Ouverture du salon EduSpot – Discours sur le numérique éducatif

Éducation nationale Publié le 8 mars 2017

Retrouvez ici le discours prononcé par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et la Recherche pour l’ouverture de la première édition du salon EduSpot, le mercredi 8 mars 2017 à Paris;

Mesdames et messieurs, les rectrices et les recteurs,
Monsieur le Président de l’AFINEF,
Mesdames et messieurs, en vos titres, grades et qualités,
Mesdames et messieurs,

Chers amis,

Une formule revient fréquemment, quand on aborde la question du numérique. On nous dit souvent : « le numérique c’est l’avenir ! ».

C’est une formule, évidemment, très sympathique. Mais c’est une formule qui n’est pas sans danger.

L’avenir, vous le savez est, par définition, toujours à venir. Alors, à force de répéter, « c’est l’avenir », voilà que cette formule était devenue un prétexte pour ne rien faire.

On ne cessait de renvoyer la prise en compte, concrète, du numérique à plus tard, en particulier au sein de l’institution scolaire.

« Le numérique, on verra ça quand on aura le temps ! ». Tel était le sous-entendu que masquait cette fameuse formule.

C’est pour cela que je tiens à l’affirmer, ici, devant vous, avec force : le numérique ce n’est pas l’avenir ! Le numérique c’est maintenant ! C’est notre présent !

Et c’est pour cette raison qu’il est si important de s’en emparer pleinement, dès aujourd’hui, et de s’engager pour le numérique éducatif au service des enseignants et de nos élèves.

Le numérique, ce n’est ni un slogan, ni une incantation : le numérique, c’est la réalité d’une révolution dont le système éducatif s’est emparé, à tous les niveaux

Je veux le dire clairement : ne pas agir comme nous l’avons fait, c’était prendre le risque de priver l’ensemble de la communauté éducative des ressources qui sont celles du numérique.

Ce risque, c’est celui d’avoir des élèves qui n’auraient pas les compétences et les connaissances nécessaires pour faire face au monde tel qu’il est, dans une société où le numérique est essentiel, à la fois dans la formation de la personne et pour son avenir professionnel.

Nos élèves ne doivent pas subir le numérique.  Ce que l’on acquiert, à l’école, dans nos salles de classe, dans les différentes disciplines, c’est une maîtrise : maîtrise de la langue, maîtrise du calcul, maîtrise de l’expression orale et écrite, connaissances, aussi, de l’histoire, de la géographie.

De la même façon, les élèves doivent avoir une véritable maîtrise du numérique : c’est sur internet qu’ils vont chercher des informations ; c’est par les outils numériques, les logiciels, qu’ils vont exercer une part non négligeable de leurs activités futures.

Avec la Refondation de l’École de la République, nous avons inscrit dans les programmes scolaires, l’apprentissage du code et des algorithmes. Nous avons aussi fait en sorte d’apprendre aux jeunes  l’éducation à l’image et à l’utilisation des réseaux sociaux et d’internet.

Alors, je n’ignore pas les réticences qui peuvent exister quand on parle du numérique à l’école. Je n’ignore ni les craintes, ni les doutes, ni aussi les échecs passés.

Mais je veux rappeler la cohérence qui est celle de la politique que j’ai initiée à travers le plan numérique pour l’éducation, et qui se retrouve également dans l’enseignement supérieur et de la recherche.

Nous sommes partis de ce qui est au cœur de l’École : les professeurs, les femmes et les hommes qui transmettent, à nos élèves, les compétences, les connaissances et la culture qui leur seront nécessaires pour s’émanciper pleinement.

Partir des professeurs, c’est insister d’abord sur la formation.

Si nous n’avons pas des professeurs qui s’emparent du numérique dans l’exercice de leur métier, alors le numérique n’aura jamais sa place au sein de l’institution scolaire.

La formation est le point de départ de toute politique ambitieuse dans ce domaine : nous avons donc pris le soin de former. Mais une fois que l’on a formé, il faut aussi des ressources pédagogiques adaptées. C’est le sens des différents appels d’offres que nous avons lancés et je sais que nous avons ici de nombreuses entreprises lauréates.

Ensuite vient la question des équipements, pour que cette formation et ces ressources puissent se traduire concrètement dans les salles de classes, et cela nécessite aussi d’avoir une approche innovante.

Le numérique et l’innovation vont de pair, et l’on oublie trop souvent à quel point l’École est riche d’innovations, à quel point l’innovation est aussi au cœur du métier de nos enseignants !

J’ai donc voulu développer, au sein de l’institution, un écosystème favorable pour nourrir l’innovation et la valoriser, notamment à travers les 22 projets EFRAN et les instituts Carnot de l’éducation, qui seront bientôt présents dans chacune de nos régions.

