale ?

  2. Luisetti

    Merci d’être venue Madame la Ministre. C’était une chouette journée, avec plein de sourires et plein d’espoirs. J’ai une très belle photo de vous quand vous accrochez votre message sur l’olivier, avant de partir. La photo est émouvante car vous accrochez votre message à côté de celui d’une petite fille qui a dessiné un visage qui pleure.
    Contactez moi si vous la voulez.
    Il y a trop de souffrance chez nos enfants DYS, trop de souffrance pour nous parents, qui n’en pouvons plus de faire toutes les années des dossiers MDPH pour avoir une AVS, de convaincre tous les ans les enseignants que les aménagements sont indispensables et ne constituent pas une aide injuste vis à vis des autres élèves, mais des compensations de leur handicap.
    Convaincre, toujours convaincre, encore convaincre l’année suivante…
    Ce parcours scolaire est épuisant. Certes nos enfants auront appris le courage, la persévérance, ils auront développer une capacité de travail extraordinaire, mais je vous assure que moi, maman d’une fille en 4eme, dyspraxique et avec un TDA, je suis à bout de forces.
    Alors aidez nous à faire vraiment vite bouger les choses et améliorer les DYSfonctionnements.

  3. Dieppois

    Je suis athée à votre politique.on ne vit pas dans le même monde.j’ai tellement hâte à votre sortie politique,cela fera du bien fou à tous le monde.

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