Auprès des engagées du Collectif féministe contre le viol

Presse Publié le 4 juin 2012

Collectif violLundi 4 juin, Najat Vallaud-Belkacem s’est rendue aux côtés des membres du “Collectif féministe contre le viol” pour comprendre le travail de l’association. Une visite qu’a suivi le média en ligne Elle.fr.

— Rappel du numéro d’information : Viols Femmes Informations, 0 800 05 95 95 —

On y était : Najat Vallaud-Belkacem au Collectif féministe contre le viol

Ce lundi matin, la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem est venue dans les locaux du Collectif féministe contre le viol (CFCV). Elle a d’abord écouté quelques appels de victimes avant de s’entretenir avec Emmanuelle Piet et Marie-France Casalis, respectivement présidente et vice-présidente du CFCV. Nous étions au rendez-vous. Reportage.

Premier constat de la ministre après avoir écouté les salariées répondre aux victimes de viol : « C’est un geste difficile de composer ce numéro, les écoutantes sont d’une douceur, d’une patience au téléphone… » Raconter en tout anonymat ce qu’elles ont vécu il y a quelques heures, des mois voire parfois des années, pas facile pour les victimes. Surtout quand on est encore trop souvent soupçonnée de l’ « avoir cherché » ou d’avoir allumé son agresseur. Najat Vallaud-Belkacem a découvert ce matin l’envers du décor du Comité féministe contre le viol. Huit salariées répondent au téléphone et aiguillent, en tout anonymat, ces femmes qui ont vécu l’horreur. Si la priorité pour la ministre des Droits des femmes est aujourd’hui la loi contre le harcèlement sexuel, Najat Vallaud-Belkacem entend travailler sur les violences faites aux femmes en général et plus particulièrement sur la manière d’améliorer et de finaliser la loi du 9 juillet 2010 (NDLR : aujourd’hui, il y a une application partielle et inégale de la loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes. Par exemple, les ordonnances de protection sont peu nombreuses à être délivrées, elles permettent pourtant de mettre à l’abri les victimes des auteurs de violences, qui n’ont plus le droit d’approcher d’elles).

Uniquement des femmes à la permanence

Première question de la ministre : pourquoi trouve-t-on uniquement des femmes à la permanence ? « C’est un collectif non mixte », rappelle la présidente, Emmanuelle Piet, « et l’on s’est aperçus que même lorsque c’était une femme à la voix grave qui répondait, les victimes raccrochaient. Quand on a été victime d’un viol par un homme, on a vachement peur. Mais on peut aider à vivre avec ça, à condition de s’en donner les moyens ».
« On imagine la somme des souffrances sur le moment mais pas nécessairement sur le long terme, l’angoisse qui persiste parfois des années durant », constate Najat Vallaud-Belkacem. Ici, les victimes peuvent téléphoner autant de fois qu’elles le souhaitent. Si elles ont appelé de manière anonyme, elles laissent un prénom et un numéro de département. « On aura une fiche avec leur histoire, les consignes que nous leur aurons données, par exemple de contacter telle ou telle avocate », explique Marie-France Casalis, la vice-présidente. Les victimes ne sont reçues que lorsque l’association se porte partie civile. Emmanuelle Piet tire d’ailleurs la sonnette d’alarme : de plus en plus de procès sont correctionnalisés. Au tribunal de Paris en ce moment, 9 plaintes sur 10 passent en correctionnelle. Ce qui signifie que les faits de viol sont déclassés en agressions sexuelles : d’un crime, on passe à un délit. Le dispositif et les peines ne sont plus les mêmes et les victimes ont l’impression que la procédure n’aboutira pas. Ainsi, une prostituée, violée en réunion, a vu récemment ce crime se transformer en agression sexuelle.