Formation, ressources, équipements et innovation, tels sont les quatre piliers indissociables du plan numérique ; telles sont les assises solides que nous avons voulu lui donner au sein de nos établissements.

Et si, bien sûr, il y a encore des étapes à franchir, je veux saluer celles et ceux qui ont été les pionniers, dans ce domaine, et dont j’ai pu admirer le travail à de nombreuses reprises.

Voilà pourquoi je peux l’affirmer ici, devant vous : le numérique éducatif existe, je l’ai rencontré, je l’ai vu à l’œuvre, dans bien des académies, dans bien des établissements.

Ce qui s’est développé, ces dernières années, n’est que le début d’un mouvement plus vaste. Ce n’est pas une mode passagère, c’est un changement structurel.

Oui, nous sommes entrés dans l’ère du numérique, et nous devons en tenir compte dans la formation de notre jeunesse, et cela à tous les niveaux, depuis l’école primaire jusqu’à l’enseignement supérieur.

Avec la loi Fioraso pour l’enseignement supérieur, une véritable dynamique a été initiée, avec la reconnaissance, au sein des universités du rôle du vice-président en charge du numérique, et avec la structuration, dans les COMUE, de véritables politiques numériques.

Ce quinquennat a été l’occasion de développer les MOOC. C’était en janvier 2014 : la plate-forme FUN diffusait les premiers MOOC conçus par des universités et des grandes écoles. À la fin du premier semestre de cette année-là, 36 cours de 15 établissements d’enseignement supérieur avaient déjà été déployés. À l’époque, ces cours avaient été suivis en moyenne par 8 400 apprenants pour un total de 312 000 inscriptions.

Trois ans plus tard, FUN est devenue la plate-forme de référence mondiale pour les MOOC francophones. En janvier, elle avait diffusé 269 MOOC et plus de 2 millions et demi d’apprenants ont sollicité une inscription.

Mais FUN-MOOC c’est aussi et surtout un réseau de plus de 1000 personnes, référents, correspondants et concepteurs, réparties dans 250 établissements d’enseignement supérieur et partenaires en France et à l’international.

Alors, j’ai évoqué la cohérence de notre action : en évoquant ces MOOC, je la retrouve pleinement.

Car les MOOC ne sont pas uniquement plébiscités par les étudiants : ils aussi utilisés par les enseignants du primaire et du secondaire, et, plus largement, par l’ensemble de la communauté éducative.

Je pense à la collection e-FAN, enseigner et former avec le numérique. Je pense également à la collection consacrée à l’orientation, qui est une question essentielle pour la réussite de tous nos élèves.

Et il y a bien d’autres aspects qui sont abordés, pour se former à la classe inversée, ou pour acquérir des compétences numériques.

Tout cela nous rappelle une chose essentielle : au cœur du numérique dans l’éducation et la formation, il y a une dynamique collective, une véritable synergie – et EDUSPOT France en témoigne.

Réussir l’entrée du monde de l’éducation dans le numérique, sollicite des acteurs extrêmement divers, en France, bien sûr, mais aussi à l’international.

Je veux en particulier saluer la présence, aujourd’hui, à EDUSPOT FRANCE, de délégations étrangères, venues d’Algérie, de Côte d’Ivoire, d’Haïti, du Liban, de la Tunisie, d’Italie, et de Roumanie, ainsi que les délégations permanentes auprès de l’Unesco du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. Je tiens aussi à saluer la représentante de la commission européenne.

Oui, nous avons besoin d’événements consacrés au numérique éducatif, qui viennent, tout au long de l’année, nous offrir des temps de partage, d’échanges et de réflexions, autour de ce qui constitue, pour l’enseignement, l’un des grands défis du XXIème siècle.

Je veux d’ailleurs remercier l’AFINEF et son président Hervé BORREDON, qui ont su fédérer, pour cette première édition d’EDUSPOT-France, de nombreux acteurs.

Alors, je sais que quand on évoque le numérique, on a tendance à penser immédiatement à la dématérialisation : mais je ne perds pas de vue, et vous non plus d’ailleurs, que le numérique pose aussi des questions très concrètes.

Oui, pour être, par certains aspects, immatériel, le numérique n’en demeure pas moins enraciné, dans nos territoires, dans nos villes, nos villages, dans nos établissements.

Et en abordant la question des territoires, je veux en profiter pour insister sur la prise en compte de leurs diversités et des problématiques spécifiques qu’ils peuvent rencontrer.

Aujourd’hui, avec le Commissariat Général à l’Investissement, nous avons examiné les premiers résultats du dernier appel à projets « collèges numériques », qui, vous le savez, donne lieu à différentes vagues : la première s’est achevée le 29 janvier, la seconde s’achèvera le 31 mars, et la troisième le 30 mai.

