Les nouvelles frontières de l’Europe sociale

Droits des femmes Publié le 9 février 2013

Retrouvez ici la tribune co-signée par Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement et Michel Sapin ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, et publiée Les Echos ce vendredi 8 février 2013.

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L’Europe sociale aura-t-elle lieu ? A cette question, nous répondons, résolument, oui ! Oui, à condition de renouer avec le sens profond du projet européen et avec l’ambition de ses pères fondateurs, et de faire émerger une volonté politique commune.

A chaque étape clef de la construction européenne, des esprits éclairés ont cherché à faire avancer les progrès sociaux. Même dans le contexte de rigueur de 1992, le traité de Maastricht intégrait un protocole sur la politique sociale. En 1997, le traité d’Amsterdam faisait de l’emploi un objectif de l’Union et sous l’impulsion de Lionel Jospin se tenait, à Luxembourg, le premier sommet « emploi ». Mais, dans les années 2000, l’ambition sociale de l’Europe a progressivement sombré dans un profond sommeil, quand elle n’a pas été menacée de régression (rappelons-nous la directive Bolkestein).

Pourtant, hors de notre continent, personne ne doute que l’Europe est sociale. Malgré leur diversité, les pays d’Europe consacrent en moyenne 25 % de leur richesse nationale à des dépenses de solidarité, contre 20 % aux Etats-Unis et au Canada, 16 % en Australie ou 9 % en Corée du Sud. Ce qui fait l’Europe, c’est sa volonté d’assurer une protection sociale à tous les citoyens, face aux aléas et aux tournants de la vie (maladie, maternité, accidents du travail, vieillesse, chômage), ainsi que de garantir un droit du travail protecteur pour les salariés. C’est là sa marque de fabrique.

Et cependant, au sein de l’Union, la vision d’un « modèle social européen » s’estompe dans les esprits. Elle est, dans les faits, mise à mal par le chômage de masse, le vieillissement, la mondialisation, autant de défis pour les Etats providence européens. Elle est menacée par la pensée libérale. S’ajoute la tentation, parfois, pour les Etats, de réagir de façon égoïste pour tirer leur épingle du jeu. Enfin, en zone euro, la création de la monnaie unique n’a pas été accompagnée des mécanismes efficaces de convergence des coûts salariaux, au risque d’une course vers le moins-disant social. Cette situation est dangereuse : elle nous empêche de surmonter une crise qui ne se résoudra que dans la solidarité. Il faut donc renouer avec une ambition sociale à l’échelle européenne.

Tout d’abord, il nous faut relancer la définition d’un socle social commun européen, notamment du salaire minimum, que certains pays commencent par ailleurs, à l’instar de l’Allemagne, à envisager eux aussi, afin d’éviter les distorsions de concurrence.

Le deuxième champ d’action doit être l’emploi, en particulier celui des jeunes. 14 millions des moins de 25 ans sont au chômage dans l’Union. Face à ce défi commun, nous avons besoin d’une réponse commune. Il faut donner corps aux initiatives en cours autour de la « garantie jeunes », permettant à tout jeune qui sort du système éducatif de se voir proposer rapidement un emploi de qualité, un stage, ou une formation, d’être inséré dans une dynamique positive. C’est le sens des emplois d’avenir mis en oeuvre en France. Pourquoi ne pas envisager un dispositif de « premier emploi européen » offrant à certains jeunes la possibilité d’une expérience dans un autre pays de l’Union ? L’Europe de l’apprentissage doit, elle aussi, être relancée. L’apprentissage a démontré son efficacité face au chômage : l’Erasmus pour tous, qui devrait bientôt être mis en place, doit en faire un axe majeur.

Cette ambition de convergence sociale, nous devons la prolonger dans le cadre des réflexions sur l’avenir de la zone euro. Le Conseil européen a décidé de fixer une nouvelle feuille de route à l’Union économique et monétaire en juin 2013. La France a insisté pour que cet agenda comprenne une dimension sociale à part entière. Nous pourrions réfléchir avec nos partenaires à la création d’un « Eurogroupe » des ministres chargés des affaires sociales.

A l’heure où la crise économique menace de prendre la forme d’une véritable crise démocratique de l’Europe, c’est par l’union sociale que nous restaurerons la confiance des Européens dans le projet d’union de notre continent.

Michel Sapin
Najat Vallaud-Belkacem

Michel Sapin est ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social. Najat Vallaud-Belkacem est ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement.

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