2 293 573 enfants de moins de 3 ans pour 260 000 places de crèches…

Éditos Publié le 6 février 2007

à la crèche Pour ceux d’entre vous qui ont lu mes propositions, vous le savez, j’attache de l’importance à la question de la petite enfance. Derrière cette question se révèlent bien des enjeux de société, comme l’égalité des chances, puisqu’on estime qu’une bonne part des écarts dans la réussite scolaire est acquise avant même l’entrée en CP, ou l’emploi des femmes, puisque la question des modes de garde peut obérer la recherche d’un emploi.

à la crèche Pour ceux d’entre vous qui ont lu mes propositions, vous le savez, j’attache de l’importance à la question de la petite enfance. Derrière cette question se révèlent bien des enjeux de société, comme l’égalité des chances, puisqu’on estime qu’une bonne part des écarts dans la réussite scolaire est acquise avant même l’entrée en CP, ou l’emploi des femmes, puisque la question des modes de garde peut obérer la recherche d’un emploi.

J’ai eu l’occasion de discuter récemment avec plusieurs mères de famille de ces questions et de prendre la mesure de leurs difficultés. J’ai également eu des échanges très riches et très utiles avec des spécialistes de la question ; je voudrais revenir sur ce sujet qui est au cœur des préoccupations des femmes, des mères comme de celles qui souhaitent le devenir.

Un premier constat, la nécessité d’investir dans la petite enfance ne semble plus débattue que dans notre pays ! Une expérience célèbre aux Etats-Unis, le Perry Preschool program, réalisée depuis les années 1960 par les économistes les plus renommés, a montré qu’un euro investit pour un enfant de un à trois ans rapporte sur toute sa vie l’équivalent de 7 euros.

Investir plus, c’est aussi mieux s’organiser. Nos modes de prise en charge de la petite enfance ont été construits en empilant des dispositifs financés sur queues de crédits, ceux que l’on supprime en fin d’année et que l’on empile bon gré mal gré les bonnes années. 15% des enfants de moins de trois sont gardés dans des crèches. Ces établissement que les communes gèrent le plus souvent, sont financés par l’action sociale des CAF, dans des conditions peu transparentes. La profession d’assistante maternelle, qui couvre 25% des besoins, est à peine structurée par les agréments délivrés par la PMI départementale. Reste les autres, c’est soit l’école maternelle, à partir de 2 ans, quand une classe est ouverte, soit la débrouille. 40 % des enfants de moins de trois ans non scolarisés sont gardés principalement par leur mère, 14 % par leurs grands-parents, 2 % par une garde à domicile rémunérée, 2 % par une nourrice non agréée (au noir) ; les autres arrangent diverses solutions, dont les apports des solidarités de voisinage.

Cruellement insuffisante, l’offre de garde est aussi souvent inadaptée. Près de 30 % des parents déclarent ne pas avoir accès au mode de garde désiré. C’est tout particulièrement le cas des parents qui considèrent la crèche comme le mode de garde le plus satisfaisant. Et quand bien même, l’offre est celle souhaitée, que dire des horaires des crèches trop souvent en décalage avec les emplois occupés ou du temps de transport nécessaire dans les grandes villes pour aller déposer son enfant dans une crèche d’entreprise… J’imagine que beaucoup d’entre vous partageront ce constat : tout se passe comme si la France avait organisé à ses enfants une immense galère collective pour chaque matin.

A ces carences de l’offre, s’ajoutent une discrimination sociale manifeste : ce sont les plus pauvres qui supportent l’essentiel de cette incurie. Seuls 5% du quart des enfants les plus pauvres ont accès à un mode de garde collectif. Les deux tiers sont contraints d’être gardés à la maison. Alors que la France investit chaque année près de 8Mds€ pour faire garder ses jeunes enfants, le rapport Hirsch montre que l’essentiel de cette dépense est affectée aux ménages les plus aisés. En particulier, il peut paraître normal d’affecter en priorité des places en crèche aux parents qui travaillent, mais en se fixant arbitrairement ce critère, les commissions d’attribution se privent souvent de donner une véritable seconde chance aux mères au foyer, notamment aux femmes seules, qui ne peuvent dans ces conditions rechercher un emploi.