« Quand on dit non, c’est non »

Najat Vallaud-Belkacem interroge : comment vit l’association ? Par qui sont prises en charge les campagnes ? Qu’est-ce qui fonctionne ? Emmanuelle Piet est catégorique. « Nous ne voulons pas de campagnes qui contraignent les femmes à parler. Notre prochaine campagne sera axée sur l’idée d’inverser la culpabilité : quand on a été violée, on n’y est pour rien. Le responsable c’est l’agresseur, pas la femme. Même si elle a bu, même si elle portait une minijupe, l’idée toujours que lorsqu’on dit “non”, c’est “non”. » Ainsi, ce spot tourné avec Clara Morgane qu’elles font visionner à la ministre. Diffusé en 2009, la campagne « Kan c non, c’est non » jouait sur l’idée que même une actrice porno, si elle dit « non », c’est « non ». En 2012, les grandes idées reçues sur le viol restent encore à déconstruire. 75 000 femmes violées par an : les chiffres parlent d’eux-mêmes. « Je pense même qu’on peut grimper à 150 000 femmes victimes de viol, chaque année, si on compte les petites filles. » Et cela, depuis que le Conseil d’Etat a invalidé l’inceste en septembre 2011. « A chaque fois qu’on parle d’inceste, il faut prouver la menace et la contrainte. Comment un enfant de 6 ans peut-il prouver cela ? Rappelons qu’il y a deux millions de personnes victimes d’inceste en France, et certains experts ne parlent que d’”histoire d’amour” », s’insurge Emmanuelle Piet qui rappelle que 60% des appels passés au CLCV concernent des viols qui ont eu lieu dans l’enfance. Une femme peut contacter l’association à 70 ans car elle a été violée à 4 ans. C’est ce qu’ont découvert Emmanuelle Piet et Marie-France Casalis quand elles ont lancé le collectif en 1985. Et c’est toujours une réalité aujourd’hui.

Gare au bizutage dans les grandes écoles

Emmanuelle Piet montre ensuite des photos à Najat Vallaud-Belkacem. Des photos de bizutage dans les grandes écoles. Des photos qu’on ne devrait jamais voir. La présidente du Collectif féministe contre le viol lui propose de lire des lettres. Des témoignages de « filles cassées » qui vont passer leurs examens sans dire un mot et ne briseront le silence que parfois cinq ans après. Pour Emmanuelle Piet, il est crucial que le viol apparaisse dans l’ordonnance de protection de la loi de juillet 2010. « Quand tu as été violée par un voisin ou le salarié d’une association que tu es amenée à recroiser, pourquoi serait-ce à toi de déménager ? C’est à lui d’aller vivre ailleurs. La compassion vis-à-vis des victimes ne suffit pas. Il faut la loi. »
« Les femmes violées ont de 0 à 82 ans, cela se produit plus souvent à la maison ou au domicile du violeur que dans la rue. Et cela arrive aussi bien qu’on soit en minijupe ou en burqa », martèle la présidente du CFCV.

Les faits d’excision souvent requalifiés

La conversation arrive alors sur les mutilations sexuelles : on apprend qu’en Egypte, ont été mis en place des « bus d’excision » pour les familles nécessiteuses en Egypte. Silence pesant.
En France, les faits d’excision sont souvent requalifiés. Là aussi, il y a un combat à mener. Le ministère des Droits des femmes, attendu par de nombreuses associations féministes qui bataillent au quotidien pour porter assistance aux victimes avec des mini budgets, va s’en emparer. Najat Vallaud-Belkacem a d’ailleurs réagi vendredi dernier suite au procès aux assises de la Nièvre : « Au-delà des nécessaires mesures de prévention et d’éducation qui doivent faire disparaître ces pratiques, la loi doit s’appliquer dans toute sa rigueur ». Pour protéger la liberté et la dignité des femmes. « A chaque fois qu’une femme est violée ou violentée, c’est la société qui l’est. » Un dernier clip avant de quitter les lieux, consacré cette fois à la violence conjugale. Najat Vallaud-Belkacem repart les bras chargés de dossiers. Et probablement avec, en tête, la souffrance des victimes qu’elle vient d’écouter.

Un commentaire sur Auprès des engagées du Collectif féministe contre le viol

  1. jean louis prime

    Madame la Ministre
    bonjour Najat

    Je vois avec satistfaction que vous ne perdez pas une seule minute pour vous attaquer aux dossiers les plus urgents : Depuis trop longtemps une quasi impunité est organisée dans la socièté contre ce fléau.

    Permettez moi de vous conseillez sur ce sujet le livre de Clémentine Autun dans lequel elle raconte son histoire personnelle avec talent et montre les carences de notre socièté pour éradiquer ce crime.

    Bien à vous

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