Discours au Congrès de la Fédération des Délégués Départementaux de l’Éducation Nationale

Éducation nationale Publié le 11 juin 2016

Ce samedi 11 juin 2016, Najat Vallaud-Belkacem s’est rendue au au Congrès de la Fédération des Délégués Départementaux de l’Éducation Nationale qui se tenait au Kremlin-Bicêtre dans l’académie de Créteil. La ministre a rendu hommage à ces bénévoles qui servent l’École de la République, soutiennent sa Refondation et son ouverture.
Retrouvez ici le discours prononcé par la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche :

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Monsieur le président, cher Daniel Foulon,
Mesdames et messieurs les Délégués Départementaux de l’Éducation Nationale,
Chers amis,

Chers amis. Sans doute le mot a-t-il rarement résonné aussi justement.

Votre fonction, si elle a un titre officiel, Délégué Départemental de l’Éducation Nationale, a aussi un titre officieux : celui d’ami de l’École de la République.

L’amitié qui vous lie à l’École n’est pas de celle dont MONTAIGNE disait « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »

C’est une amitié dont les raisons sont claires : c’est l’attachement à la laïcité et aux valeurs de la République ; c’est le souci de la réussite de chaque élève, quelle que soit son origine sociale ou géographique ; c’est la volonté, chaque jour réaffirmée, d’accompagner les écoles au fil du temps.

Et quand je dis au fil du temps, je ne pense pas seulement à celui qui s’est écoulé depuis les années 1970.

Certes, votre fonction n’a été officiellement établie qu’en 1969. Mais je sais que vous avez, depuis bien plus longtemps, des prédécesseurs qui ont partagé, par le passé, votre engagement présent.

Alors, je ne remonterais peut-être pas, comme vous le faites, aux Lois de Platon, qui prévoyait, je cite « des magistrats chargés de veiller à l’aménagement des gymnases et des écoles, à la surveillance des locaux ainsi qu’à la fréquentation scolaire ».

Néanmoins, cet antique exemple témoigne de l’importance et de la nécessité des missions qui sont les vôtres, et qui vous inscrivent dans la lignée des « magistrat aux mœurs » de la convention, ou des « délégués cantonaux » de la loi Goblet du 30 octobre 1886.

D’ailleurs, de la troisième république, nous conservons, à votre égard, un certain nombre d’exigence. Celui de ne pas « considérer votre nomination comme un titre purement honorifique. » Avoir, pour la cause de l’enseignement public, « un attachement incontesté. »

Et puis, il y a un autre aspect de votre fonction qui prend, dans les temps où nous sommes, un relief particulier.

Oui, à une époque où tout semble systématiquement évalué à l’aune des critères économiques, vous êtes bénévoles. Et par ce seul trait, essentiel, vous nous rappelez l’importance d’une citoyenneté active, du dévouement, et du sens du bien commun.

Aussi, je tiens, avant toute chose, à vous remercier.

Vous remercier de me faire l’honneur et le plaisir de pouvoir m’adresser à vous dans le cadre de votre congrès.

Vous remercier, aussi et surtout, pour votre investissement, sur le terrain, jour après jour, au service de l’Ecole de la République.

Votre fonction, disais-je, a évolué. L’École aussi. Vous vous en êtes, évidemment, rendu compte. En particulier ces dernières années, avec la loi de la refondation de l’École.

Cette loi du 8 juillet 2013 est ambitieuse. C’est une loi, j’en suis bien consciente, qui a entraîné des changements nombreux. Des changements considérables.

Et en un sens, c’est heureux, parce que le changement était précisément le but de cette refondation. Son appellation même, celle de « refondation » était, je crois, très claire, sur l’ampleur des changements qui allaient être mis en œuvre.

Mais ces changements n’ont pas non plus été sans difficulté. Surtout, ces changements, par l’engagement qu’ils ont demandé à l’ensemble des personnels, par la nécessité, aussi, d’aborder les différentes réformes les unes après les autres, ont parfois pu masquer la cohérence de l’ensemble. Le sens même de notre action.

Et c’est précisément ce sens et cette cohérence que je voudrais évoquer un instant avec vous, puisque vous m’en offrez l’occasion.

Le premier point sur lequel je tiens à insister, c’est que ce changement était absolument nécessaire. On dit souvent qu’il ne faut pas chercher à réparer ce qui n’est pas cassé. C’est juste. Vous imaginez bien qu’une prudence encore plus grande doit accompagner celles et ceux qui ont pour ambition de refonder.