En outre, le bénéfice d’un congé parental rémunéré, dont le montant est relativement élevé (521 euros à taux plein) et la durée longue (3 ans), pêche en ne prévoyant pas les modalités d’un retour à l’emploi et éloigne parfois durablement du marché du travail des jeunes mères peu qualifiée. Une étude de Thomas Piketty (vous avez sans doute lu certains de ces articles dans Libération) avait montré en 1998 que cette prestation entraînait un nombre important de retraits du marché du travail (150000), essentiellement peu qualifiés.

Selon une étude de Dominique Meda, plus de 60% des femmes qui ont ainsi arrêté de travailler ont mis en avant des raisons liés aux modes de garde (12%), aux conditions de travail (28%), voire au deux (21%). Et la France continue de défendre devant les institutions européennes sa priorité pour la hausse du taux d’emploi des femmes ! ! !

C’est parce que je suis convaincue que ce thème de la petite enfance doit être au cœur de la campagne électorale comme il est au cœur des préoccupations des parents, que j’ai fait de la création d’un service public de la petite enfance, l’un de mes thèmes de campagne.

Le parti socialiste a faite sienne l’idée du service public de la petite enfance en offrant dès 2 ans, une série de services coordonnés qui sont aujourd’hui dispersés et dont les familles les plus en difficultés ne bénéficient pas toujours : des structures de crèches, des assistantes maternelles, des aides médicales, des aides pédagogiques. Je me réjouis de cet engagement auquel j’adhère à 100%. J’ajouterai que mes réflexions et mes échanges me conduisent également à appuyer l’idée d’une augmentation importante et harmonieuse de l’offre de garde tant collective qu’individuelle, de façon à proposer aux usagers un service plus accessible, plus juste socialement, plus professionnel et plus adapté à leur situation des femmes.

Pour cela, je défends en particulier la nécessité :

  • de créer dans les 10 prochaines années 200 000 places en crèches ;
  • de réformer la procédure d’agrément des assistantes maternelles pour engager ces métiers dans la voie d’une véritable professionnalisation (j’ai pu mesurer l’inquiétude de nombreuses mères pour leur bébé) et d’ouvrir cette procédure aux nounous qui le souhaitent et suivent un parcours de validation de leurs acquis, car je sais aussi les qualités de nombre d’entre elles ;
  • d’ouvrir et de développer les places en crèche dans les établissements fonctionnant 24 heures sur 24 (notamment les hôpitaux et maisons de retraite…) aux familles dont les horaires de travail sont atypiques ;

Je crois aussi utile de tenir compte de la situation particulière des femmes et :

  • de proposer aux mères qui le souhaitent une formule de congé parental d’un an indemnisé non plus à travers une prestation forfaitaire potentiellement éloignée dans son montant du revenu perçu, mais fonction du salaire auquel la femme doit renoncer ;
  • d’engager au sein du service public de l’emploi un programme national de soutien au retour à l’emploi des mères monoparentales ;

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151 commentaires sur 2 293 573 enfants de moins de 3 ans pour 260 000 places de crèches…

  1. jerjer

    Bonjour Najat.
    j’avais fait bcp de commentaires dans ce sens sur desirsdavenir car je pense que c’est une question cruciale. Les femmes qui deviennent mères se retrouvent confrontées à un dilemme, soit mettre un gros coup de frein à leur carrière professionnelle, soit choisir une solution généralement pas terrible pour leurs enfants. ce n’est pas leur problème, mais c’est notre problème à tous vu que l’économie française est sacrément pénalisée si toutes ces femmes ne peuvent pas y participer. structurer le business de la petite enfance, c’est aussi créer des dizaines de milliers d’emplois stables et donner un bon coup de pied dans la fourmilière du travail au black.
    bon courage dans cette voie, et en tant qu’ancien lyonnais je te souhaite de tout coeur de gagner les législatives.

