Jusqu’ici, tout va mal.

Éditos Publié le 8 novembre 2009

Bonjour à toutes et à tous, heureuse de trouver le temps de jeter quelques mots sur la toile et de vous retrouver.

Sur un blog, quinze jours de silence, c’est presque l’éternité ! Cet espace de libre expression que nous nous partageons maintenant depuis plus de trois ans est petit à petit devenu une sorte de journal de mes activités, mais je manque cruellement de temps. Je vous propose donc un petit retour en arrière sur l’actualité de ces dernières semaines, et de rattraper un peu le fossé qui a séparé le réel du virtuel.

Petit retour en arrière donc. Premier sujet à me venir à l’esprit, Polanski / Mitterrand… mais en vérité, je n’ai pas très envie d’en parler, assez mal à l’aise devant les revendications d’une justice d’exception pour nantis et VIP, même si l’on peut regretter l’imprescriptibilité des faits reprochés à un cinéaste dont personne ne remet en cause le talent, mal à l’aise aussi devant la précipitation à tomber sur le dos du ministre de la Culture pour des écrits qui relèvent davantage de la littérature qu’autre chose, et dont l’instrumentalisation tardive par le Front National a suscité des amalgames nauséabonds, notamment entre homosexualité et pédophilie. Comme l’a écrit très justement Caroline Fourest dans sa chronique du Monde, le risque est de faire le procès de l’émancipation sexuelle et des libertés individuelles, plutôt que celui du commerce du sexe et de la domination.

Mal à l’aise, dans le fond, avec une comparaison très dangereuse entre des faits judiciaires d’un côté, et un livre de l’autre. On a l’impression plus que désagréable que certains n’hésiteraient pas envoyer des écrivains devant un tribunal si c’était l’occasion de gagner quelques points de sondage. Polanski, lui, c’est ne pas un film qu’on lui reproche, et c’est pour cela que son statut d’artiste n’a pas à constituer une forme de bouclier contre la justice d’un grand pays démocratique.

« Parce que je le vaux bien. »

J’aurais plutôt envie de me désoler du comportement insolent de Jean Sarkozy à qui, de droit divin, tout semble dû, lui qui vient de se déclarer candidat à la présidence de l’établissement public d’aménagement du quartier de la Défense et a vu tous les couards féodaux des Hautes Seines lui dérouler le tapis rouge, à lui, l’héritier, l’antithèse de la méritocratie. J’en profite pour saluer la réaction salutaire de Michèle Delaunay sur son blog en soulignant que cette “nomination” était une provocation cynique à l’égard de tous les jeunes Français qui comptent sur leur travail et leurs efforts pour trouver un emploi, pendant que d’autres n’ont même pas à se présenter au moindre examen. C’est le philosophe Yves Michaud dans son dernier essai “Qu’est ce que le mérite ?” qui dénonce en profondeur les dérives du mérite républicain à l’ère Sarkozy: on rabaisse la dignité de cette valeur essentielle en passant de Voltaire à un slogan de publicité pour des shampooings. De ce point de vue, il est probable, en effet, que Jean Sarkozy aura une Rolex avant 50 ans…

Ce nouvel épisode est un symptôme de plus d’un siècle des lumières éteintes ! Népotisme décomplexé et spectacle pathétique d’une République de plus en plus absolutiste qui ne tolère aucun contre pouvoir. Le Président qui s’intéresse à la littérature devrait lire Diderot (il apprendra au moins que ce n’est pas qu’un boulevard parisien !) : « Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La puissance, qui vient du consentement des peuples, suppose nécessairement des conditions qui en rendent l’usage légitime, utile à la société, avantageux à la république, et qui la fixent et la restreignent entre des limites… »

République, le cadavre bouge-t-il seulement encore ? À droite, ce qu’il reste de gaullistes sociaux et de républicains authentiques tente avec un certain courage de garder une liberté de parole, mais combien sont-ils à oser s’opposer à l’abaissement du Parlement, à s’alarmer de la profondeur des déficits publics, des atteintes à l’indépendance de la Justice, des obscurs desseins gouvernementaux en matière de réforme des collectivités territoriales, de la monstruosité des injustice fiscales et sociales ? Goulard, Adnot, Seguin, Juppé il y a quelques jours dans le journal Sud Ouest… bref pas grand monde, ce qu’il reste d’une « chiraquie » qu’on finirait par regretter… Un comble tout de même au moment où sa figure de proue fait le feuilleton avec l’affaire clearstream !

Et pendant ce temps là, rien n’arrête le zèle du « traitre heureux » ainsi que François Hollande l’a finement qualifié : Eric Besson. Il fait même mieux que Pasqua dans le cynisme et l’inhumanité en affrétant des charters pour reconduire des clandestins en Afghanistan… pays en guerre ! Atteinte scandaleuse au droit d’asile déjà réduit à pas grand chose par Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux…

« Nous sommes le peuple ».

