Installation du Conseil scientifique sur les processus de radicalisation

Enseignement supérieur et recherche Publié le 8 février 2017

Ce mercredi 8 février, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a installé le « Conseil scientifique sur les processus de radicalisation », rattaché aux services du Premier ministre.

La création de ce Conseil scientifique s’inscrit dans la politique que mène la ministre dans le cadre du Plan gouvernemental d’Action contre la radicalisation et le terrorisme (PART), initié au lendemain des attentats de janvier 2015. Cette mobilisation repose sur 5 axes : la prévention, le repérage et le signalement, le suivi des jeunes en voie de radicalisation scolarisés, la formation et la recherche.

La création de ce Conseil est une mise en œuvre concrète de ce 5ème axe, dans une volonté de renforcer le dialogue entre le monde de la recherche et celui des décideurs publics. Elle correspond à une préconisation majeure du rapport remis par Alain FUCHS pour l’alliance ATHENA au printemps dernier, visant à créer une instance de transfert pour que les résultats de la recherche scientifique soient pleinement pris en compte dans l’élaboration et le pilotage des politiques publiques.

Composé à moitié de chercheurs issus de différentes disciplines des sciences sociales et reconnus sur ces questions et de représentants d’instances décisionnelles, ce conseil se réunira en assemblée plénière une fois par trimestre, en lien avec l’INHESJ (Institut national des Hautes Études sur la Sécurité et la Justice). Sa première mission est de travailler sur les phénomènes de radicalisation religieuse en France, de ses conséquences sur la société française et sur les moyens d’en protéger les populations. Il va contribuer à créer une dynamique et une culture commune entre la recherche et l’action publique.

Najat Vallaud-Belkacem a, à cette occasion, tenu à rappeler « l’absolue nécessité d’unir nos forces, de nous allier, de nous mobiliser collectivement » pour prévenir la radicalisation. Les sciences humaines et sociales ont un rôle fondamental à jouer au service d’une action publique efficace et, en retour, une meilleure connaissance de cette dernière va contribuer à nourrir les réflexions scientifiques.


Lire son discours :

Mesdames et messieurs les élus et les représentants des collectivités,

Mesdames et messieurs les représentants des administrations,

Mesdames et messieurs les membres du collège scientifique,

Notre société, vous le savez, fait face à un défi immense : celui de la radicalisation. 

La radicalisation est un phénomène complexe, qui se réalise de bien des façons, et qui touche des domaines divers, comme le montre la définition qu’en propose Farhad KHOSROKHAVAR, je le cite : « Par radicalisation, on désigne le processus par lequel un individu ou un groupe adopte une forme violente d’action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux, qui conteste l’ordre établi. »

Là où la société rassemble, là où la République unit, la radicalisation divise, oppose, fragmente.

Cette radicalisation s’opère de bien des manières, et nous savons, aujourd’hui, la part importante que joue la propagande, sur internet, par le biais des réseaux sociaux et des vidéos.

La radicalisation conduit des jeunes et des moins jeunes à nourrir, à l’égard de la République, à l’égard de la France, une haine, un refus, qui, eux, n’ont rien de virtuel.

Ils sont bien réels, tout comme le sont les morts qu’engendre la radicalisation religieuse de ceux qui se réclament de l’islamisme radical – et nous devons y faire face.

Devant un tel phénomène, devant sa complexité et la multiplicité des formes qu’il revêt, nous avons une responsabilité : ne pas lui opposer de réponses simplistes, mais porter un regard complexe, cohérent, qui allie et réunit les forces de tous les acteurs concernés par ce sujet.

Il y a, dans ce domaine, une véritable urgence. Une urgence que nous avons toutes et tous ressentie avec une intensité particulière, au lendemain des attentats de janvier 2015. 

Depuis que notre pays fait face à une menace terroriste sans précédent, la recherche française s’est mobilisée en livrant des analyses variées et solides sur les différentes formes de radicalisation.

Mais cette recherche, extrêmement importante, rencontrait un problème. Un problème particulièrement bien mis en évidence dans le rapport, rendu l’année dernière, en mars 2016, par l’Alliance ATHENA. Je tiens à saluer son auteur, Alain FUCHS, qui aura l’occasion de vous le présenter plus en détail tout à l’heure.

