Le périmètre de mon ministère est large mais c’est ce qui fait sa force

Presse Sports Publié le 25 avril 2014

Retrouvez ici l'entretien accordé par Najat Vallaud-Belkacem au quotidien Le Monde, paru le 25 avril 2014.

Sur le porte-manteau à l’entrée de son bureau de la rue Saint-Dominique, à Paris, un objet indique que Najat Vallaud-Belkacem possède une attribution inattendue dans son ministère : un ballon de foot, orange fluo, dédicacé par le patron de la Ligue de football professionnel, Frédéric Thiriez. La nouvelle ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et donc des sports y a aussi suspendu le maillot du PSG floqué à son nom que vient de lui offrir le club de la capitale.

Avez-vous été surprise d’hériter des sports en plus des droits des femmes, de la ville et de la jeunesse ?

J’ai d’abord été agréablement surprise de faire partie du nouveau gouvernement. Et ensuite, agréablement surprise et enthousiasmée par le périmètre.

Jean-François Lamour, ministre des sports entre 2004 et 2007, a traité votre ministère de « voiture-balai »…

Le périmètre est large, certes. Mais c’est justement ce qui va faire sa force. Je n’ai aucun doute sur sa cohérence. Qu’il s’agisse des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse ou du sport, le combat, c’est celui de l’égalité. Le fait que je sois en charge de la politique de la ville va me permettre de mettre le paquet sur les équipements sportifs qui manquent aux habitants des quartiers. Etre en charge de la jeunesse va me permettre de pousser de façon plus efficace la question du double projet des sportifs de haut niveau : poursuite des études et préparation de la reconversion. Et conserver les droits des femmes va me permettre d’amplifier la féminisation des instances dirigeantes du sport. Disposer de tous ces leviers en même temps, c’est gagner du temps et de l’efficacité.

Pourquoi, dès lors, avoir créé un secrétariat d’Etat dédié aux sports ?

C’était ma demande et la preuve de l’attention qu’on accorde au monde sportif, à un moment où nous devons renouer le dialogue avec de nombreuses fédérations. J’ai conscience aussi de la disponibilité que cela demande en termes d’agenda. A deux, avec Thierry Braillard, nous pourrons faire plus et mieux. Et notamment mener des concertations qui s’imposent sur de nombreux sujets. Le mouvement sportif réclame d’être davantage associé. Je l’ai dit au président du Comité olympique français, Denis Masseglia : je ferai le point avec lui toutes les trois semaines pour que nos dossiers avancent ensemble.

La loi de modernisation du sport devait être présentée devant l’Assemblée nationale en juin…

Nous avons décidé de remettre les choses à plat pour reprendre la discussion avec le mouvement sportif en partant d’abord de quelques objectifs-clés : la promotion du sport à l’école, la mobilisation de la pratique sportive pour la santé, le haut niveau, la réduction des inégalités… Il faut savoir ce que l’on veut défendre comme vision du sport avant d’en venir aux questions de gouvernance. Nous sommes en train de reprendre tout cela.

Des recommandations de la commission d’enquête sénatoriale sur l’efficacité de la lutte contre le dopage devaient être intégrées à ce projet de loi…

Que les choses soient claires : sur la question du dopage, on ne perd pas de temps. Pour être en conformité avec le nouveau code mondial antidopage, nous allons procéder par ordonnance et je présenterai dès le mois prochain un projet de loi d’habilitation. Il y a aussi tout un travail à faire en matière de prévention. Une piste serait de diffuser des clips sur les dangers du dopage avant chaque grand événement sportif.

Etes-vous sportive ?

Je ne vais pas vous mentir. Je ne suis pas une championne, mais j’aime le sport. Et je suis convaincue de ses vertus, notamment en matière de bienfaits pour la santé. En quelque sorte, je suis croyante mais pas très pratiquante. Comme beaucoup de Français, je fais un peu de course à pied et j’ai d’ailleurs promis à Anne Hidalgo de courir la Parisienne.

Irez-vous aussi au Brésil pour la Coupe du monde ?

Bien sûr. Je serai présente dès le premier match comme première supportrice des Bleus, et j’aimerais pouvoir revenir en quarts pour les accompagner jusqu’en finale ! Et j’espère évidemment qu’ils vont gagner. Au-delà des résultats, je souhaite que le Mondial soit un moment de cohésion derrière nos couleurs. Un moment de cocorico. Je pense que le pays a vraiment besoin de cela.

Il y a quatre ans, en Afrique du Sud, le Mondial n’avait pas vraiment été un grand moment de communion avec l’équipe de France…

Ce qui s’est passé il y a quatre ans a provoqué un vrai traumatisme, et donc une prise de conscience. Et pas simplement dans l’opinion publique. Chez les joueurs aussi. Cet épisode me semble être derrière nous. Les temps ont bien changé et je pense que les Français se retrouvent derrière leur équipe. Il faut que ce soit un moment populaire.

Vous portez une veste bleue. Qu’est-ce que cela évoque pour vous, les Bleus ?

1998. L’un des plus beaux moments d’émotion nationale de ces quinze dernières années. J’espère que l’Euro 2016 créera le même amour du maillot bleu. L’Euro est susceptible de changer l’état d’esprit du pays. Nous souffrons depuis quelques années de la crise économique et sociale, bien sûr, mais aussi d’un état d’esprit très défaitiste. L’esprit de conquête qui accompagne les grandes compétitions, comme en 1998, est extraordinaire. Et je suis sûre que l’Euro, si on l’organise bien, si l’on veille à ce que ce soit un événement très populaire, sera un moment magique. Nous y travaillons activement avec Michel Platini.

