Sans prof, aucun récit national – Entretien à La Provence

Éducation nationale Publié le 28 novembre 2016

A l’occasion de son retour à Marseille comme elle s’y était engagée en avril 2016, Najat Vallaud-Belkacem a accordé lundi 28 novembre 2016, un entretien au journal La Provence.
Retrouvez cet entretien ici.

Après une matinée varoise, c’est vers Marseille que la ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, mettra le cap cet après-midi, avec un agenda chargé. Visites d’écoles, rencontre avec les syndicats et meeting, le soir, du député PS Patrick Mennucci. Son arrivée à Marseille devrait cependant y être mouvementée : un comité d’accueil des enseignants des lycées inscrits dans la carte de l’éducation prioritaire, dont ils craignent de perdre les moyens, sera en gare Saint-Charles à 13 h. Mais la ministre ne vient pas les mains vides, comme elle l’a annoncé à La Provence en exclusivité.

Vous étiez à Marseille en avril, vous y voici de retour : pourquoi ?
Najat Vallaud-Belkacem : Je m’étais engagée en avril dernier à revenir suivre l’avancement du plan d’amélioration des écoles que nous avons décidé avec la Ville de Marseille. L’État fait un effort important de plus de 7 millions d’euros au côté de la Ville pour remédier définitivement aux situations inacceptables constatées l’an passé. Cela nécessite une stratégie partagée et de la constance. Ma présence est le signe du soutien et de l’attention du gouvernement aux enseignants et aux élèves de Marseille.

Le parc des écoles marseillaises vous semble-t-il aujourd’hui “digne de la République” ?
NVB :: Il y a un effort incontestable de la Ville et de l’État, qui s’est traduit par 746 chantiers dans 238 groupes scolaires. Donc l’impulsion que j’ai donnée a permis une dynamique de travaux réelle, en dépassant vite les polémiques. Pour autant, il faudra du temps pour remettre à niveau un patrimoine scolaire très dégradé sur certains secteurs, donc rien ne sert de faire croire aux recettes miracle : les écoles marseillaises méritent un investissement massif et durable.

Dans plusieurs secteurs, tel le 3e arrondissement, les nouvelles écoles s’avèrent être des préfabriqués : certains en place depuis des années. C’est acceptable ?
NVB :: Les préfabriqués sont par nature des solutions temporaires. Mon rôle n’est pas de polémiquer ou d’être juge des choix de la mairie, mais de trouver des solutions aux réalités concrètes et difficiles que vivent les enseignants et les élèves. C’est le sens de mon engagement pour les écoles de Marseille.

Que répondez-vous aux lycées marseillais qui craignent de sortir de la carte de l’éducation prioritaire ?
NVB : Les enseignants des lycées qui sont aujourd’hui dans des Zones d’éducation prioritaire demandent à bénéficier des mêmes moyens que leurs collègues en collège, qui ont déjà pu constater la plus-value de la réforme de l’éducation prioritaire : révision de la carte, bien sûr, mais aussi et surtout 350 M€ supplémentaires. Leurs attentes sont légitimes et, oui, la prochaine étape devra être la réforme des lycées de l’éducation prioritaire. D’ici là, j’ai pris des engagements : les indemnités des enseignants et les droits dont ils bénéficient pour leur mutation sont maintenus jusqu’à la rentrée 2019 et je garantis le maintien de tous les moyens supplémentaires dont bénéficient les lycées de l’éducation prioritaire. Enfin, je profite d’être à Marseille pour annoncer une dotation exceptionnelle de 450 emplois nouveaux à la rentrée 2017 pour les lycées les plus défavorisés. Ces emplois permettront d’abaisser le nombre d’élèves par classe et d’améliorer le nombre d’adultes dans les établissements.

Les finalistes de la primaire de la droite (cette interview a été réalisée samedi, NDLR) veulent réduire de 300 à 500 000 le nombre de fonctionnaires : vos annonces en faveur de l’éducation prioritaire ne sont-elles pas d’ores et déjà menacées ?
NVB : Ce ne sont pas seulement les réformes dans l’éducation que nous avons engagées qui seraient menacées, mais l’ensemble du modèle français. Si les fonctions régaliennes sont épargnées, comme ils le promettent, cela veut dire que ces suppressions de postes seront concentrées dans l’éducation. C’est tout simplement la fin programmée de l’école publique gratuite et obligatoire en France, donc la mort d’une certaine idée de la République laïque et sociale, à laquelle je suis viscéralement attachée.

Plus largement, quel regard portez-vous sur les propositions de la droite ? Abandon de la réforme du collège, de la réforme des rythmes scolaires, développement du privé, port de l’uniforme, etc. ?
NVB : Je suis atterrée et très inquiète de ce que j’entends et peut-être surtout, de ce que je n’entends jamais dans ces débats à droite. On peut avoir des divergences sur les approches pédagogiques ou la gouvernance du système éducatif, c’est normal et sain dans une démocratie, mais je crois que nous devrions éviter les polémiques subalternes sur le port de l’uniforme, la destruction systématique de ce qui a été fait par le gouvernement précédent et nous mettre d’accord pour préparer nos enfants à la société du savoir et de la connaissance qui est le monde de demain.

Un collectif d’enseignants vient de publier une tribune s’offusquant des propos de François Fillon sur une réécriture des livres d’histoire par un trio d’académiciens célébrant le “récit national” : que vous inspire cette proposition ?
NVB : Il s’agit une fois encore d’un faux débat pour éviter de parler des vrais enjeux de l’école. Enseigner l’histoire, c’est extrêmement important pour moi. Je veux donc qu’il y ait des professeurs d’histoire devant les élèves. Sans enseignant dans la classe, aucun récit national ne sera transmis à qui que ce soit. Donc les Français sont en droit d’exiger de François Fillon qu’il leur dise d’abord comment il prévoit d’enseigner l’histoire aux 12 millions d’élèves français avec 500 000 fonctionnaires de moins.

Revenons à Marseille. De graves incidents se sont déroulés aux abords de plusieurs lycées (coups de couteau, menaces, etc.) ; un lycéen de 15 ans a aussi été assassiné dans des conditions atroces. Quelle réponse l’Éducation nationale apporte-t-elle à cette violence ?
NVB : Je souhaite souligner la parfaite coordination des services académiques, préfectoraux et l’implication des collectivités pour sécuriser les établissements scolaires. L’équipe mobile de sécurité de l’académie a conduit l’ensemble des diagnostics de sécurité et intervient en cas d’incidents graves. Enfin, nous menons un travail important sur la prévention des violences, notamment avec les enquêtes locales de climat scolaire, qui permettent de mesurer l’état des violences et le niveau de sécurité dans et aux abords des établissements.


Propos recueillis par Delphine Tanguy pour La Provence.

Un commentaire sur Sans prof, aucun récit national – Entretien à La Provence

  1. Hassan

    Sans doute avez vous remis la Citoyenneté au centre du plus bel intérêt d’un Etat…

    Donc, et de Votre “seconde” visite, la démesure antérieure ne faisait pas l’ombre estimée d’une défaillance, car du dysfonctionnement quelle structure semble dépassée, quel futur semblait ignoré…

    Le ou les constats critiques pourront-ils toujours savoir éclairer, voire illuminer, ce que la Jeunesse ne sous entend naturellement, et par principe historique, n’évalue autrement…

    Bien à Vous…

    Merci…

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