Notre objectif pour la rentrée 2017 est d’atteindre 50% de collèges numériques sur l’ensemble du territoire.

Aujourd’hui, nous avons 221 collèges et 239 écoles supplémentaires qui s’engagent dans le plan numérique. Les indications qui nous remontent actuellement des départements me  laissent penser que ces 50% seront bien atteints pour la rentrée prochaine.

Oui, un véritable mouvement s’est enclenché. Pourquoi ? Parce que nous avons su prendre appui sur nos territoires et élaborer notre action avec les associations d’élus.

Oui, nous avons, dans ces appels à projets, tenu compte des spécificités des collèges ruraux, et l’Etat s’est donc engagé pour cofinancer les équipements et les infrastructures, pour assurer, notamment, la qualité du débit.

Cette question du débit est tout sauf anecdotique. Si nous n’y prêtons pas attention, le risque est grand de se retrouver dans un cercle vicieux.

Un cercle vicieux, parce que sans débit suffisant, ce sont des usages au sein d’une classe qui se trouvent empêchés, entravés. C’est une lenteur qui conduit les enseignants et les élèves à se décourager. On aboutit donc à une raréfaction de fait des usages du numérique dans la salle de classe.

Alors, quand les élus – et c’est bien normal – regardent ce qui se passe concrètement, quand ils font le bilan, le constat s’impose : cela ne marche pas. Et si cela ne marche pas, à quoi bon continuer ?

Mais en réalité, ce n’est pas que cela ne marche pas : c’est qu’il manque les conditions matérielles pour que cela fonctionne ! Sans infrastructure à la hauteur, les meilleures pratiques restent des théories – non des réalités.

L’État a donc tenu à accompagner les territoires : grâce aux dispositifs d’aide à l’infrastructure dans les collèges ruraux, nous avons enclenché avec les élus locaux une nouvelle dynamique.

Des départements devraient ainsi s’engager pour 100% de leurs collèges avec le dispositif spécifique à la ruralité : l’Aisne, le Cantal, la Haute Savoie, Le Loir et Cher, les Vosges, les Deux Sèvres, ou encore la Vienne. Ce sont au total plus de 600 000 élèves qui seraient équipés à la prochaine rentrée scolaire.

Je veux saluer la qualité du dialogue et des échanges que nous avons avec les acteurs locaux, et notamment avec l’Assemblée des Départements de France, qui se sont engagés à nos côtés autour de l’opération « collège-lab », qui a donné lieu à des projets de très grandes qualités.

Oui, le numérique c’est aussi une question territoriale. Tenir compte des ruralités dans notre réflexion, et, plus important encore, dans notre politique, c’est répondre à un enjeu d’aménagement du territoire, c’est répondre aussi à l’égalité des enfants devant le service public éducatif.

Alors, vous commencez à me connaître suffisamment, pour savoir que l’égalité est un enjeu essentiel à mes yeux.

Je refuse d’ignorer la réalité de notre pays, la réalité des territoires qui le façonnent ; je refuse de laisser des logiques inégalitaires qui viendront, à terme, creuser des déséquilibres flagrants entre les territoires.

J’ai donc le plaisir de vous annoncer que l’Appel à projets « Ecoles numériques innovantes et ruralité » a été validé et sera très prochainement publié.

On retrouve, ici, deux points essentiels de notre politique éducative : la priorité à l’École primaire et la prise en compte de la singularité des territoires. L’appel à projets « Ecoles numériques innovantes et ruralité » soutient donc les communes rurales qui s’engagent dans des projets de numérique éducatif.

Il doit notamment soutenir les initiatives innovantes des équipes pédagogiques et éducatives dans et autour de l’école contribuant à la réussite scolaire par le développement de véritables territoires d’innovation pédagogique.

Il permet aussi de favoriser la continuité entre l’école et le collège et, le cas échéant, des projets partagés entre collèges et écoles.

L’évaluation des résultats de ces projets permettra de définir les stratégies et outils nécessaires au déploiement à grande échelle du numérique éducatif dans les territoires ruraux.

L’État investira 50 millions d’euros dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir pour soutenir les projets pédagogiques innovants utilisant le numérique dans les écoles de territoires ruraux. C’est 10 fois plus que ce que nous avions prévu il y a 5 ans.

Oui, nous avons appris, nous avons écouté les attentes et les besoins des élus. Et nous avons travaillé pour ce nouvel  appel à projets qui doit être un nouveau levier pour l’école et pour les territoires.

Une première phase de préfiguration est lancée dès ce printemps 2017, en sélectionnant des projets pédagogiques innovants, portés conjointement par les écoles et les communes, au service de la réussite des élèves.

