
Depuis vendredi dernier, le Moyen-Orient connaît une nouvelle escalade de la violence avec des frappes menées en Iran et en Israël sur des zones résidentielles, endommageant des infrastructures civiles et faisant des morts et des blessés parmi la population – y compris des enfants.
Ce nouvel accès de tensions montre, une fois encore, que l’inaction coûte cher aux populations civiles, et d’abord aux enfants mais ne doit pas nous faire oublier Gaza, qui reste le cœur d’une crise humanitaire sans précédent où l’enfance se consume sous nos yeux. Sous les décombres, dans les dédales d’un territoire assiégé, des milliers d’enfants tentent de survivre face à l’impuissance de la communauté internationale. Seulement nés au mauvais moment, au mauvais endroit. ils ne sont ni des combattants ni des stratèges, seulement des enfants. Et pourtant, c’est à eux que revient le plus lourd tribut d’une guerre sans fin.
Depuis la fin du cessez-le-feu le 18 mars 2025, 1 361 enfants ont été tués et 3 986 autres blessés. Au total, plus de 50 000 enfants ont été tués ou blessés depuis 20 mois. Ces enfants vivent l’indicible : violations graves de leurs droits fondamentaux, déplacements forcés incessants, destruction systématique des infrastructures civiles, pertes des membres de leur famille, désespoir absolu.
Une génération sacrifiée à huis clos
La famine n’est plus une menace : elle est là, rampante, cruelle, implacable. Des bébés meurent de faim, privés de traitement, après avoir été privés d’accès à l’eau et à la nourriture. Déjà, 71 000 enfants et plus de 17 000 mères nécessitent une prise en charge urgente contre la malnutrition aiguë.
Combien d’enfants faudra-t-il encore perdre pour que les valeurs que nous portons se traduisent enfin en actes concrets ? Nous, acteurs de la protection de l’enfance en France, refusons d’accepter l’inacceptable. Une génération entière est en train de disparaître. À Gaza, les enfants ne parlent plus, ne jouent plus. Ils survivent, quand ils ne meurent pas.
Pourtant, le droit international humanitaire est clair : les enfants doivent être protégés, partout, toujours. Aucun impératif militaire ne peut justifier le blocus persistant de Gaza, ni l’anéantissement total des écoles, des hôpitaux…
La Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a été l’un des premiers pays à ratifier, n’est pas une option. C’est une obligation juridique, politique et un devoir éthique. Et à Gaza, elle est chaque jour piétinée dans un silence assourdissant.
La France doit agir, pas seulement condamner
Dans ce cimetière à ciel ouvert, où les enfants naissent condamnés, la levée du blocus actuel est une exigence vitale, même si cela ne résoudra pas tout.
Face à l’urgence absolue, et alors que la conférence internationale annoncée sur la question israélo-palestinienne, coprésidée par la France, a été annulée, nous appelons notre pays à ne pas renoncer. L’absence de conférence ne doit pas être un prétexte à l’inaction.
Nous demandons que la France porte, sans délai, une levée immédiate du blocus pour permettre un accès humanitaire total, durable et sans entrave ; qu’elle œuvre à un cessez-le-feu immédiat ; qu’elle demande la libération de tous les otages ; qu’elle exige le respect scrupuleux du droit international par toutes les parties au conflit ; et qu’elle s’engage dans un plan de soutien à long terme pour les enfants traumatisés, dont les blessures, visibles ou invisibles, ne guériront pas seules.
Les États, dont la France, doivent redonner toute sa place au droit et à sa force. Face à l’horreur, le droit international humanitaire, les ordonnances de la Cour internationale de justice et la Convention internationale des droits de l’enfant demeurent les seules boussoles valables pour protéger les enfants de Gaza et leur rendre justice.
Le temps n’est plus aux hésitations
La France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, ne peut rester passive face à ce carnage. Elle doit user de tout son poids diplomatique pour faire cesser l’effusion de sang, briser le blocus, garantir l’accès à l’aide humanitaire et protéger ceux qui n’ont plus rien. Elle doit porter la voix de ceux qui n’ont plus la force de crier. Elle doit affirmer que l’inaction face à l’injustice revient à l’accepter.
