Salarié(e)s à temps partiel : une nette avancée

Droits des femmes Publié le 24 janvier 2013

Retrouvez ici ma tribune publiée par Libération, ce 24 janvier 2013.

A la Mairie de Caen avec les femmes agents d'entretien

Il y a trois mois, lors d’une conférence organisée à Ouistreham, à quelques pas du Quai qui avait permis à Florence Aubenas d’illustrer mieux que jamais la précarité des journées de travail en miettes de milliers de femmes, nous prenions, avec Michel Sapin, ministre du Travail, l’engagement de faire du temps partiel subi un enjeu majeur de l’agenda social. Pour la première fois, l’accord sur la sécurisation de l’emploi signé le 11 janvier par les partenaires sociaux met au cœur de son dispositif les plus fragiles et les plus précaires, notamment ces femmes à temps partiel qui sont un rouage déterminant de notre économie et qui avaient été depuis vingt ans les oubliées de la sécurité de l’emploi. Oubliées de la loi Tepa. Angles morts de toutes les réformes de la formation professionnelle, de l’assurance chômage, de la Sécurité sociale.

Aujourd’hui, 3,7 millions de Françaises travaillent à temps partiel, soit un tiers de l’emploi féminin. C’est le résultat d’une évolution constante qui ne doit rien au hasard : les dispositifs d’allégements mis en œuvre à compter de 1992, et renforcés en 1996, ont conduit à une accélération brutale du recours au temps partiel, trop souvent subi. Avec la montée du chômage, la société française avait fini par accepter que, si les femmes voulaient entrer sur le marché du travail, elles le feraient dans ces conditions dégradées, avec des emplois au rabais. Le temps partiel explique pour moitié les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. L’accord sur la sécurisation de l’emploi s’attaque à cette inégalité, si longtemps tolérée. C’est un motif de satisfaction pour tous ceux qui sont attachés à l’amélioration concrète de la vie professionnelle et personnelle de ces femmes «sandwich» qui cumulent petits salaires, horaires contraignants et moindre accès aux droits sociaux. Celles qui assument toutes les contraintes de la flexibilité et ne bénéficient en rien des exigences de sécurité. Cet accord, qui sera transposé dans un projet de loi, va apporter des évolutions concrètes : d’abord, les heures complémentaires seront majorées de 10 à 25%, dès la première heure. Les branches professionnelles qui concentrent le temps partiel sont invitées à négocier dans les trois mois pour garantir des droits nouveaux : encadrement des périodes d’interruption d’activité, délai de prévenance en cas de modification d’horaires.

Dans l’accord du 11 janvier, il y a surtout une avancée décisive. Un seuil minimal horaire de travail s’imposera désormais dans la signature du contrat à temps partiel. Il a été fixé à un niveau élevé : 24 heures par semaine. Cette disposition est une conquête sociale de premier plan. Pourquoi ? Aujourd’hui l’accès aux droits sociaux obéit à des seuils définis de façon désordonnée et qui segmentent en deux le marché du travail. Les salariés qui réalisent de petits temps partiels n’ont accès ni aux indemnités journalières en cas de maladie, ni à une couverture chômage en cas de rupture du contrat, ni à la formation professionnelle. Les périodes travaillées ne sont pas validées au titre de la retraite. Désormais le petit temps partiel, celui qui n’ouvre pas de droits sociaux, ne sera autorisé qu’à titre dérogatoire si, et seulement si, une négociation de branche garantit par ailleurs l’accès à des droits sociaux corrects. Que les partenaires sociaux se soient attelés à améliorer les droits de ces femmes précaires est en soi un changement historique qu’il faut saluer pour ce qu’il est : la conséquence d’une volonté de faire avancer l’égalité entre les femmes et les hommes au travail et le fruit d’une méthode initiée lors de la grande conférence sociale qui continuera de produire ses effets. Après la négociation sur le contrat de génération, après celle menée sur la sécurisation de l’emploi, une troisième négociation est engagée sur l’égalité professionnelle, dont nous attendons les résultats pour début mars. L’égalité professionnelle est une question de principes. Mais décréter des principes ne suffit pas. Leur mise en œuvre concrète, qui s’attaque aux racines des inégalités, se négocie. C’est aussi ça la troisième génération des droits des femmes : celle de l’effectivité des droits.

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du gouvernement.

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