Perpétuons la mémoire de nos morts à travers le chemin exigeant que dessine l’École de la République – Discours

Éducation nationale Publié le 11 novembre 2016

Ce jeudi 10 novembre 2015, Najat Vallaud-Belkacem a rendu hommage aux combattants et aux victimes de la première guerre mondiale et de la seconde guerre mondiale, à nos morts en réunissant l’ensemble de son cabinet, les inspections générales et directions centrales du Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Retrouvez ici le discours prononcé en hommage à nos morts par la ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Participation de la ministre Najat VALLAUD-BELKACEM, à la cérémonie du 11 novembre en hommage aux personnels de l’Education nationale morts pour la France, au Ministère de l’Éducation nationale, le jeudi 10 novembre 2016 - © Philippe DEVERNAY

Mesdames et messieurs,
Chers amis,

Il y a 98 ans, le 11 novembre 1918, à 5h15 du matin, était signé l’armistice. Le cessez-le-feu fut effectif à 11h.

La joie et le soulagement furent immenses. La détresse aussi. Comme l’écrira Gabriel Chevallier dans le roman où il retrace son expérience du front : « L’avenir s’ouvre comme une avenue magnifique. Mais une avenue bordée de cyprès et de tombes. Quelque chose d’amer gâte notre joie, et notre jeunesse a beaucoup vieilli. »

A 11h, ce jour-là, chacun regarde autour de soi. Et dans le calme étrange qui suit le tumulte des combats, remonte le souvenir de ceux qui ne sont plus.

Ces morts, les murs de ce ministère en portent la mémoire. Une plaque commémorative nous rappelle le lourd tribut payé par ce ministère en 14-18. Point de noms sur cette plaque, mais des chiffres. Et derrière ces chiffres, des instituteurs, des enseignants morts pour la France – aux côtés de ces millions de victimes dont nous célébrons la mémoire.

Il y a celui qui meurt au début du conflit, et qui ne le verra pas s’enliser, mois après mois. Il y a celui qui meurt le dernier jour, la dernière heure.

Il y a celui qui tombe loin de chez lui, et celui qui finit dans les ornières connues des chemins de son enfance.

Il y a celui qui croyait au ciel, et celui qui n’y croyait pas.

Il y a, pour chacun d’entre eux, en nous, en ce moment, une pensée et un hommage.

Ce sont eux qui nous rassemblent aujourd’hui, dans leur souvenir. Un souvenir qui prend, en ces années où nous commémorons le centenaire de la première guerre mondiale, une force particulière.

Il y a quelques mois, du 26 au 29 mai, à Verdun, la jeunesse allemande et la jeunesse française se sont rassemblées unies dans le souvenir et le respect des morts.

Un siècle, cela paraît beaucoup. C’est pourtant bien peu à l’échelle de l’histoire de notre humanité.

Et voici qu’à Verdun, 100 ans après, 4000 jeunes français et allemands sont venus. Ils ont mis leurs pas dans les pas de leurs ancêtres. Ils sont venus sur les lieux mêmes de ce qui fut un enfer. Et sur cette terre qui porte encore les traces de la fureur des combats passés, ils ont échangé, dialogué et travaillé ensemble.

Je veux, à cet égard, souligner que ce fut l’occasion d’un travail pédagogique considérable sur l’histoire.

Au-delà de Verdun, c’est à travers toute la France, que des élèves se sont emparés de cette Histoire avec leurs enseignants, avec les équipes pédagogiques, avec chacune et chacun des membres de cette grande et belle institution qu’est l’Education Nationale – et je salue l’élan et la mobilisation admirable des personnels de ce ministère.

Dans cette jeunesse présente au milieu des tombes où reposent les jeunes du passé, se forge un symbole. Un symbole qui nous ramène au sens de cette cérémonie du 11 novembre.

Si elle conserve évidemment ce lien si particulier qui la rattache au premier conflit mondial, cette date, est, depuis 2012, l’occasion de rendre hommage à tous ceux qui, au fil de l’histoire, sont morts pour la France.

Se souvenir de leur sacrifice, c’est contempler le chemin qui nous a conduits jusqu’ici, jusqu’à ce 11 novembre 2016.

C’est se souvenir que ce qui nous unit, ce n’est pas uniquement l’appartenance à un pays qui transcende notre personne, mais c’est aussi notre inscription dans un passé qui nous dépasse.

