Parité, diversité : «L’Etat doit être exemplaire»

Presse Publié le 31 mai 2012

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Najat Vallaud-Belkacem a repondu aux questions d’Alice Géraud, pour Libération, le 31 mai 2012.

La photo se voulait parfaite: 17 femmes sur 34 ministres et quelques visages rappelant que le pays n’est pas seulement blanc de peau. L’enquête de Libération publiée jeudi démontre que, derrière ce cliché, la machine du pouvoir a rempli les cabinets ministériels de profils bien plus classiques -mâles et blancs. La réaction de  Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement et ministre du droit des femmes.

Pourquoi la parité et la diversité du gouvernement ne se retrouvent pas dans la composition des cabinets ministériels?

Instaurer la parité au niveau du gouvernement est un acte politique fort. Je dis «acte politique» car justement, dans une société comme la nôtre où le pouvoir est encore en majorité détenu par les hommes, instaurer la partage des responsabilités au plus haut niveau de l’Etat n’était pas automatique. Il reste bien entendu des progrès à faire et vous avez raison de souligner la question de la composition des cabinets. Mon cabinet sera paritaire. Je dirais même qu’il sera plus que paritaire, mais ça ne suffira pas à assurer un équilibre dans l’ensemble du gouvernement. Mais nous avons eu beaucoup d’échanges ces derniers jours avec les équipes qui s’installent et je peux vous assurer que quelque chose de nouveau se passe dans le gouvernement. En tant que Ministre des Droits des Femmes, je veillerai à ce que la dynamique ne retombe pas, voire s’amplifie afin de combler les retards qui restent.

Le gouvernement a adopté une charte de déontologie. La question de l’exemplarité sur ces thèmes n’aurait-elle pas pu y figurer?

Ne nous trompons pas d’exercice. L’égalité n’est pas une question de déontologie. C’est une question de justice et de respect du droit. Mais dans les deux domaines, le gouvernement a une exigence d’exemplarité. La charte de déontologie concerne le fonctionnement des ministères. Mais vous soulevez un point important: l’exemplarité de l’Etat comme sa capacité à être moteur, à tous les niveaux, en matière d’égalité femmes-hommes sont déterminants si nous voulons changer réellement la donne.

Nous préparons actuellement des mesures pour que l’Etat soit exemplaire en tant qu’employeur et que la question des femmes soit systématiquement posée. Je voudrais que nous nous inspirions des études d’impact pratiquées par des pays comme la Suède ou la Commission européenne. Elles permettent d’analyser chaque politique publique à la lumière de leurs conséquences sur les femmes. Il faut aussi renforcer la coordination interministérielle. J’avancerai rapidement sur ces questions, en lien avec le Premier ministre et les ministres concernés, pour que les 40 engagements que le président de la République a pris le 22 avril soient tous tenus: égalité professionnelle, lutte contre la précarité féminine et les temps partiels contraints, application réelle de la loi contre les violences, nouvelle dispositions sur le harcèlement sexuel, lutte contre les stéréotypes etc.. Ces engagements seront ma feuille de route. J’en suis comptable.

Comment les ministres peuvent-ils travailler à être exemplaires en matière d’égalité et de non-discrimination, notamment dans la fonction publique?

Les leviers pour réaliser l’égalité femmes–hommes dans la fonction publique sont connus. La loi du 12 mars dernier en donne quelques-uns: remise chaque année d’un rapport au Parlement pour faire l’état des lieux de l’égalité femmes–hommes dans la fonction publique, minimum de 40% de femmes dans les nominations dans l’encadrement ou droit des femmes de réintégrer leur poste après un congé maternité.Ces progrès demeurent partiels. Je me suis notamment toujours interrogée sur les raisons qui justifient de prévoir que 40% des nominations soient réservées à des femmes d’ici 2017. Seul un objectif de parité totale, à atteindre dans un délai à déterminer, est légitime. Nous travaillons avec Marylise Lebranchu [ministre de la Réforme de l’Etat, ndlr], sur ces sujets qui pour certains, relèvent de la concertation avec les partenaires sociaux.

La question s’est-elle posée de nommer une femme à la tête de votre cabinet?

Oui, bien sûr, la question s’est posée. Mais je n’en n’ai pas fait une condition sine qua non. Le choix d’un directeur ou d’une directrice de cabinet relève d’une alchimie complexe pour un ou une ministre. Une des conditions pour moi –parmi beaucoup d’autres- était que mon directeur de cabinet soit féministe et donc convaincu que l’égalité femmes–hommes est un levier indispensable à la transformation de toute la société. C’est le cas du directeur de cabinet que j’ai choisi, mais aussi de tous les collaborateurs qui m’entourent. Nous mettrons toutes nos compétences au service des droits des femmes.