Intervention au Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les violences sexuelles dans les conflits

Intervention au Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les violences sexuelles dans les conflits
Droits des femmes Publié le 25 juin 2013

Retrouvez ici l'intervention de Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du gouvernement Gouvernement français, au Conseil de Sécurité des Nations Unies à New York qui organisait un débat sur le thème : « Femmes, Paix et Sécurité : les violences sexuelles dans les conflits », ce lundi 24 juin 2013. A l'issue du débat, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité une résolution sur les violences sexuelles dans les conflits.

Monsieur le Ministre,

Je vous remercie pour l’organisation de ce débat sur les violences sexuelles qui sont trop souvent pour les femmes le lot tragique des situations de conflits. Je remercie également pour leurs présentations le Secrétaire général, M. Ban KI-MOON, la Représentante spéciale pour les violences sexuelles dans les conflits, Mme BANGURA, ainsi que Mme JOLIE et Mme ADONG ANYWAR, représentantes de la société civile.

Dans un monde où le viol est utilisé comme une arme de destruction physique, psychologique et sociale et où « le corps des femmes est devenu un champ de bataille », ces violences sexuelles commises en période de conflit ne doivent en aucun cas tomber dans l’oubli ou rester impunies.

La communauté internationale s’est saisie de cette question il y a maintenant plus de dix ans en adoptant la résolution 1325 en 2000 puis ses résolutions successives ; elle a permis une avancée historique à plus d’un égard : en condamnant unanimement ces violences, en appelant à intensifier les efforts pour protéger les femmes et lutter contre l’impunité bien sûr. Mais aussi en posant le principe d’une égale participation des femmes aux processus de réconciliation et de reconstruction. Car la meilleure façon de protéger les femmes c’est d’en faire des acteurs et plus seulement des sujets.

D’importants progrès ont été accomplis depuis lors.

Des progrès politiques, grâce aux efforts de la Représentante spéciale sur les violences sexuelles dans les conflits, dont je salue ici l’engagement, qui a permis d’élever la conscience internationale sur cette question.

Grâce aussi à la politique de « tolérance zéro » que vous avez menée Monsieur le Secrétaire général à l’égard de toute forme d’exploitation ou d’atteintes sexuelles imputables au personnel des Nations Unies, en particulier au sein des forces déployées sur le terrain. Cette politique doit se poursuivre sans relâche car les Nations unies ne peuvent être qu’exemplaires.

Des progrès judiciaires par ailleurs : les tribunaux ad hoc créés par ce Conseil, puis la Cour Pénale Internationale ont intégré les violences sexuelles parmi les crimes relevant de leur juridiction. La reconnaissance des violences sexuelles, notamment le viol, potentiellement comme crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide a constitué une avancée majeure, un instrument efficace de lutte contre l’impunité mais aussi à vocation dissuasive.

Des progrès au plan normatif enfin, avec la récente adoption du Traité sur le Commerce des Armes, premier traité juridiquement contraignant visant à réglementer les transferts d’armes, qui reconnaît un lien entre le commerce international d’armes et les violences fondées sur le genre, un volet que la France a soutenu avec force.

Nous ne sommes pourtant pas au bout du chemin. Loin de là.
L’ampleur et la permanence des violences sexuelles dans les conflits actuels restent intolérables.

Najat Vallaud-Belkacem et Angelina-Jolie au Conseil de Sécurité de l'ONU

En République démocratique du Congo, en dépit de la mobilisation de la communauté internationale, les violences sexuelles restent omniprésentes. Commises par toutes les parties, elles se perpétuent aussi bien au sein du M23 que des forces armées congolaises. Le drame de Minova, au sud-kivu, où plus de 130 femmes ont été violées en novembre 2012 par des soldats des Forces armées de la RDC censés les protéger, nous a rappelé cette brutale réalité. La France continuera à œuvrer pour que les responsables de ces crimes et leurs commandants soient poursuivis et punis.

Je suis extrêmement préoccupée par le drame humanitaire que subissent les femmes syriennes. Ces femmes ont joué un rôle de premier plan dans les manifestations pacifiques. Elles sont mobilisées sur le terrain pour reconstruire une nouvelle Syrie et jouent un rôle important au sein de la coalition nationale syrienne. Elles sont un élément clé de la solution que nous devons en urgence dessiner pour ce pays. Nous savons que le régime et ses milices utilisent depuis le début les violences sexuelles pour terroriser les populations. Aujourd’hui, face à la militarisation et la radicalisation du conflit, les Syriennes sont réduites au silence. Qu’elles se trouvent en Syrie, où le régime continue de les viser, ou dans les camps de réfugiés, où les mariages forcés progressent, leur vulnérabilité s’accroît.

Nous souhaitons que les rapports des Nations unies, notamment celui de la Commission d’Enquête sur la Syrie de même que les informations transmises par la Haute Commissaire aux droits de l’Homme, qui contiennent des éléments tangibles sur ces crimes, alimentent rapidement une saisine de la Cour Pénale Internationale. Les auteurs de ces crimes doivent savoir qu’ils seront punis aussi sévèrement que leur barbarie le justifie. Nous soutenons aussi le principe d’une participation des femmes aux discussions de Genève II sur la Syrie.