On vous a vue au Stade de France, samedi 19 avril, pour la finale de la Coupe de la Ligue, et au Parc des Princes, quelques jours plus tôt, pour PSG-Chelsea… C’était vos premières fois ?

J’avais bien plus l’habitude d’aller au stade Gerland, à Lyon, qu’au Parc des Princes ou au Stade de France. Quand vous êtes lyonnais, vous vibrez forcément pour l’Olympique lyonnais. Donc samedi soir je me suis retrouvée dans une drôle de situation parce que je devais être neutre. Du coup, je n’osais plus me lever quand une équipe marquait un but. Il faut dire que l’OL en a marqué moins que le PSG. Et puis il y a cette histoire de penalty… Je ne commente pas. [Rire.]

Thierry Braillard est lyonnais lui aussi. Ne craignez-vous pas que l’on vous accuse de privilégier les intérêts de Lyon ?

Nous avons eu cette discussion avec Thierry dès le premier jour et nous nous sommes dit qu’il fallait absolument éviter cet écueil, en étant tout simplement neutres. Cela passe d’abord par une présence sur tous les sports – féminin et masculin – et une même attention à tous les clubs.

Vous dites que le combat de votre ministère est celui de l’égalité. Mais quand le PSG bénéficie de fonds quasiment inépuisables, cela ne fausse-t-il pas l’équité de la compétition ?

C’est une vraie question, même si le PSG est une formidable vitrine pour le foot français. Pour garantir l’équité des compétitions, il faut que les masses financières des participants soient à peu près comparables. Mais quand on laisse investir à fonds perdu… C’est pour cela que je soutiens Michel Platini et sa règle du fair-play financier : elle vise à éviter ces déséquilibres. Je pense qu’un jour – on l’a vu dans d’autres pays –, un club en faillite se retournera vers la collectivité publique pour être renfloué, comme les banques il y a quelques années. Or, je ne suis pas pour que l’on privatise les profits quand ça va bien et que l’on socialise les pertes quand ça va mal.

En juillet 2013, vous aviez annoncé au « Monde » que les fédérations qui ne respecteraient pas les règles de la parité pourraient se voir retirer leur agrément. Vous aviez ensuite atténué vos propos en invoquant une « menace nucléaire » qu’on n’active pas forcément…

Je pense que les fédérations ont conscience qu’elles ont désormais une ministre des sports particulièrement attentive, qui ne brandit pas cette menace dans le vide. Je veux que les fédérations adoptent des plans de féminisation car les choses ne vont pas se faire naturellement. Dans les quartiers, en particulier, les jeunes filles font du sport jusqu’à 12, 13 ans et n’en font plus ensuite. C’est pour moi un sujet à prendre à bras-le-corps.

Un match de foot féminin a été annulé dans le Nord – Pas-de-Calais le 29 mars au motif qu’une joueuse portait le voile. La FIFA vient d’autoriser le port du voile mais la Fédération française l’interdit. Autoriser le voile ne serait-il pourtant pas un moyen d’ouvrir le sport à certaines femmes ?

Quand une femme se présente sur un terrain avec un foulard sur la tête et qu’elle demande à pouvoir s’entraîner avec les autres, à ma connaissance, on ne le lui interdit pas. En revanche, lors des compétitions, on respecte les règles. C’est pourquoi je soutiens la position de la Fédération française de football : faire respecter un cadre républicain, français, neutre.

Edinson Cavani, double buteur en finale de la Coupe de la Ligue, multiplie les signes de croix sur les terrains sans susciter de réactions. N’y a-t-il pas deux poids, deux mesures ?

Je suis pour qu’on laisse toute manifestation religieuse ou politique au vestiaire. On progresse : je me souviens d’une époque où il arrivait aux joueurs, quand ils marquaient, de soulever leur T-shirt et d’afficher des considérations personnelles, voire commerciales. On a bien su y mettre un terme.


Un entretien réalisé par Yann Bouchez & Stéphane Mandard, journal Le Monde.
Photo © Valerio Vincenzo/Hanslucas.com

2 commentaires sur Le périmètre de mon ministère est large mais c’est ce qui fait sa force

  1. LANCIEN Dominique

    Najat,ce n’est pas dans 5 ans que les Français devront enfin savoir toutes les excellentes actions qu’ont mis en place TOUTES les Personnes qui accompagnent M. Hollande dans son quinquennat!!! C’est MAINTENANT!!! Et pour cela Vous devez exiger que le CSA impose à l’information de faire son Travail! Pas une seule chaîne publique ne montre les résultats positifs obtenus depuis Mai 2012! C’est un scandale!Un sabotage!!! En ne réagissant pas,Vous laissez toutes vos importantes actions se diluer dans tout ce ramassis d’intox.People!!! Quel gâchis ! Entendez moi!

  2. CHOUKRI

    J’ai une énorme admiration et considération pour Madame Najat Vallaud-Belkacem.Je la trouve à sa place par rapport à ses compétences, mais ce qui fait sa force c’est surtout son côté sincère , intègre perceptible à travers ses discours…et c’est une base essentiel, un moteur important quand on a ses responsabilités et sa position.

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