Discours sur le développement de l’enseignement contribuant à la transmission des langues régionales

Éducation nationale Publié le 26 janvier 2017

Ce jeudi 26 janvier 2017, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a signé une convention cadre pour le développement et la structuration de l’enseignement contribuant à la transmission des langues régionales, avec la région Occitanie. Voici le discours qu’elle a tenu à cette occasion :

Madame la Présidente de la Région Occitanie, chère Carole Delga,

Monsieur le vice-président de la Région Nouvelle Aquitaine,

Mesdames et messieurs les élus,

Madame la Rectrice de la région académique, chère Armande Le Pellec Muller,

Mesdames et messieurs les rectrices et les recteurs, et je veux saluer tout particulièrement la rectrice de Toulouse, Hélène Bernard, qui nous accueille ici et dont je connais l’engagement sans failles en faveur des langues régionales,

Madame la présidente de l’Office Public de la Langue Occitane,

Mesdames et messieurs,

Chers élèves,

Chers amis,

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

Parfois, pour introduire le sujet d’un discours, il n’y a pas à chercher bien loin : il suffit de regarder autour de soi, de regarder la ville dans laquelle on se trouve, et le sujet, vient, pour ainsi dire, de lui-même.

Oui, il y a une évidence, à être à Toulouse, pour aborder la question des langues régionales.

Toulouse, où, selon la légende, on parle gascon sur la rive gauche de la Garonne, et languedocien dans le centre-ville.

Toulouse, où sous le titre Les Lois d’Amour, c’est une grammaire et une rhétorique occitane que l’on publie au XIVème siècle, ce qui nous dit assez l’attachement portée à la langue.

Toulouse offre donc, à ce discours, un magnifique écrin.

Alors, je vais être moins lyrique, mais rester, néanmoins, sur la question des langues régionales, en vous parlant, pour commencer, de la Refondation de l’Ecole.

Elle constitue une étape importante pour les langues régionales, auxquelles elle a donné une nouvelle impulsion. Une impulsion que guidait une conviction, qui remonte à loin : on la trouve exprimée par Jean Jaurès en 1911dans un magnifique plaidoyer en faveur de l’apprentissage des langues régionales, je le cite :

« Puisque ces enfants parlent deux langues, pourquoi ne pas leur apprendre à les comparer et à se rendre compte de l’une et de l’autre ? […] Ce serait une éducation de force et de souplesse pour les jeunes esprits ; ce serait aussi un chemin ouvert, un élargissement de l’horizon historique. »

Oui, les langues régionales ont toute leur place dans la formation de nos élèves, et c’est justement la volonté de l’état que de leur donner les moyens d’être non seulement enseignés, mais qu’elles le soient dans les meilleures conditions.

La Refondation garantit l’existence des sections bilingues de langue régionale, l’existence des dispositifs bi-langues de continuité en classe de 6e et, dans cette même classe, l’existence des enseignements d’initiation / sensibilisation.

La refondation fait des langues et cultures régionales un levier important de l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture du cycle 2 au cycle 4.

Elle favorise aussi l’apprentissage complémentaire d’une langue régionale à l’école primaire, en inscrivant l’enseignement bilingue dans la loi, et donne la possibilité d’y accéder dès la maternelle.

Enfin, elle étend aux enseignants du second degré la possibilité jusqu’ici réservée aux professeurs du primaire de recourir ponctuellement aux langues et aux cultures régionales dans leurs enseignements. Une possibilité qui concerne, dans le second degré, l’ensemble des disciplines.

Et puis, une langue, vous le savez bien, n’est jamais indépendante de la culture dans laquelle elle s’inscrit. Comme le dit si bien Michel SERRES : « Les langues sont un trésor et véhiculent autre chose que des mots. »

J’ai donc tenu à ce que les collectivités territoriales puissent organiser des activités éducatives et culturelles complémentaires, portant sur les langues et cultures régionales, dans le cadre de la réforme des rythmes.

Il y a une autre réforme importante pour l’enseignement des langues régionales. Une réforme qui constitue, pour elles, une nouvelle opportunité : c’est la réforme du collège.