Votre rapport nous rappelait un point important : l’écart trop souvent constaté entre la recherche et l’action publique.

Nous avons, d’un côté, des chercheurs remarquables – et votre rapport souligne avec raison l’excellence des sciences humaines et sociales en France – et, de l’autre, des décideurs politiques : mais les uns et les autres se connaissent, finalement, assez peu. Les efforts des uns ne viennent pas nourrir suffisamment ceux des autres.

Voilà pourquoi nous devons assurer ce qui est à la fois si délicat et, en même temps, si essentiel : le transfert des connaissances, du monde de la recherche vers celui de la politique.

Oui, nous avons besoin que la politique soit innervée par les connaissances scientifiques qui sont produites, au quotidien, par nos chercheurs.

Et en même temps, les axes de recherches, les problématiques, gagnent, eux aussi, à se nourrir d’une meilleure compréhension des enjeux qui sont ceux des femmes et des hommes politiques, qui sont ceux d’une politique publique d’envergure.

Aujourd’hui est donc un jour important.

Un jour où nous mettons en œuvre les préconisations de ce rapport, pour faciliter le transfert des résultats des recherches en Sciences Humaines et Sociales vers les décideurs publics.

Un jour où nous installons un conseil scientifique dédié, ce conseil scientifique qui nous rassemble dans cette salle du ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

Mesdames et messieurs, la co-construction des politiques publiques, est une entreprise exigeante. 

Ce conseil scientifique constitue moins une fin en soi, qu’une première étape : il nous offre les conditions nécessaires pour faire du transfert de la recherche vers les politiques publiques, une réalité.

Oui, nous avons besoin d’échanger les uns avec les autres.

Oui, nous avons besoin d’une approche cohérente, nourrie de vos apports réciproques, et je tiens à insister sur cette réciprocité : c’est bien un enrichissement mutuel qui doit s’opérer au sein de cette instance.

C’est la raison pour laquelle l’ancien Premier ministre a décidé de la création de ce conseil scientifique, qui est d’ailleurs rattaché aux services du Premier Ministre.

Vos expériences, vos expertises, doivent nous permettre d’avancer ensemble. Et cette réciprocité est encore marquée par la composition même de ce conseil : nous avons voulu qu’il soit composé de 12 scientifiques, dont le président de l’alliance Athéna, aux côtés de six élus et de six représentants d’administrations.

La création de ce Conseil scientifique s’inscrit dans la politique que mène mon ministère dans le cadre du Plan gouvernemental d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART), initié au lendemain des attentats de janvier 2015. 

Cette politique repose sur 5 axes complémentaires : la prévention, le repérage et le signalement, le suivi des jeunes en voie de radicalisation scolarisés, la formation et la recherche.

La création de ce Conseil répond donc au 5ème axe de notre action.

Il se réunira en assemblée plénière une fois par trimestre, en lien avec l’INHESJ – Institut national des Hautes Études sur la Sécurité et la Justice – et je vous remercie d’avoir accepté d’en faire partie.

Mais si nous nous concentrons sur la France, nous n’ignorons pas la dimension internationale.

Nous avons, au niveau européen, orienté les financements de la recherche vers ces thématiques, en favorisant la constitution de réseaux de chercheurs européens : je pense notamment à l’engagement français dans le consortium européen Radicalisation Awareness Network.

Les chercheurs ici présents, permettront à ce conseil scientifique de bénéficier des apports des réseaux européens de recherche en sciences humaines et sociales.

Nous avons aussi demandé, en partenariat avec l’Allemagne, un appel à projets dédiés, dans la programmation européenne H2020, demande qui a obtenu une réponse favorable.

Vous le voyez, nous avons déjà de nombreuses ressources, mais nous avons aussi un important travail devant nous, pour articuler au mieux les différents acteurs concernés par ce sujet.

Pour, encore, renforcer, par exemple, les liens entre ATHENA et l’INHESJ, pour recueillir les besoins des administrations, pour développer la connaissance réciproque et la culture partagée entre les administrations et les chercheurs.

Devant cette tâche, je veux, ici, vous assurer du soutien sans faille de mon ministère, et de mon engagement, à vos côtés. 

