Inauguration du Salon européen de l’Éducation 2016 – Discours

Éducation nationale Publié le 18 novembre 2016

Ce vendredi 18 novembre 2016, Najat Vallaud-Belkacem a inauguré le Salon européen de l’Éducation 2016. La Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a tenu à remercier l’ensemble des acteurs de la Refondation de l’École. L’ensemble de celles et ceux qui font l’École, la font vivre et avancer, ses personnels, enseignants, personnels d’Éducation et ses partenaires ainsi que les parents.
Retrouvez ici le discours de Najat Vallaud-Belkacem :

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Mesdames et messieurs,
Chers partenaires,
Chers amis,

Vous savez, d’habitude, je conclus toujours mes discours par la formule « Je vous remercie ».

Eh bien, pour une fois, je commencerais ce discours par la fin. Je commencerais par ces mots : je vous remercie.

Oui, je vous remercie, vous qui travaillez au quotidien dans les écoles, les collèges et les lycées.

Je remercie les personnels d’éducation, de direction, d’orientation, sociaux et de santé, les animateurs TICE, les conseillers pédagogiques, les référents handicaps, et  excusez-moi pour cette énumération nécessairement incomplète.

Je remercie les enseignants pour le travail qu’ils accomplissent jour après jour dans les salles de classe ; pour leur engagement sans cesse renouvelé, au service de la jeunesse, eux qui nous montrent l’exigence et l’ambition qui existent dans ces mots que l’on dévalue trop souvent, ceux de « service public ».

Je remercie les parents d’élèves. Si la coéducation est n’est plus un simple mot, mais une réalité, c’est grâce à leur engagement, avec nous, à nos côtés.

Je vous remercie, chers partenaires de l’École, chères associations, chère Ligue de l’Enseignement et je suis heureuse et fière d’avoir pu renforcer les liens que nous tissons avec vous ; je suis heureuse et fière d’avoir pu contribuer à soutenir cette relation qui nous unit depuis longtemps, et dont cette semaine de l’éducation est un témoignage marquant.

L’École fait partie de notre vie, elle fait partie du paysage de la République. Est-ce la force de l’habitude qui fait que nous ne nous rendions pas toujours compte de la chance immense que représente l’École ?

Celles et ceux qui la font vivre, qui la font avancer, et qui la font, tout simplement, jour après jour, doivent être remerciés. Leur travail doit être reconnu et valorisé. Et quel meilleur endroit pour le faire, justement, que ce salon européen de l’Éducation.

Je sais, mesdames et messieurs, que la Refondation a demandé beaucoup à chacune et à chacun d’entre vous.

Je sais ce que cela vous a demandé, parce que la Refondation de l’École de la République n’existe que grâce à vous.

Je sais ce qu’elle a demandé les années passées, et je sais ce qu’elle demande cette année.

Oui, je sais ce que demande, aux équipes pédagogiques et à ceux qui les accompagnent, en termes de travail, la mise en œuvre de la nouvelle organisation du collège ; je sais ce que demande la mise en place des EPI ou de l’accompagnement personnalisé, l’évaluation du socle et l’appropriation du livret scolaire unique.

Je le sais aussi, parce que, contrairement à d’autres, je ne résume pas le travail des enseignants au temps passé dans la classe. Je ne considère pas les professeurs comme d’infâmes privilégiés ; je vois, moi les professionnels admirables qu’ils sont !

Derrière chaque heure de cours, il y a des heures et des heures de préparation, et après chaque cours, il y a des heures et des heures de correction. Et il y aussi des heures de formation, des heures de travail en équipe, des heures de rencontres avec les parents.

C’est tout cela que nous avons voulu reconnaître avec le PPCR, avec  l’augmentation de l’indemnité pour les enseignants des REP et des REP+, ou encore avec l’augmentation de l’ISAE.

Le Premier ministre l’a d’ailleurs rappelé récemment, ces revalorisations indemnitaires ne sont pas une fin en soi, mais un premier pas vers une rémunération à la hauteur de l’importance du travail qu’accomplissent les professeurs, à la hauteur de leur rôle central dans la société, qui doit être reconnu à sa juste valeur.

