L’important ? Nos enfants!

Éditos Droits des femmes Publié le 21 novembre 2013

Retrouvez ici la tribune de Najat Vallaud-Belkacem publiée à l’occasion de la journée internationale des Droits de l’Enfant et à quelques jours de la journée internationale contre les violences faites aux femmes sur le nouveau site d’Info L’Important.


A quelques encablures de la journée internationale contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre prochain, il n’est pas inutile de s’arrêter quelques instants pour réfléchir aux innombrables incidences de ces dernières. Puisque tel est le credo de « L’Important », et qu’on m’invite à écrire ici quelques lignes sur un sujet qui me tient à cœur, mais invisible dans le flux continu de l’info, parlons des enfants victimes, directement ou indirectement, de ces violences. Parlons-en pour les sortir de l’oubli, de l’ombre et du silence. Pour comprendre et accepter, enfin, qu’au-delà des faits-divers terrifiants qui marquent trop régulièrement l’actualité, ces enfants sont aussi nos enfants, ceux de la République. La lutte contre les violences faites aux femmes, le plus souvent à l’intérieur même des familles, ne peut ignorer le sort des enfants qui en sont si souvent les témoins et les victimes, et qui ne doivent plus, demain, en être des acteurs malgré eux.

Parce que la violence trouve sa source dans la violence, parce que la violence engendre la violence, et qu’il est urgent de briser le cercle infernal qui se noue au cœur de l’intimité conjugale et familiale, nous ne devons jamais parler des violences intrafamiliales comme d’un vague dysfonctionnement du couple, à priori protégé de toute ingérence des politiques publiques, ou même du regard des autres.

Quelle qu’en soit la forme, ces violences ne sont jamais isolées. Elles atteignent durablement toute une famille. Et elles frappent évidemment les enfants. Trois fois sur quatre ils sont témoins de la violence entre les parents, et ils sont à cet égard eux-mêmes victimes de violences. L’an dernier, en France, 20 enfants ont été témoins d’une scène de meurtre conjugal. 140 enfants ont perdu au moins un parent dans ces crimes. Et ces chiffres ne représentent évidemment qu’une petite part d’une réalité que nous connaissons encore trop mal.

En tant que Ministre des droits des femmes, j’estime que j’ai ma part de responsabilité, et j’entends l’assumer. Les mécanismes de domination, voire d’oppression qui s‘exercent à l’encontre des femmes sont corrélés à ceux qui s’exercent à l’encontre des enfants. « Protéger la mère, c’est protéger les enfants. » Tel était le thème de la journée que j’ai ouverte hier en Seine-Saint-Denis, avec les collectivités, les associations, les professionnels du droit et de l’action sociale. Car il ne suffit pas de s’arrêter au constat des dégâts provoqués par les violences conjugales sur le développement d’un enfant, il faut aussi en tirer les conséquences. Contrairement à ce que j’ai pu entendre parfois, on ne peut pas être tout à la fois un conjoint violent et un bon parent. Cela justifie plusieurs des mesures que j’ai inscrites dans le prochain plan de lutte contre les violences faites aux femmes, que je présenterai lundi prochain.

Mais la maltraitance des enfants est une réalité qui va bien au-delà des seules violences conjugales ou familiales, elle est aussi criminelle, internationale. Protéger les enfants peut impliquer de les libérer, et de les protéger des réseaux les plus abjects. Notre devoir en la matière ne tolère aucune forme d’indifférence.

Je prépare actuellement un plan contre la traite des êtres humains. Pour la première fois, un gouvernement décide de s’emparer de ce sujet. Pour la première fois, nous affrontons une réalité nouvelle et terrible du continent européen. Chaque année plusieurs centaines d’enfants sont enrôlés dans des réseaux qui ont leur base dans des Etats de l’ancienne Europe de l’Est. Ils restent quelques mois sur notre territoire et sont employés à des activités délinquantes ou à la mendicité. Si leur jeune âge est recherché par les mafias, c’est à raison des protections qu’il assure dans la procédure pénale, ces mêmes protections qui se retournent alors contre les enfants eux-mêmes.

Ces enfants, nous ne pouvons pas faire comme si nous ne les voyions pas. Nous les croisons dans la rue. Ils nous parlent. Ils nous interpellent même. Les protéger n’est pas une option. Convenons que les solutions ne sont pas simples, que les professionnels les plus aguerris se disent désarmés face aux fugues, ou la difficulté à établir parfois le simple état civil de ces enfants. Aucune solution ne relève de l’évidence. Mais deux choses me paraissent essentielles. La première c’est de tirer toutes les conséquences sur le plan de la procédure judiciaire du fait que les enfants victimes de la traite sont d’abord des victimes avant même d’être des auteurs. Ils doivent pouvoir bénéficier de mesures d’éloignement, d’une protection et d’un suivi qui leur donnent le temps de se reconstruire. La seconde est de proposer cet accompagnement durable et humain loin des réseaux, en mettant les moyens éducatifs, linguistiques qui s’imposent.

Protéger les victimes, punir et soigner les auteurs, démanteler les réseaux qui exploitent les plus faibles, alerter et sensibiliser l’opinion publique ne suffiront pas à briser le cycle de perpétuel recommencement de la violence si nous ne nous occupons pas, aussi, des enfants pris dans la tourmente, ces enfants qui sont nos enfants parce qu’ils sont notre avenir, à toutes et à tous.

Ils ne votent pas, ils ne possèdent rien, ils ne s’expriment pas, ils ne tweetent pas et ne font pas le buzz, mais oui, nos enfants sont bien ce que nous avons de plus important.

Najat Vallaud-Belkacem,Ministre des Droits des femmes, porte-parole du gouvernement.

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Tribune publiée le 20 Novembre sur le site d’information L’Important.
Photo Julie Kertesz – Creative Commons

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