Au Mali, le Président de la République a souligné que l’intervention française reposait aussi sur la nécessité de défendre les droits des femmes victimes de violences. Le déploiement de la MINUSMA, le processus politique en cours et les élections à venir aideront à rétablir la paix et la stabilité du pays. Mais les violences sexuelles commises par les groupes armés au Nord en 2012 ont traumatisé la société malienne.

La justice doit suivre son cours pour toutes les victimes de violences sexuelles. Une aide psychologique et juridique doit leur être apportée. Les autorités maliennes, avec l’aide des Nations unies et de la Cour Pénale Internationale, ne pourront ignorer cette question.

Quatre actions concrètes doivent se poursuivre afin de lutter contre les violences sexuelles dans les conflits fondées sur le triptyque prévention, protection et poursuites mais aussi sur la participation pleine et entière des femmes aux processus de paix et de reconstruction.

En premier lieu, renforcer la protection sur le terrain : les conseillers de protection des femmes jouent un rôle essentiel. La France souhaite que leur déploiement au sein des missions de maintien de la paix et des missions politiques soit étendu au-delà de la République démocratique du Congo et du Mali et qu’elles disposent des moyens de leur action.

En deuxième lieu, assurer l’accès aux services pour les victimes, en particulier aux services de santé sexuelle et reproductive. Les fillettes, adolescentes et femmes victimes de violences sexuelles peuvent, en plus des traumatismes psychologiques, subir de graves conséquences physiques. En outre, les adolescentes et femmes exposées à ces violences risquent des grossesses prématurées et non désirées. Nous devons tirer toutes les conséquences de cette réalité. Pourquoi les droits sexuels et reproductifs des victimes de violences sexuelles demeurent-ils contestés? La restriction de l’accès aux services de santé sexuels et reproductifs est une atteinte au droit des femmes à disposer de leur corps. Des progrès substantiels ont été accomplis en mars dernier à la Commission de la Condition de la Femme afin de forger un consensus global s’agissant de l’affirmation de ces droits. Nous devons consolider cet acquis.

En troisième lieu, donner à la lutte contre l’impunité toute sa réalité. Le stigmate et la honte doivent changer de camp, pour que la victime ne soit plus celle qui subisse les conséquences du crime. Cette tâche revient avant tout aux gouvernements qui ont la responsabilité de poursuivre et de punir. Mais lorsque les États sont défaillants, la Cour Pénale Internationale, à vocation universelle, peut et doit jouer tout son rôle.

Enfin, la participation des femmes dans la résolution des conflits est la seule réponse durable. La mise en œuvre par la communauté internationale de la résolution 1325 doit se poursuivre sans relâche. Depuis son adoption, la prise de conscience de cette évidence a progressé mais tarde à se concrétiser sur le terrain. Au Mali comme en Syrie ou en République démocratique du Congo, sans oublier l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, la République centrafricaine, le Soudan ou la Libye, les femmes doivent pleinement contribuer à la stabilisation de leur pays. Aucune transition ne sera durable sans la prise en compte et la participation de la moitié de la l’humanité.

Les plans d’actions nationaux de mise en œuvre de la résolution 1325 sont, à cet égard, un instrument essentiel qui devrait être généralisé.

Dans le cadre de son plan d’action, la France a engagé des programmes de coopération en matière de lutte contre les violences à l’égard des femmes en Afrique et dans le Monde arabe, en partenariat avec ONU Femmes. Nous avons récemment alloué une dotation spécifique pour des programmes au Mali, mis en œuvre par des ONG locales, destinées notamment à soutenir la participation des femmes aux processus politiques. En République démocratique du Congo, plus de 2 millions d’euros ont été consacrés depuis 2012 au soutien à des ONG congolaises, afin de lutter contre les violences sexuelles, de renforcer la participation des femmes aux processus décisionnels et l’insertion socio-économique des femmes.

C’est, dans ce même esprit, que le Président de la République a annoncé l’organisation à Paris en décembre prochain d’un sommet pour « la Paix et la sécurité en Afrique ».

Pour conclure, permettez-moi de souligner que, derrière la brutalité sans nom des violences sexuelles, il importe aussi de rappeler le dramatique constat que vient d’établir l’Organisation Mondiale de la Santé : une femme sur trois à travers la planète a subi des violences conjugales et sexuelles. Aucune région du monde n’est épargnée mais ces violences, comme l’ignorance, fonctionnent comme une épidémie qui atteint une ampleur endémique dans certains pays.

Il est impératif de continuer à travailler sans relâche sur tous ces phénomènes de violences car, tout comme les droits de l’Homme, les droits des Femmes sont universels et indivisibles.

Je vous remercie.

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Un commentaire sur Intervention au Conseil de Sécurité des Nations Unies sur les violences sexuelles dans les conflits

  1. Fouchier

    Bravo pour cette intervention qui a cerné la totalité des questions concernant les femmes dans les situations de conflits. Oui les femmes doivent être étroitement associées à leurs résolutions en tant qu’actrices. Il faut continuer à dénoncer les violences sexuelles dans les conflits. Merci de ne pas avoir oublié les femmes syriennes qui sont actuellement réduites au silence

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