Ce que nous avons fait, mesdames et messieurs, ce n’est pas quelque chose que la ministre de l’Éducation Nationale et les services de son administration centrale pouvaient faire seuls.

Oui, nous avons beaucoup demandé à chacun des acteurs et des partenaires de l’éducation nationale, et il y a bien des moments où vous avez pu vous interroger : est-ce bien raisonnable ? Est-ce bien raisonnable de changer tous les programmes en même temps ? De réformer le collège, le système d’allocation des moyens, les réseaux d’éducation prioritaire ?

Alors, oui, nous avons fait beaucoup. Et oui, cela pouvait sembler déraisonnable, peut-être – ambitieux, plus sûrement.

Surtout, c’était urgent, c’était nécessaire et c’était cohérent.

Je ne reviendrais pas sur la situation dans laquelle était l’École au printemps 2012. Je ne reviendrais pas sur l’urgence de cette situation, parce que non seulement vous la connaissiez, mais plus encore, vous la viviez, et vous la subissiez.

Si je suis ici, ce n’est pas pour défendre les réformes conduites.

Je suis là pour saluer votre engagement, aussi, en tant que représentants syndicaux, en tant que représentants des parents d’élèves, en tant qu’acteurs associatifs. Nous avons pu avoir des désaccords. Il y a encore des sujets sur lesquels nous pouvons progresser. Mais il y a une chose qui nous rassemble : nous voulons que tous les élèves réussissent et pas simplement quelques-uns ; nous voulons tous en finir avec le poids des déterminismes économiques et sociaux.

La fatalité a toute sa place dans une tragédie grecque ; elle n’a rien à faire dans l’École de la République.

L’École, c’est précisément le contraire d’un destin imposé. L’élève n’est pas à l’école pour subir un destin mais pour se bâtir un avenir. Son avenir. Voilà l’objectif qui est au cœur de l’École, et qui rassemble la communauté éducative toute entière.

En septembre dernier, sont entrées en vigueur les dernières réformes de la Refondation. C’est un moment important, parce qu’il donne, à l’action menée depuis le début de ce quinquennat, sa cohérence. Mais comme j’ai commencé ce discours par la formule qui normalement le clôture, je voudrais, une fois encore, inverser notre perspective : cette rentrée scolaire 2016 marquait moins une fin, qu’un commencement.

Oui, il nous reste encore bien des choses à faire, bien des choses à améliorer, bien des progrès à accomplir.

Par notre action, durant ce quinquennat, nous avons redressé l’École, et nous lui avons donné des assises solides, avec des moyens à la hauteur de nos objectifs pédagogiques, car il y avait, à ce niveau, une véritable urgence.

Quand j’entends des gens dire « les moyens ne suffisent pas ! », et en faire un argument pour les diminuer, cela me fait penser à ces personnes qui vous répètent que l’argent ne fait pas le bonheur, comme si cela impliquait que la misère est la garantie du bonheur.

Non, les moyens ne suffisent pas, mais l’absence de moyens suffit, elle, à miner une politique éducative ambitieuse. Elle suffit à aggraver rapidement des situations déjà fragiles.

Cette description, ce n’est pas de l’idéologie ; c’est le simple constat de ce qui avait été fait avant l’exercice de refondation que nous avons mené.

Du coup, si nous avons agi pour redresser la situation, il reste encore beaucoup à faire et plusieurs chantiers à ouvrir.

Nous avons réformé l’éducation prioritaire dans les écoles et les collèges, et il est évident que nous devons le faire pour les lycées.

Nous avons commencé à renforcer les articulations dans des étapes clefs de la scolarité, il nous faut encore améliorer les liaisons entre l’école et le collège, entre le collège et le lycée, entre le lycée et l’université.

Et en parlant de liens, nous devons aussi consolider ceux que nous établissons entre la recherche et l’enseignement. Nous devons encore renforcer l’innovation pédagogique.