Mais si nous avons parlé de refondation, c’est qu’il y avait bien quelque chose qui n’allait plus dans l’Ecole de la République.

Le changement était, dans ce cas, le meilleur moyen de renouer avec l’ambition qui a depuis toujours animée notre École : celle de l’émancipation. Celle de l’égalité. Celle du mérite.

Oui, parfois, la fidélité ne réside pas dans le statu quo mais dans le changement. En changeant, nous restons fidèles aux missions de l’École de la République. Ces missions, vous les connaissez bien. Force est de constater qu’elles n’étaient plus remplies.

Quand la plupart des élèves ont de graves manques dans la maîtrise des fondamentaux, quand les déterminismes économiques et sociaux pèsent davantage sur la scolarité que le mérite et le travail d’un élève,  la mission de transmission des savoirs et des connaissances n’est plus accomplie.

Quand la laïcité et les valeurs républicaines n’ont plus droit de cité, quand la formation du citoyen est abandonnée, la mission de l’École de la République qui est aussi de permettre un apprentissage de la citoyenneté n’est plus accomplie.

Quand les personnels de l’Éducation Nationale et son budget sont réduits et considérés comme des variables d’ajustement budgétaire, c’est le lien qui unit la République à son Ecole et l’Ecole à la République qui se trouve rompu.

Voilà pourquoi il était urgent d’agir.

Voilà pourquoi il était essentiel d’entamer une refondation, et ne pas se contenter de quelques couches de peinture, en surface, pour mieux dissimuler les lézardes qui entamaient alors l’édifice scolaire dans son ensemble.

Voilà pourquoi la loi de Refondation de l’École, après une consultation de l’ensemble des acteurs de la communauté éducative, a été votée.

Mes prédécesseurs et moi-même l’avons mis en œuvre avec détermination, et avec une conviction : en agissant ainsi, nous donnions à l’École les moyens de rester ce qu’elle a toujours été, un lieu où sont formés des citoyens instruits, éduqués, cultivés, et autonomes.

Et dans cette perspective, il était essentiel de renouer, au cœur de l’École, avec un esprit de complémentarité et de complexité qui seul permet d’assurer sa mission.

Nos élèves ont à la fois besoin des compétences nécessaires à leur insertion professionnelle future – et nous savons à quel point c’est un enjeu essentiel pour les familles qui nous confient leur enfant – mais ils ont aussi besoin de connaissances, de savoirs et de culture qui contribuent à leur formation, non seulement en tant qu’élèves, mais en tant que personnes !

Car la mission de l’École ne se résume ni à l’instruction, ni à l’éducation, pour reprendre les termes d’un débat stérile, et malheureusement récurrent. L’École a besoin des deux.

Et pour une raison simple : c’est que ce qui se joue, entre ses murs, c’est le devenir d’un élève. Et ce devenir a des facettes multiples.

Le premier devenir, porte bien entendu sur le développement des savoirs et des connaissances nécessaires pour être à même de communiquer, d’échanger, d’agir. Ce sont ces savoirs, lire, écrire, compter, que l’on réunit sous l’appellation de fondamentaux. Ils sont les piliers sur lesquels s’édifient les autres devenirs.

Le second devenir, qui prolonge celui-ci, c’est un devenir citoyen, qui conduit l’élève depuis le cercle familial jusque dans une société républicaine, avec ses droits, ses devoirs et ses valeurs.

Le troisième devenir est celui lié aux arts, à la culture, à tout ce qui en l’être humain marque une prise d’autonomie progressive vis-à-vis de sa soumission à la seule nature.

Le quatrième devenir, non moins essentiel, est celui qui favorise l’arrachement aux déterminismes sociaux.

Tous ont en commun de former un être libre et autonome.

A partir du moment où l’on accepte l’Ecole comme lieu d’un « devenir », qu’il s’agit aussi bien d’engendrer que d’accompagner, il convient de s’efforcer de donner à l’ensemble de la scolarité une cohérence, une continuité.

Tel a été l’un des enjeux essentiels, par exemple, de la réforme des collèges, qui permet d’aborder les savoirs à la fois à travers les enseignements disciplinaires, et par des Enseignements pratiques interdisciplinaires.

Et c’est ce même souci de cohérence et d’ouverture qui a gouverné la priorité accordée au premier degré, et la définition, il était temps, d’un véritable programme pour les classes de maternelle !