Il est enfin temps de prendre ses responsabilités, à condition de ne plus détourner le regard, à condition d’oser choisir le camp de l’humanité.
Signataires :
– Jonathan Bocquet, président de l’ANACEJ
– Marie-Aleth Grard, Présidente du Mouvement ATD Quart Monde
– Pierre Suesser, Coprésident du Syndicat national des médecins de PMI
– Ophélie Berger, coprésidente du Syndicat national des médecins de PMI
– Cécile Garrigues, coprésidente du Syndicat national des médecins de PMI
– Didier Tronche, Président de la CNAPE
– Léa Rambaud, coordinatrice de la Coalition Education
– Arthur Melon, délégué général du COFRADE
– Armelle Le Bigot-Macaux, présidente du COFRADE
– Florine Pruchon, Coordinatrice de la Dynamique pour les Droits des Enfants
– Tarek Daher, délégué général d’Emmaüs France
– Bruno Morel, président, Emmaüs France,
– Patrick Atohoun, président, Emmaüs International,
– Adrien Chaboche, délégué général, Emmaüs International.
– Joëlle Sicamois, Directrice de la Fondation pour l’Enfance
– Nathalie Tehio, Présidente de la Ligue des Droits de l’Homme
– Isabelle Defourny, Présidente de Médecins sans frontières
– Didier Duriez, Président du Secours Catholique – Caritas France
– Valérie Becquet, sociologue
– Dr Marie Rose More, pédopsychiatre, cheffe de service de la Maison de Solenn
– Adrien Taquet, ancien Secrétaire d’Etat à l’enfance et Administrateur de l’UNICEF France
– Yves Denéchère, professeur des Universités, directeur du Pôle universitaire ligérien d’études sur l’enfance et la jeunesse
– Dr Linda Cambon, chercheur en santé publique
– Rébecca Shankland, Professeure de psychologie du développement à l’Université Lyon 2, responsable de l’Observatoire du Bien-être à l’Ecole
– Josiane Bigot, magistrat honoraire, conseillère au cese sur la protection de l’enfance
– Jean Pierre Rosenczveig, magistrat honoraire, Président d’ESPOIR-CFDJ, de l’ACREN, de LaVita
– Katy Lemoigne, directrice de Chanteclair
– Isabelle Santiago, députée, Vice présidente de la Délégation des Droits de l’enfant de l’Assemblée Nationale
– Patricia Adam, Vice présidente de la CNAPE, Présidente de la Sauvegarde 29
– Anne Devreese, Présidente du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE)
– Dominique Versini, ancienne Défenseure des enfants
– Geneviève Avenard, ancienne Défenseure des enfants
– Marie Derain de Vaucresson, ancienne Défenseure des enfants
– Claire Brisset, ancienne Défenseure des enfants
– Michel Collado, Président de la Sauvegarde 93
– Léa Jeannin, Directrice générale de la sauvegarde 93,
– Laurent Kaufmann, Secrétaire fédéral de la CFDT Education formation recherche publiques
– Catherine Nave-Bekhti, Secrétaire générale de la CFDT Education formation recherche publiques
– Najat Vallaud-Belkacem, Présidente de France Terre d’Asile
– Claude Roméo, directeur honoraire de la protection de l’Enfance de Seine-Saint-Denis, ancien conseiller technique auprès des ministres de l’Enfance.
– Mélanie Luchtens, coordinatrice du Groupe Enfance
– Thierry Mauricet co-Président de Coordination Humanitaire et Développement
– Xavier Boutin, co-Président de Coordination Humanitaire et Développement
– Gilles Delecourt, Directeur général, Action Education
– Thierry Baubet, pédopsychiatre, Président de la CIIVISE
– Michel Fize, sociologue
– Noémie Pate, Maîtresse de conférence et sociologue
– Myriam Bouali, directrice Enfance et famille du Conseil départemental de Seine saint Denis
– Stéphane Troussel, président du Conseil départemental de Seine saint Denis
– Christian Favier, Président honoraire du Conseil départemental du Val de Marne
– Philippe Sultan, membre de la fondation Copernic
– Anne-Marie Harster, Présidente de Solidarité Laïque
Parue dans La Tribune Dimanche, le 22/06/2025.
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