Ce sont là deux chantiers que j’ai voulu encore approfondir, avec notamment la mise en place des Instituts Carnot de l’Éducation, et nous devons poursuivre dans cette voie. C’est pour cela que j’ai demandé à François TADDÉI ou encore à Philippe Watrelot, désormais à la tête du CNIRE, de m’aider dans cette tâche.

Nous avons rétabli la formation initiale et continue des enseignants, mais nous devons encore et toujours les améliorer.

Et de la même façon, la mise en place des parcours éducatif, la relation entre l’École, les associations et les familles, l’articulation du périscolaire et du scolaire, oui, tout cela a progressé mais va encore progresser avec le temps, et au fur et à mesure que les acteurs de terrain pourront s’en emparer.

Je veux, à cet égard, juste prendre un exemple : la réforme des rythmes scolaires.

C’est une réforme qui a été particulièrement difficile. Elle a rencontré des résistances très fortes lors de sa mise en place, au tout début du quinquennat et ce malgré un consensus très large sur la nécessité de cette réforme.

Que voyons-nous aujourd’hui, concrètement, sur le terrain ?

Des progrès à réaliser encore, ensemble, certainement. Mais je vois aussi des enfants qui s’en réjouissent ; j’entends des maires qui s’en félicitent qui s’en félicitent pace qu’ils se sont emparées de cette réforme pour développer un parcours cohérent entre le temps scolaire et le périscolaire, pour offrir à plus d’enfants l’occasion de s’épanouir par la découverte d’activité éducatives ; je rencontre aussi des enseignants et des animateurs qui construisent et entretiennent cette complémentarité, cette forme d’alliance éducative dont nous avons tous défendu la nécessité pour œuvrer en commun à la réussite des élèves.

Oui, nous avons encore beaucoup à faire. Et pour faire tout cela nous avons besoin de temps. Malheureusement.

Je dis « malheureusement », parce que le temps est, à notre époque, une denrée rare. Or nous avons besoin, pour assurer la réussite de tous nos élèves, pour assurer la transmission des connaissances et des savoirs, d’une qualité essentielle : nous devons faire preuve, comme le résumait Rimbaud d’un somptueux oxymore, « d’une ardente patience ».

On parle beaucoup de développement durable. A juste titre.

Eh bien nous avons aussi besoin de politique durable. Nous devons laisser le temps au terrain de s’emparer de nos mesures, parce que c’est sur le terrain que tout se joue, et que l’on peut affiner, préciser, et avancer.

Je vais vous dire, très sincèrement, ce que je redoute, avec la publication prochaine des résultats PISA – dont on peut imaginer qu’ils mettent en lumière certaines difficultés. C’est que l’on se précipite pour tout changer. C’est que l’on casse tout ; que l’on enlève les moyens ; que l’on abolisse les réformes. Et cela, en ne cessant de répéter « vous voyez bien que ça ne marche pas ! ».

Or s’il est une chose essentielle – dans l’éducation en particulier – c’est de laisser du temps au temps.

Il n’y a pas de recette miracle. Il n’y a pas de formule magique qui permettrait de résoudre tous les problèmes. Non, il n’y a que la volonté et le temps ; cette volonté qui permet de fixer un cap pour faire avancer l’école par-delà les difficultés ; et il y a ce temps qui permet de former, d’enseigner et de transmettre.

Ce n’est pas, j’en suis consciente, très vendeur. Dire, « laissez le temps au temps », dans une période où triomphe l’immédiateté, c’est prendre le risque de ne pas être entendue. Cela ne sera jamais une tendance à la mode sur twitter. Mais je veux le dire ici devant vous, parce que vous savez, vous, mieux que personne, que l’École a besoin de temps.

J’ai rêvé – comme tout élève je pense – d’avoir un jour une potion qui me permettrait instantanément d’acquérir tous les savoirs. Mais ce rêve n’est qu’un rêve.

Si l’élève, au fil de son parcours, acquiert des savoirs, des compétences et des connaissances, ce n’est pas sous l’effet d’une métamorphose soudaine, mais grâce au travail quotidien des enseignants pour transmettre, expliquer et former.