Car c’est ainsi que nous agissons pour la réussite de tous nos élèves !

Alors je connais les réticences qu’accompagnent les déclarations comme « favoriser la réussite de tous les élèves ». On a tôt fait de nous opposer des arguments comme « tous les élèves ne peuvent pas faire de grandes écoles ».

Voilà pourquoi, pour être très claire, je pense qu’il vaudrait mieux parler des réussites.

En effet, il n’existe pas une seule façon de réussir. Par contre, et je pense que vous en conviendrez, chacune de ces réussites a une base commune, un socle sur lequel s’appuyer.

C’est la raison pour laquelle nous avons redéfini le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, en l’articulant avec le contenu des programmes, pour donner, à la scolarité, une véritable cohérence.

Et parce que je connais l’attachement que nous partageons à l’École de la République, je tiens notamment à attirer votre attention sur le fait que nous avons inscrit, dans ce socle, qui est l’engagement pris par la Nation à l’égard de ses élèves, la formation du citoyen.

Ne pas s’emparer de nos valeurs, c’est laisser la confusion s’installer et des déformations s’opérer.

Voilà pourquoi le socle commun qui entrera en vigueur à la rentrée 2016 met l’accent sur « la formation de la personne et du citoyen ».

La loi de refondation de l’École insistait sur cette dimension dès juillet 2013 en instaurant l’enseignement moral et civique, que j’ai mis en place, de l’École jusqu’au lycée, en cette rentrée 2015.

Il s’appuie sur la transmission de nos valeurs, sur un engagement concret à travers des projets collectifs, et sur la pratique du débat argumenté. Car nos élèves ont besoin de repères.

Nous leur en donnons, en offrant une réponse cohérente, claire et rigoureuse sur ce que sont nos valeurs.

Des documents à la fois pédagogiques et juridiques ont été élaborés, pour assurer à cette cohérence de s’établir sur des références communes et sur une assise stable : celle de la laïcité.

C’est un enjeu, nous le savons bien, qui a pris une importance particulière, et une résonnance très forte, à la suite des attentats qui ont, à deux reprises, endeuillé notre pays, au cours de l’année 2015.

Nous ne pouvons plus, comme cela a trop souvent été le cas dans le passé, considérer la citoyenneté de façon passive, comme un statut.

La citoyenneté véritable, vous le savez bien, s’exerce, jour après jour.

Et s’il est un lieu fréquenté, au quotidien, par toute la jeunesse de notre pays, un lieu de savoir et de connaissance, mais aussi un lieu de vie, un lieu de sociabilité, c’est bien l’École.

Le sens du parcours citoyen, comme, plus largement, celui de la grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République que j’ai lancée au lendemain des attentats de janvier 2015, est précisément de permettre aux élèves d’acquérir les connaissances théoriques et pratiques nécessaires à l’exercice de la citoyenneté.

Et puis, en évoquant cette question, je dois naturellement parler de la réserve citoyenne.

J’ai été particulièrement touchée par votre engagement en son sein. Je tiens ici à évoquer une intervention faite par l’un des vôtres, Georges Manceau, le 26 février 2016, devant les élèves du Lycée Duplessis-Mornay à Saumur.

En consultant le texte de son intervention, j’ai trouvé un propos d’une grande justesse. Et notamment cette phrase, je cite : « En France l’École est historiquement charnellement et spirituellement liée à la République. »

Parce que ce lien est fort, l’École se doit donc d’honorer aussi la devise qui orne son frontispice. Liberté, égalité et fraternité ne doivent pas rester lettres mortes. Ces mots nous engagent.

Avec la réforme de l’éducation prioritaire et les 350 millions d’euros supplémentaires que nous avons consacrés à ces établissements, avec le « plus de maîtres que de classes » et la scolarisation des moins de 3 ans que nous développons en particulier en éducation prioritaire, avec la réforme de l’allocation des moyens, nous contribuons à « faire des égaux » au lieu de se contenter d’en « parler ».

Beaucoup a été fait. Beaucoup reste à faire. Et pour cela, nous avons besoin de votre aide et de votre soutien.

L’un de nos objectifs repose directement sur vous. Il s’agit de l’ouverture de l’École.

L’École n’a pas vocation à rester isolée au cœur de la société.

Elle a vocation à s’ouvrir, sans jamais trahir sa spécificité et sa singularité, mais en s’inscrivant aussi dans une relation partenariale avec le monde qui l’entoure.