Dans le cadre de cette phase de préfiguration, il s’agit de sélectionner une centaine de projets que nous accompagnerons  au plan financier à hauteur de 50% des dépenses, jusqu’à un plafond de 7000 euros.

Mais les écoles concernées bénéficieront aussi d’un accompagnement et d’un suivi des projets permettant de capitaliser sur les enseignements de cette première phase ; d’autres phases seront organisées ultérieurement.

Le développement du numérique à l’École constitue un volet essentiel de l’aménagement numérique d’un territoire. C’est nécessairement un objectif partagé entre l’Etat et les collectivités territoriales.

La réponse à cet appel à projets invite au rapprochement, à la réflexion commune et à la mise en cohérence des objectifs et des projets entre les différents acteurs de ces territoires et à la mise en place d’une gouvernance partagée. Et vous voyez que nous retrouvons, ici encore, une synergie, et une dynamique collective.

Celles-ci ont besoin, pour se déployer, besoin d’infrastructures et d’équipements qui soient à la hauteur, mais elle aussi besoin d’une autre chose, essentielle, quand on aborde le numérique : la confiance.

J’ai voulu que soit élaborée une charte de confiance qui va être évoquée plus en détail dans la séquence suivante. Avec cette charte,  nous avons enfin un outil de présentation lisible et intelligible des contraintes et des obligations qui sont les nôtres en termes de sécurisation des données des élèves. La CNIL est aujourd’hui saisie de ce texte, qui nous donne aussi les moyens d’anticiper les évolutions d’un secteur dont le dynamisme est particulièrement évident aujourd’hui, ici, à EDUSPOT.

Oui, je salue la richesse des échanges, et je me félicite de la création de ce nouvel événement, auquel mon ministère apporte son soutien.

A travers EDUSPOT, nous avons une occasion supplémentaire de fédérer largement la communauté du numérique éducatif, et de contribuer au rayonnement de la filière EDTECH en France.

Parce qu’en évoquant les territoires, les synergies, les dynamiques qui sont à l’œuvre aujourd’hui, je n’oublie pas que nous voyons aussi se structurer un véritable écosystème pour les « édupreneurs ».

Il y a une montée en puissance des investissements, et je veux saluer la création, en ce moment, du nouveau fond EDUCAPITAL.

Je tiens également à souligner la fécondité des incubateurs, comme schoolab, qui est un lieu où collaborent les grands groupes et les start-up. Et nous avons, aujourd’hui, en France, entre 300 et 350 start-ups, et la Caisse des Dépôts et EDFAB nous les donnent à voir ici, à EDUSPOT, avec leur observatoire.

Alors, dans cette synergie, ici encore, le ministère a évolué. Il a changé. Il s’est montré plus ouvert, a monté des partenariats d’expérimentation, et contribue à mettre en valeur la filière du logiciel libre.

J’en profite pour souligner qu’il y a, ici, à EDUSPOT, un village du logiciel libre que je vous invite à visiter.

C’est un chantier immense que celui dans lequel nous nous sommes engagés. Un chantier qui explique pourquoi il est si important de fédérer l’ensemble des acteurs concernés, depuis l’enseignant dans sa salle de classe jusqu’au chef d’entreprise, en passant par les élus locaux et l’ensemble de la communauté éducative.

Le numérique et l’éducation sont deux enjeux fondamentaux, liés à une idée essentielle, celle du progrès. Et des progrès, mesdames et messieurs, nous en avons fait beaucoup, ces dernières années : ce n’est pas sans émotion que je regarde le chemin que nous avons parcouru ensemble.

Cela, évidemment, ne veut pas dire que nous sommes arrivés. L’éducation, comme l’innovation, comme le progrès technique, s’inscrit dans un temps long. C’est une voie qui, en un sens, ne s’achève jamais, et il nous reste encore beaucoup à faire.

Alors, évidemment, je n’ignore rien des échéances qui arrivent.

Je souhaite seulement que le mouvement que nous avons initié puisse se prolonger, quoi qu’il arrive, bien au-delà de 2017. Mais je tiens aussi à ce qu’il se prolonge avec, toujours, cet équilibre et cette cohérence, et surtout cette synergie, sans jamais perdre de vue nos territoires, et les femmes et les hommes qui y vivent.

Parce qu’au fond, le numérique à l’école n’a de sens que s’il constitue un changement dans la continuité. Son objectif ? Permettre à l’École de mieux remplir les missions qui sont les siennes depuis toujours : former des citoyens instruits, éduqués, cultivés, et, surtout, autonomes. Et cela, aujourd’hui, passe nécessairement par le numérique éducatif.

Je vous remercie.

Najat Vallaud-Belkacem,
Ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et la Recherche


Photos © Philippe Devernay / MENESR

Save

Save

Save

Save

Tags : , ,