L’École, avant d’être un lieu, existe d’abord à travers les femmes et les hommes qui la font vivre. Même sans murs, une école reste une école, dès lors que plusieurs s’assemblent pour assurer cette mission essentielle : former des citoyens instruits, éduqués, et autonomes.

Alors, oui, remplir une telle mission est bien plus lent, plus laborieux, plus difficile, plus décourageant parfois que les injonctions simplificatrices et les « il n’y a qu’à ». Mais cela est aussi plus galvanisant, plus libérateur et plus ambitieux. Plus humain en somme. C’est une réponse pérenne et efficace aux défis qui sont les nôtres.

Donc si je ne rêve plus à cette potion miracle, j’ai un souhait, et davantage encore, une volonté : prolonger et amplifier encore les mesures et les actions mises en œuvre.

C’est ainsi que nous pourrons progresser véritablement. Et dans la période où nous sommes, dans ces temps de mutation et de tensions, il est bon de se rappeler que les fondations de l’École sont des racines.

Elles plongent à travers les siècles, dans l’humanisme de la Renaissance, dans les progrès des Lumières, dans toutes ces époques où l’on s’est donné les moyens et l’ambition de l’éducation.

Je suis convaincue, mesdames et messieurs – et je pense que c’est une conviction largement partagée ici – que nous ne relèverons les défis de notre temps que par le savoir, l’étude, la formation et la recherche.

Et si je crois en l’humanisme, il nous faut, par rapport à la Renaissance, franchir un cap supplémentaire : c’est conserver l’exigence, et y ajouter la démocratisation.

Cela demande un double effort de notre part : des évolutions dans la façon même dont nous enseignons, et en même temps une valorisation de la diversité des réussites et des voies d’excellence.

Oui, il faut, et c’est ce que j’ai fait, revaloriser l’enseignement professionnel. Elargir les perspectives. Et tisser des liens, sans cesse, entre ces domaines que l’on opposait trop souvent – mais sans assigner les enfants à résidence sociale et professionnelle à l’âge de 11 ans !

Nous avons tous à y gagner. Je refuse de considérer l’excellence comme un gâteau dont les parts seraient limitées. L’innovation se fait à plusieurs, collectivement, et augmenter le niveau général doit nous aider à faire basculer la société toute entière dans cette société des savoirs qu’évoque Bernard Stiegler.

Cela suppose en particulier de travailler sur ce que l’on appelle le -3 +3, soit le lycée et les premières années de l’enseignement supérieur.

Pourquoi ? Justement parce que je suis convaincue de l’importance de ce qui se joue dans nos écoles, nos collèges, nos lycées, nos universités. Justement parce que le savoir n’est pas quelque chose que l’on garde jalousement, mais qu’il doit être largement partagé.

Voilà, mesdames et messieurs, l’ambition qui m’anime aujourd’hui devant vous, et qui ne cesse de me pousser à agir, comme je sais qu’elle vous guide aussi au quotidien.

C’est bien cette double ambition, d’une École à la fois exigeante et viscéralement démocratique, profondément juste, qui nous a conduit jusqu’ici, et qui continuera de nous porter à l’avenir.

A travers l’École, ce n’est pas seulement l’avenir individuel de nos élèves qui est en jeu – c’est déjà immense – mais c’est notre avenir commun, à nous, en tant que société, en tant que République, et c’est même notre présent !

Oui, aujourd’hui, dans les temps où nous sommes, c’est l’honneur d’un pays que d’affirmer qu’il souhaite la réussite de chaque élève ; il serait tellement plus facile de revoir nos ambitions à la baisse, et certains ne se gênent pas pour le faire.

Nous sommes, nous, ambitieux parce que nous savons que nous ne surmonterons les crises auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés que par le haut !

Par le haut, c’est-à-dire par le savoir, par la pensée, par la recherche – bref, par l’éducation : cette éducation qui est au cœur de ce salon, qui est au cœur de nos vies, et qui est au cœur de toute politique digne de ce nom !

Je vous remercie.

Najat Vallaud-Belkacem
Ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche


Photos © Philippe Devernay / MENESR