Car l’École n’est pas une abstraction. L’École n’est pas une idée. L’École, c’est avant tout un lieu, ancré dans un territoire. Et cette relation au territoire, au terrain, est au cœur du travail conduit par les DDEN.

Oui, nous avons besoin de vous pour continuer à avancer ensemble sur la réforme des rythmes scolaires. Car si je connais les difficultés qui ont pu être rencontrées, je sais aussi que cette réforme permet d’instaurer, entre les différents temps de la vie d’un élève, une complémentarité qui est absolument essentielle.

Cette réforme permet à la fois de mieux tenir compte des rythmes de l’élève, de favoriser ainsi ses apprentissages et en même temps d’éviter d’avoir, d’un côté, les enfants qui ont la chance, en sortant de l’école, d’avoir accès à des activités variées, et de l’autre, des enfants qui n’ont rien.

Car nous n’agirons jamais, sur cette question si sensible des inégalités, si nous ne menons pas une action cohérente, qui prenne en compte la continuité des temps scolaire, périscolaire et extrascolaire.

Votre mission d’incitation est, à cet égard, essentielle. Vous êtes à la fois en relation avec les maires, et avec les académies ; vous êtes de ceux qui favorisent, entre tous ces acteurs, une meilleure coordination.

D’ailleurs, votre mission elle-même va bien au-delà des murs de nos écoles.

Non seulement vous avez une mission de surveillance des bâtiments scolaires, mais vous tenez compte également de leurs alentours, depuis les transports, jusqu’aux bibliothèques, aux restaurants et à la caisse des écoles.

Oui, vous aidez à la fois l’école de la République à s’ancrer dans les territoires, et c’est un aspect vital, car c’est bien sur ces territoires, dans leur singularité, que se nouent la relation entre une vision d’ensemble, nationale, et en même temps le souci du local, sans laquelle rien ne peut s’accomplir.

Et parce que l’école est un lieu de vie, il est aussi très important que les communes vous consultent sur l’utilisation des locaux scolaires en dehors des heures scolaires. Car nous avons besoin que l’école soit aussi un lieu familier, accueillant, pour les élèves comme pour leurs familles.

Complémentarité. Cohérence. Unité. Vous voyez que nous sommes au cœur de vos fonctions.

C’est pour cette raison que je tenais à être avec vous aujourd’hui. Car par votre position, vous posez, sur nos écoles, un regard à la fois bienveillant et exigeant. Un ami n’est jamais là pour vous mentir. Il est là pour être franc. Et nous avons besoin de votre franchise. Nous avons besoin de votre regard.

Ainsi, je n’ignore pas que vous avez attiré mon attention sur différents sujets vous concernant. Vous avez notamment évoqué la question, je cite, de « la protection des collaborateurs bénévoles de l’Éducation nationale dans le cadre de leur mission officielle ». Je tiens à vous dire que j’ai alerté Catherine Moreau, de la Direction des Affaires Juridiques, sur ce sujet, et que j’ai insisté sur la nécessité d’y répondre dans les meilleurs délais.

Vous aurez également constaté que je partage largement votre vigilance sur la question de l’enseignement privé, ainsi que sur la nécessité d’assurer, au sein de notre pays, une vision claire et cohérente des enjeux de l’instruction et de l’éducation de nos enfants.

J’ai ainsi renforcé les contrôles et les inspections dans l’enseignement privé hors contrat, et désormais l’ouverture d’une école ne se fera plus sur le mode de la simple déclaration, mais donnera lieu, de la part du ministère, à une autorisation.

Enfin, un arrêté que vous attendiez depuis plusieurs mois, celui de l’agrément national au titre des associations éducatives complémentaires de l’enseignement public accordé votre association, a été publié au Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale du 3 mars 2016.

C’était, naturellement important. C’était surtout nécessaire, et pour tout dire, évident.

Car je n’oublie pas non plus le rôle essentiel de médiation que vous jouez sur le terrain. Et, bien souvent, vous intervenez aussi pour apaiser des tensions et des conflits.

Et vous le faites souvent en ramenant tout simplement l’ensemble des acteurs concernés vers un constat : c’est que nous avons, en France, une chance immense ; nous avons une École de la République dont nous pouvons être fiers.

Et, en retour, cette école peut, à juste titre, être fière d’avoir des amis tels que vous. Et soyez assurés que la ministre de l’Éducation Nationale l’est tout autant !

Je vous remercie.

Najat Vallaud-Belkacem
Ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la recherche

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