Lutter pour l’égalité femmes-hommes, c’est aussi un combat pour le redressement économique

Droits des femmes Publié le 12 mai 2014

Au fond, l’égalité, c’est la promesse de la République à tous ses enfants, filles comme garçons, que chaque génération a tour à tour déclinée avec des avancées, avec des reculades. Il revient à notre génération de rendre enfin concrète cette égalité dans la vie quotidienne, car il y a une chose certaine dont souffrent les femmes, qui ne connaît absolument aucun répit, c’est la précarité.

Les femmes, premières victimes de la crise

J’étais l’autre jour avec les équipes du Secours populaire pour assister à la publication de leurs nouveaux chiffres sur la pauvreté. Le drame de ces chiffres, c’est qu’ils ne nous ont pas beaucoup surpris et qu’ils correspondent à une réalité que l’on observe partout autour de nous : 4,7 millions de femmes qui vivent sous le seuil de pauvreté en France contre 3,9 millions d’hommes, 1,4 million de femmes qui perçoivent le RSA en 2011 contre un peu plus de 1 million d’hommes.

Au fond, ce sont les femmes les premières victimes de la crise, et aujourd’hui, la pauvreté dans notre pays a indéniablement le visage des femmes, les femmes jeunes à la tête de familles monoparentales, mais aussi les femmes qui ont atteint l’âge de la retraite. (…)

On considère en effet que, pour les générations nées dans les années 1970, les écarts de pension de retraite entre les hommes et les femmes, si l’on ne fait rien, resteront de l’ordre de 20 %. Je pourrais presque partir de ce seul chiffre, tellement il nous oblige à traiter l’ensemble des dimensions des inégalités entre les femmes et les hommes.

Venir à bout de ces 20 % aujourd’hui, c’est en réalité mener de front plusieurs chantiers : supprimer les écarts de rémunération, réduire la précarité des salariés à temps partiel, annuler la pénalité dans la rémunération et dans la carrière des femmes, qui est souvent constituée par la prise de congés familiaux longs, corriger l’inégalité dans la distribution des temps de vie, la fameuse heure et demie d’écart chaque jour dans les activités domestiques entre les hommes et les femmes, et compenser les écarts qui se sont créés malgré tout, les inégalités de retraite donc.

Voilà nos enjeux économiques, voilà l’urgence, mais pour y arriver, je crois qu’il est nécessaire aussi de repositionner le débat.

Ce n’est pas qu’une question sociale

Je suis, comme vous tous ici, très attachée à l’égalité et je vois dans l’égalité femmes-hommes en particulier un véritable moteur de transformation de la société qui est synonyme de progrès social et de justice, mais je ne veux pas non plus que nous nous laissions enfermer par ceux qui voudraient réduire notre combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes à une question sociale parmi d’autres, avec évidemment toutes les arrière-pensées que l’on devine :

“Des questions sociales, il y en a beaucoup, rétablissons la croissance d’abord et tout ça se résoudra ensuite, gagnons la bataille de l’emploi et nous verrons pour le reste.”

Je crois qu’il ne faut pas accepter cette rhétorique. Non seulement on ne peut pas laisser faire la fameuse main invisible qui réglerait spontanément les problèmes, parce qu’on sait bien qu’en fait elle entretient et amplifie les inégalités, mais en plus, notre combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie économique est justement au cœur de la stratégie de croissance, au cœur du combat pour la compétitivité, pour l’innovation, pour l’emploi et le redressement de notre économie.

Un combat pour tous

Les chiffres, que ce soient ceux de l’OCDE ou de la Commission européenne sur le potentiel d’augmentation de PIB que nos sociétés pourraient connaître si on avait un taux d’emploi équivalent entre les femmes et les hommes, ne doivent évidemment pas nous laisser indifférents.

Derrière, il y a des enjeux très concrets, comme par exemple l’une des questions dont nous nous sommes saisis récemment, celle de la création d’entreprises au féminin.

Quand on sait qu’aujourd’hui à peine 3% des Françaises d’une génération de 18 à 64 ans ont créé ou repris une entreprise sur l’année qui vient de s’écouler, contre 10% aux États-Unis ; quand on sait qu’aujourd’hui, parmi les entreprises innovantes qui se créent chaque année, il y en a à peine 10% qui sont le fait de femmes, on prend conscience du gâchis, un gâchis à titre personnel pour ces femmes, mais aussi un gâchis pour toute la société.

Alors, il va falloir accompagner l’égalité professionnelle dans les entreprises. Il reste malgré tout une question immense : comment fait-on précisément pour faire de cette question de l’égalité un enjeu à part entière qui ne se laisse pas ballotter au gré de la crise ou au gré des événements ? (…)

Je pense que la bonne façon de répondre aux inégalités, c’est d’agir partout. Puisque les inégalités ne se sont interdit aucun terrain, il ne faut pas nous-mêmes nous en interdire. Pour agir partout, il faut s’outiller, cela veut dire avoir des statistiques pour débusquer, convaincre. Et il faut utiliser la loi quand elle est indispensable.(…)

Je pense qu’aujourd’hui, le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes doit se comprendre non pas comme un combat des unes contre les autres mais comme un combat pour l’ensemble de la société.

Tribune initialement publiée dans “100 ans de combats pour la liberté des femmes“, de Frédérique Agnès et Isabelle Lefort, 2014, éditions Flammarion.

 

Tags :