Je sais que c’est un point sur lequel vous teniez à avoir des éclaircissements : je suis heureuse de pouvoir vous les fournir aujourd’hui.

En parlant de la réforme du collège, je ne pense pas uniquement à l’augmentation du nombre d’heures d’enseignement des langues régionales comme LV2 ou à l’enseignement de complément de langue et culture régionales qui a été créé.

Je pense, en particulier, aux Enseignements Pratiques Interdisciplinaires. Ils doivent obligatoirement porter sur 6 des 8 thèmes qui sont proposés. Parmi ces thèmes, il y a un thème « langues et cultures régionales », auquel la grande majorité des collégiens a accès.

Cet EPI, c’est l’occasion, pour nos élèves, de redécouvrir ces langues régionales autrement. Les langues régionales sont constitutives de l’identité même de notre pays. La France n’est pas un espace abstrait, uniforme, sans relief : elle se caractérise au contraire par la diversité de ses territoires.

C’est là, dans ces territoires que s’ancrent et que vivent les langues régionales.

Oui, elles ont façonné, au cours des siècles, des identités fortes, des patrimoines. A tel point que la langue d’oc, ici, ne s’appelle pas langue d’oc : on dit, plus simplement, lengua nostra, notre langue.

C’est par cette langue que Guillaume de Poitiers et Bernard de Ventadour  vont donner à la poésie lyrique un nouvel élan au XIIème siècle ; c’est cette langue, encore, dont s’empare Frédéric Mistral, prix Nobel de littérature au début du XXème siècle, et qu’il défendra ardemment. Cette langue, enfin, que récompensent les jeux floraux, fondés en 1323 dans votre ville, et qui continuent aujourd’hui d’exister.

Ce sont toutes ces dimensions que nos élèves pourront appréhender dans le cadre de cet EPI, et c’est en cela qu’il constitue une magnifique opportunité pour l’apprentissage des langues régionales.

Alors, je parlais des territoires. J’en viens, évidemment, à la carte des langues :

Elle instaure une continuité de l’offre entre le primaire et le collège qui faisait parfois défaut.

Elle permet de flécher un certain nombre de postes de professeurs, afin de mieux répartir l’offre au sein des académies, et de le faire en lien avec les territoires.

En effet, au niveau académique, des politiques volontaristes de soutien, de valorisation, de développement de l’apprentissage des langues et cultures régionales sont mises en place.

Ce sont, par exemple, des dispositions pour repérer et former des étudiants destinés à enseigner en langue régionale ; des actions de formation continue ; une prise en compte améliorée de la continuité des parcours des élèves dans l’offre de formation et la carte scolaire.

Mais il est des cas où le territoire concerné est particulièrement vaste : celui de l’Occitan est révélateur.

Le nombre de rectrices et de recteurs ici présents le prouvent : ce ne sont pas moins de 5 académies qu’il nous a fallu rassembler, pour assurer une politique cohérente d’enseignement de l’occitan, et c’est tout le sens de la convention que nous allons signer aujourd’hui.

Les stratégies doivent se penser et les priorités se décliner en restant en prise avec les territoires concernés.

C’est précisément le sens de l’Office Publique de la Langue Occitane, l’OPLO, que d’être un lieu où se construit, par l’ensemble des acteurs impliqués, l’Etat, les académies, une stratégie cohérente pour l’occitan.

C’est pour cela qu’il était absolument nécessaire que l’OPLO voit le jour. C’était, je ne vous le cache pas, un dossier difficile. Il était même bloqué quand je suis arrivée au ministère. Mais sa nécessité m’apparaissait évidente : c’est pour cette raison que j’ai voulu que l’Etat soit membre fondateur de l’OPLO, et qu’il le soutienne et l’accompagne.

Non parce que l’Etat pourrait tout. Il ne le peut pas, en particulier sur un sujet aussi profondément ancré dans nos territoires, dans leurs singularités.

Je ne crois pas aux grandes directives venues d’en haut. Par contre, je crois que l’Etat peut poser un cadre, donner une dynamique : c’est ce que nous avons fait.