  2. Robespierre

    C’est une question cruciale, au coeur de la vision globale de la société.
    Le problème de la garde d’enfant a en effet pour conséquence de laisser nombre de mères au foyer, trop souvent contre leur gré. Il y a la théorie sur la parité, malheureusement les faits sont là, ils ne sont pas très "paritaires" : peu de pères sont prêts à renoncer à leur travail (s’ils en ont un) pour s’occuper de leurs enfants. C’est ainsi, même si en tant que père je suis prêt à le faire le cas échéant.
    La condition féminine ne peut être améliorée qu’en révolutionnant complètement cet état de fait.
    Un enfant est aujourd’hui, selon la loi, sous la responsabilité de ses parents. On mesure le grand écart entre l’enfant né de parents en difficulté financière, illettrés, au chômage ou travaillant dans des conditions ne leur permettant pas de suivre son éducation, qui ne connaît qu’une chambre à partager avec frères et soeurs, dans un quartier urbain bétonné de partout…
    et l’enfant né dans une famille propriétaire d’une maison avec jardin, avec des parents cultivés, disponibles, "intégrés"…
    Bien entendu, il est bien plus difficile de s’épanouir correctement dans le premier cas. Comment parler de "mérite" par la suite, lorsque le conditionnement et l’enfermement sociaux s’effectuent dès la naissance. Il est très difficile d’échapper à la règle de la reproduction sociale, surtout si l’on ajoute la dérive actuelle de politique juridique sur la succession. La réussite sociale de quelques enfants du béton, présentée à tire-larigot par les médias et les politiciens de tous bords ne doit pas éluder la réalité, ne doit pas demeurer l’exception qui confirme la règle.
    Les enfants ne sont responsables de rien à leur naissance. On ne choisit pas sa famille. En revanche, la collectivité peut choisir de s’investir pour tous ses enfants ! Et elle doit le faire. Aucun politique prétendant faire du social ne peut éluder plus longtemps ce front de fraternité.
    Une véritable égalité des chances ne saurait se concevoir sans que l’Etat n’endosse une profonde et véritable responsabilité dans l’éducation des tout-petits citoyens, et toutes les dimensions que cette question implique.
    La construction de crèches est vitale, on pourrait y ajouter un grand effort sur la formation des assmat mais aussi des parents, sur la psychologie de l’enfant, avec droit de s’absenter de son travail pour cela. Pour le devenir de l’enfant et son accomplissement dans la société, il faut aussi en finir avec l’analphabétisme, mais aussi le mal-logement et la précarité des parents !
    On le voit, une politique pour la petite enfance ne peut aller sans une politique globalement sociale.

  3. BT

    Je crois savoir lire et avoir vu des propositions concretes dans le billet de Najat Belkacem que je ne remets absolument pas en cause!
    Mais il serait bon de veiller à ne pas écarter les hommes des problèmes de garde.

  4. Rolland

    BT, au delà des regrets j’imagine que vous avez des propositions concrètes et argumentées. je serais heureux de les découvrir pour qu’on puisse en discuter. Pour ma part si je comprends bien, l’accroissement de l’offre de garde est aussi un outil d’égalité des chances c’est aussi mon analyse de terrain. Vieux travailleur social (on dit ça quand on a passé la cinquantaine ?), je peux témoigner de la galère des mères seules qui n’ont pas aucune chance de trouver une crèche et ne peuvent pas se payer une nounou. résultat des courses, elles galèrent aussi dans leur boulot quand elles en ont un et le gamin est mal pris en charge, voire livré à lui même. C’est souvent le début d’une spirale de l’échec et pour la mère et pour l’enfant. Heureusement, il y a des asso qui se saisissent de ce problème pour venir en aide aux jeunes mères, mais elles ne sont pas très nombreuses; en tous cas je leur tire mon chapeau.

  5. BT

    s’il est vrai que la facilité de trouver des modes de garde est un élément d’émancipation pour la femme, je regrette de voir les hommes si peu mentionnés dans vos propos.

  6. Nadine

    Je trouve très intéressant d’avoir mis ce thème au coeur de votre campagne. Je ne pense pas que ce soit très habituel, peut-être tout simplement parce qu’il est rare que la cause des femmes soit un thème de campagne ou alors dans le discours féministe qui à mon avis n’est pas toujours le meilleur support pour les défendre.
    Je suis très étonnée par l’ampleur du déficit d’offre d’accueil des jeunes enfants que vous soulignez. J’ai pour ma part eu deux enfants. Pour élever le premier j’ai dû arrêter mes études, c’est pour cela que je partage complètement votre préoccupation concernant le retour à l’emploi, serait il possible de défendre aussi la possibilité d’une aide à la reprise des études ? Même si je travaille aujourd’hui et que je ne me suis presque pas arretée pour mon second enfant, j’ai toujours eu le regret de ne pas avoir repris mes études là où je les avais laissées. En tous cas bravo pour la précision de votre analyse et pour vos propositions qui devraient trouver un écho chez beaucoup de femmes.

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