Nous avons encouragé, revivifié et revalorisé rapidement l’enseignement et la recherche en islamologie, mais aussi dans toutes les sciences humaines qui étudient le fait religieux.

Nous favorisons les recherches nouvelles avec des bourses et des recherches-actions, avec les appels à projets ANR et CNRS, avec la structuration de la recherche SHS dédiée à la radicalisation, avec la création de 10 postes disciplines rares, 6 en islamologie, et 4 sur la radicalisation.

La création de ces postes universitaires caractérisés « disciplines rares » nous ont permis de structurer le paysage de la recherche publique dans ce domaine, avec la volonté de conforter les pôles d’excellence, et d’établir une synergie extrêmement forte sur ce sujet.

Parce que oui, il y a des manques à combler. Ce sont des enseignements qui font défaut, pour former les acteurs associatifs, nos agents publics, ou encore les personnels religieux.

Il y a un manque, mais aussi une demande : car toutes celles et tous ceux que je viens de citer sont aussi demandeurs d’une diversification des formations, pour, en particulier, avoir une meilleure compréhension des phénomènes de radicalisation.

La compréhension de ces processus, est la condition nécessaire si nous voulons pouvoir agir efficacement contre eux.

Et je tiens, à cet égard, à souligner que ce sujet fait aussi l’objet d’une mobilisation interministérielle exemplaire, qui est absolument nécessaire, sur un sujet aussi grave.

Le défi, mesdames et messieurs, est donc immense : mais nous ne sommes pas seuls pour y faire face. 

Plus nous serons capables de nous mobiliser, ensemble, en profitant des apports de chacun, plus notre réponse sera adaptée, et donc efficace.

Dans un monde où trop souvent l’on croit pouvoir faire l’économie de la pensée, de la profondeur et de la rigueur de la réflexion ; dans un monde où les critiques s’abattent sans cesse sur les institutions, qu’elles soient politiques ou scientifiques, au nom d’un antisystème que certains brandissent comme un remède miracle ; dans ce monde, dans cette époque, je crois, moi, à la force de nos institutions, à leur importance et à leur valeur.

Je crois, à la noblesse de l’action publique, et à la nécessité de la recherche, en sciences humaines comme dans d’autres domaines.

C’est donc avec la conscience des responsabilités qui sont les nôtres, que j’ouvre aujourd’hui ce premier conseil scientifique sur les processus de radicalisation : à la tentation du recours à la violence au nom de communautés ou d’idéologies fantasmées, il oppose la réalité de ce qui nous rassemble, de ce qui nous unit, pour la défense de la République, de nos valeurs, et de nos convictions profondes.

Je vous remercie.

Najat Vallaud-Belkacem

Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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3 commentaires sur Installation du Conseil scientifique sur les processus de radicalisation

  1. dhiaf

    Installation du Conseil scientifique sur les processus de radicalisation – Publié le 8 février 2017

    Bravo

    et pour reprendre vos mots : Le défi, […] , est donc immense : mais nous ne sommes pas seuls pour y faire face.

    Plus nous serons capables de nous mobiliser, ensemble, en profitant des apports de chacun, plus notre réponse sera adaptée, et donc efficace.

    D’ailleurs je me permets d’attirer votre attention sur les fonds dont l’association IMAD pour la Jeunesse et la Paix – présidée par Madame Ibn Ziaten Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’Honneur / Prix pour la prévention des conflits 19 novembre 2015 / Prix de la tolérance 11 février 2016- a besoin en ce moment pour concrétiser un projet :

    https://www.helloasso.com/associations/imad-pour-la-jeunesse-et-la-paix/collectes/le-projet-educatif-autour-du-vivre-ensemble-entre-la-jeunesse-de-deux-pays

    Très respectueusement.

    MD

  2. Breye

    le radicalisme existe depuis le début des religions :::: avant c’était les sacrifices humains (pas mieux) ::::à la Révolution c’était radicalement réglé avec Guillotin et les lanternes(pas mieux) :::: à mon avis , seule la laïcité pratiquée avec rigueur peut faire quelque chose !!!! (peut être un nouveau métier à créer « laïciticien »)je pense que le reste c’est de la perte de temps

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