Quel bonheur et quel bol d’air dans ce climat national délétère, de pouvoir partager le souvenir des riches heures de la réunification allemande, et de l’épanouissement de la démocratie avec ceux qui l’on vécu.

Je reviens tout juste de Leipzig où je suis allée commémorer le 20e anniversaire de la première manifestation de masse contre le régime communiste est-allemand qui devait aboutir, un mois plus tard, à la chute du mur de Berlin, et à la disparition de l’URSS. C’était le 9 octobre 1989 : la révolte populaire et pacifique qui allait bouleverser le cours de l’histoire se mettait en marche, ici, dans les rues de Leipzig. Lyon est jumelée avec cette ville allemande depuis plus de 25 ans, et nous avons noué des relations de partenariat et de développement dans tous les domaines, notamment la Fête des Lumières. C’est en partie pour cela que je représente Lyon au cours de ces festivités : nous avons en effet contribué au programme artistique qui a illuminé la ville hier soir, retraçant pas à pas le parcours des manifestants de l’époque. Pour moi, ce fut évidemment une grande fierté et beaucoup d’émotion d’assister à un tel événement historique, aux côtés d’hommes et de femmes venus de toute l’Europe.

Je reste convaincue qu’on ne peut pas faire sérieusement de la politique si on ne prend pas le temps, le plus souvent possible, de se détourner de l’actualité immédiate, de se retourner sur notre histoire, ce qui fait notre identité, et de réfléchir aux valeurs sur lesquelles nous construisons notre société.

J’ai profité aussi de l’occasion de ce passage à l’étranger pour rencontrer mes homologues de différentes villes et échanger avec eux sur nos projets, nos pratiques, notre vision de l’avenir. J’ai notamment auditionné plusieurs personnalités du monde scientifique et intellectuel sur les questions de bioéthique, dans le cadre de la commission d’études que j’anime au Parti Socialiste.

La valeur d’une telle confrontation des points de vue, d’une société à l’autre, est inestimable.

« Faire vivre la démocratie, tous les jours »

Tout ceci fait écho au début de la semaine précédente, où j’avais tenu à rencontrer les élèves du Collège Molière dans mon canton à Montchat à l’occasion de l’élection de la prochaine assemblée du Conseil Général des Jeunes. J’ai pris un véritable plaisir à passer cette matinée avec une centaine de jeunes adolescents pour les sensibiliser à cette initiative qui leur permet de mieux comprendre les enjeux et les rouages de la démocratie: la démocratie est fragile, en transmettre la connaissance et le goût d’une génération à l’autre est un impératif absolu, une façon de faire passer une part de la flamme républicaine à de futurs citoyens. Là aussi, j’en reparlerai car je travaille en ce moment à l’organisation d’une cérémonie d’accès à la citoyenneté pour les jeunes majeurs qui doit avoir lieu avant la fin de l’année, à Lyon.

De telles visites sont aussi l’occasion pour moi de suivre les évolutions du quartier. J’en profite alors pour avoir un échange approfondi avec les équipes pédagogiques, et les aider à résoudre leurs difficultés au quotidien puisque cela fait partie des compétences que me permet d’exercer directement mon mandat de Conseillère Générale.

La vie d’un collège est un révélateur puissant des réalités sociales : s’y intéresser de très près reste l’un des leviers les plus importants pour agir concrètement au plus prés des besoins. Je m’en suis encore bien rendu-compte, le soir même, après un long Conseil de Communauté Urbaine, lors de l’accueil en Mairie du 3e arrondissement des nouveaux habitants : tous, ou presque, étaient des parents d’élèves d’abord préoccupés par l’éducation de leurs enfants, la qualité de leurs loisirs, leur sécurité ou leur santé.

J’ai souvent l’occasion d’en parler ici à propos de l’actualité nationale et des mesures gouvernementales contre le système éducatif et les enseignants : c’est d’abord parce que j’en vois les dégâts tous les jours, et que je mesure l’inquiétude qui monte un peu partout.

Mais gardons espoir, entre la privatisation de la poste, la hausse des forfaits hospitaliers, la fermeture de services publics en milieu rural, la hausse continue du chômage, l’explosion des atteintes aux personnes, la poursuite des cadeaux fiscaux aux plus riches sur le dos des classes moyennes, les atteintes à la démocratie locale à travers l’étranglement financier des collectivités locales, l’accroissement des déficits qui annoncent des hausses d’impôts futures, les atteintes répétées à la laïcité et la grande blague de Pittsburgh, qui peut sérieusement se réjouir de vivre dans « la France d’après », celle promise par le candidat Sarkozy ?

La démocratie fera son lent et patient travail, et finira par démentir ceux qui dégradent autant la valeur de la parole politique : mobilisons nous, nous avons six mois jusqu’aux Régionales, pour faire gagner la gauche dans nos Régions, et préparer l’alternance en 2012.

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