Un passé avec ses heures glorieuses et ses heures sombres. Un passé dont il nous faut accepter qu’il ne soit pas uniforme, mais en clair-obscur.

Oui, même dans les heures les plus sombres de notre pays, des voix se sont élevées, des femmes et des hommes se sont dressés, pour résister, pour défendre nos valeurs, et s’y engager parfois jusqu’au sacrifice de leurs vies.

Ils sont nombreux, ceux qui, en mourant pour la France, mouraient aussi pour un idéal, pour un avenir meilleur.

Et sans doute n’est-ce pas un hasard, si c’est par l’aurore que s’achève le poème « Demain », écrit par Robert Desnos en 1942 – en pleine seconde guerre mondiale :

« Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore

De la splendeur du jour et de tous ses présents.

Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore

Qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent. »

En évoquant, dans ce ministère, la seconde guerre mondiale, et la permanence de l’espoir, il est impossible de ne pas penser à Jean Zay.

Dans cette institution qui connaît l’importance du travail de mémoire et de la connaissance historique, me revient à l’esprit ce que celui qui fut ministre de l’Éducation Nationale, écrit dans ses souvenirs de détention, le 26 juin 1942 :

« Les ouvrages d’histoire ne se peuvent plus lire que la plume à la main, comme au temps des études. A chaque page une phrase surgit qui rend un son si actuel qu’on en demeure saisi. »

Et notre présent est empli de ces échos saisissants. L’époque est pleine de bruit et de fureur. Autour de nous s’accumulent les défis et les crises.

Nous voyons la montée des populismes et des nationalismes.

Nous entendons s’élever des discours de haine et de discordes.

Nous voyons grandir des tentations : celles de transiger sur nos principes, sur nos valeurs, en pensant, par la compromission, être capables de relever les défis d’aujourd’hui.

Ce serait pourtant un étrange hommage aux sacrifices passés, que de sacrifier ces valeurs pour lesquelles des femmes et des hommes sont morts.

Trois mots sont inscrits sur le fronton de chacune de nos écoles, de chaque collège et de chaque lycée : Liberté, Égalité, Fraternité.

Ces mots nous ne devons jamais oublier leur force. Leur exigence. Ce n’est pas simple de défendre l’égalité, la liberté et la fraternité, de s’engager pour elles, de les vivre et de les incarner.

Il est tellement plus simple de défendre l’inégalité, l’asservissement, et la haine. Nul besoin d’effort pour cela. Il suffit de se laisser aller, et l’on se montre sans peine à la hauteur d’une telle devise – parce qu’elle met l’humanité bien bas.

Mais quand votre devise est liberté, égalité, fraternité, alors là il faut des efforts. Là il faut non seulement agir, mais s’engager. C’est cela une devise : l’horizon de notre action présente. Et une devise dépérit dès que l’on oublie à quel point elle s’énonce à l’impératif.

Ces mots ne sont pas que des mots : des femmes et des hommes ont donné leurs vies pour ces eux.

Voilà ce que nous rappelle cette cérémonie où nous rendons hommage à ceux qui sont morts pour la France.

Voilà aussi ce à quoi contribue, jour après jour, mois après mois, et année après, l’École de la République.

Oui, l’École dessine une voie. Elle esquisse un chemin.

Elle est – et elle a toujours été – habitée par l’idée de progrès ; habitée par la conviction que les crises traversées ne trouvent de réponses durables que par la connaissance, la culture et la réflexion.

Alors, oui, c’est un long chemin que celui de l’École, difficile parfois, exigeant toujours, mais c’est le seul qui vaille la peine d’être emprunté.

Parce que c’est ainsi que nous nous montrons à la hauteur du sacrifice accompli par celles et ceux qui nous ont précédés.

C’est ainsi que nous perpétuons leur mémoire et leur souvenir de génération en génération.

C’est ainsi, au fond, que nous évitons d’avoir pour avenir, un chemin bordé de cyprès et de tombes.

Je vous remercie.

Najat Vallaud-Belkacem
Ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Participation de la ministre Najat VALLAUD-BELKACEM, à la cérémonie du 11 novembre en hommage aux personnels de l’Education nationale morts pour la France, au Ministère de l’Éducation nationale, le jeudi 10 novembre 2016 - © Philippe DEVERNAY


Photos © Philippe Devernay / MENESR

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