Ainsi, la convention qui va être signée, vient donner une impulsion décisive à l’enseignement de l’occitan : elle offre surtout, et c’est le plus important, un formidable levier aux académies et aux territoires concernés pour travailler ensemble, collectivement.

Nos langues régionales, mesdames et messieurs, ne sont donc pas oubliées. Bien au contraire.

Le ministère a réalisé et diffusé, à la fin de l’année 2013, une brochure d’information à destination du grand public pour expliquer et mettre en valeur les possibilités et l’intérêt d’apprendre à l’école les langues et cultures régionales.

J’ai aussi demandé à l’inspection générale de l’éducation nationale et à la direction générale de l’enseignement scolaire de travailler à la possibilité pour les élèves de la série L inscrits en LV1 ou en LV2 en langues régionales de passer cet enseignement au baccalauréat.

Enfin, j’ai voulu que soit créée une agrégation des langues de France : développer l’enseignement des langues régionales, cela signifie renforcer la formation, par tous les moyens.

C’est une reconnaissance forte que de créer ainsi une agrégation pour les enseignants de langue régionale. Ses modalités sont en cours d’élaboration, et elles vous seront prochainement communiquées.

Alors, je m’excuse d’avoir été, sur une matière pourtant riche de poésie, d’évocations et de culture, quelque peu aride et, pour tout dire « technique ».

Mais c’est bien pour permettre à nos langues régionales de déployer toute leur richesse au sein des enseignements de tous les élèves, que ces mesures ont été prises.

Je suis convaincue de l’importance de donner à nos élèves des connaissances solides dans les langues étrangères, pour leur permettre de franchir les frontières, et, par exemple, de découvrir l’Europe dans le cadre d’Erasmus. Mais je sais aussi qu’il existe des frontières à franchir au cœur même de nos territoires.

Nos élèves doivent avoir conscience de l’histoire, de la culture, et de la richesse qui innerve la région dans laquelle ils vivent, et qu’ils ne soupçonnent pas toujours.

C’est pour cette raison que je refuse les oppositions trop faciles, trop mécaniques, entre les langues étrangères et les langues régionales : ce sont des langues également vivantes, également précieuses. L’esprit de l’école, ce n’est pas d’opposer les savoirs et les disciplines : c’est de les unir.

C’est pour cela que j’ai tenu à ce que les langues régionales, au sein de la dynamique générale en faveur des langues vivantes, ne soient pas oubliées.

Si Montaigne a bien raison de nous inviter à voyager, et à « frotter notre cervelle contre celle d’autrui », il a également raison quand il fait l’éloge de la diversité des langues, un éloge qu’il conclut, en écrivant : « Que le gascon y aille si le français n’y peut aller. »

J’ajouterai, cependant, une nuance, si vous me le permettez, à ce propos : car c’est le sens de mon action, en tant que ministre, que de faire en sorte que le français et les langues régionales « y aillent » ensemble, de concert, et qu’ils trouvent, dans l’Ecole, une complémentarité qui ne peut que bénéficier à l’ensemble de nos élèves.

« BOUS MèrCèDGI »

Najat Vallaud-Belkacem
Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche


Photos : MENESR/@Philippe Devernay

3 commentaires sur Discours sur le développement de l’enseignement contribuant à la transmission des langues régionales

  1. Valy jean-jacques

    Depuis 40 ans l’on nous sert le même discours sur les bienfaits du bilinguisme régional, pour calmer les esprits, avant les élections. Entre les paroles et les actes, Madame la ministre, ne sera plus là pour faire appliquer son programme et le suivant mettra tout au panier, créera une commission qui donnera ses conclusions en fin de mandat. Chaque gouvernement peut dire, Nous ont à fait mais ça n’a pas suivi ! Pendant ce temps là, les locuteurs disparaissent et la relève, n’est pas assuré.

  2. VIANES - Président de l'Union Provençale.

    Bonjour,
    A quand une convention pour la langue Régionale Provençale qui concerne les 6 départements de Provence alpes Côte d’Azur ?

  3. Djoudi hafid

    un discours prononcé par la Ministre d Éducation Française Najat Valaud Belkacem .les langues régionales.Merci beaucoup.

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