Révision des lois bioéthiques: les enjeux du débat.

Éditos Publié le 24 janvier 2010

Bonsoir à toutes et à tous, pour ceux d'entre vous qui suivent cela avec intérêt, je profite de l'actualité de la semaine (avec la remise du rapport de la mission parlementaire mercredi dernier) pour vous proposer un petit point d'étape du travail de préparation de la révision de la loi bioéthique du 6 août 2004 prévue au printemps prochain.

Je vous avais tenus informés il y a quelques mois de ma volonté, comme secrétaire nationale du PS en charge des questions de société, de m'emparer de ce champ essentiel de la réflexion. Avec Bertrand Monthubert (mon collègue en charge de l'Enseignement supérieur et de la Recherche), nous avions alors mis en place un groupe de travail « bioéthique » qui achève en ce moment la vingtaine d'auditions engagées en septembre, et rendra prochainement un rapport.

Outre la nécessité de répondre de façon pratique aux questions posées par les avancées des sciences du vivant, la bioéthique est le lieu privilégié du débat et du conflit des valeurs, avec pour le parti socialiste la possibilité de réaffirmer certains principes forts comme la laïcité, le respect de la dignité de la personne humaine, la responsabilité vis-à-vis des générations futures et même de donner un contenu rénové à des principes fondateurs, qu'il a parfois semblé abandonner à d'autres, comme la liberté individuelle, fortement invoquée dans les débats bioéthiques. Dans notre appréhension des débats, il est important de ne pas confondre principe éthique et ordre moral.

Bonsoir à toutes et à tous, pour ceux d’entre vous qui suivent cela avec intérêt, je profite de l’actualité de la semaine (avec la remise du rapport de la mission parlementaire mercredi dernier) pour vous proposer un petit point d’étape du travail de préparation de la révision de la loi bioéthique du 6 août 2004 prévue au printemps prochain.

Je vous avais tenus informés il y a quelques mois de ma volonté, comme secrétaire nationale du PS en charge des questions de société, de m’emparer de ce champ essentiel de la réflexion. Avec Bertrand Monthubert (mon collègue en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche), nous avions alors mis en place un groupe de travail « bioéthique » qui achève en ce moment la vingtaine d’auditions engagées en septembre, et rendra prochainement un rapport.

Outre la nécessité de répondre de façon pratique aux questions posées par les avancées des sciences du vivant, la bioéthique est le lieu privilégié du débat et du conflit des valeurs, avec pour le parti socialiste la possibilité de réaffirmer certains principes forts comme la laïcité, le respect de la dignité de la personne humaine, la responsabilité vis-à-vis des générations futures et même de donner un contenu rénové à des principes fondateurs, qu’il a parfois semblé abandonner à d’autres, comme la liberté individuelle, fortement invoquée dans les débats bioéthiques. Dans notre appréhension des débats, il est important de ne pas confondre principe éthique et ordre moral.

Il y a là pour le parti socialiste également l’occasion de montrer qu’il est en phase avec les évolutions de la société en particulier dans le domaine de la « parentalité » ou plutôt des « parentalités » car c’est bien de cela qu’il s’agit, et d’épouser, comme il l’a fait en son temps avec les mouvements féministes, les revendications émancipatrices et progressistes aujourd’hui portées tout à la fois par les associations de familles recomposées et par les mouvements homosexuels.

Enfin, ce débat peut nous permettre de clarifier notre position au regard du progrès, fidèle en cela à un héritage quelque peu bousculé par la multiplication de scandales médiatisés et d’apporter la démonstration de notre capacité à être moralement à la hauteur des progrès des sciences et des techniques. Il nous appartient de considérer avant toute chose qu’il n’est de progrès qu’humain.

Si ce n’est les contestables Etats généraux organisés en 2009 par le gouvernement, on ne peut pas dire que les informations sur ces sujets complexes se bousculent aux portes des citoyens que nous sommes. Laissez moi donc commencer par réparer cette lacune en exposant déjà les principaux points que cette révision législative mettra en débat dans les mois à venir:

Assistance médicale à la procréation : l’assistance médicale à la procréation est devenue pour les couples infertiles le moyen d’échapper à la fatalité et d’avoir un enfant. Depuis la naissance d’Amandine (1er bébé éprouvette), 10 000 enfants naissent chaque année d’une fécondation in vitro en France. C’est dire si la PMA est aujourd’hui une pratique commune. Les questions aujourd’hui soumises au débat résultent des progrès accomplis en matière biomédicale, mais aussi de l’évolution des modèles familiaux : familles mono-parentales, co-parentalité, ménages sans famille, réseaux familiaux…

Il s’agit en particulier de se prononcer sur les conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation : conditions d’âge (faut-il autoriser la grossesse de femmes ménopausées ?), conditions tenant à la situation des personnes (ancienneté et stabilité du couple, insémination post mortem), conditions de sexe. Ce dernier sujet est particulièrement important puisqu’il s’agit de savoir si la PMA doit être ouverte aux couples de même sexe et du même coup si le recours à la PMA doit rester un acte strictement médical ou peut être considéré comme une méthode de procréation. Du même coup, la PMA interroge les pratiques sociales et les modèles de parentalité (parent célibataire, couple homosexuel) et pose la question de l’intérêt de l’enfant, autant de sujets faisant désormais l’objet d’une littérature abondante et de qualité permettant de prendre objectivement position.

La procréation médicalement assistée pose également la problématique des dons de gamètes aujourd’hui régis par le triptyque, gratuité, anonymat, consentement. Les situations peuvent être multiples selon qu’il s’agit d’un don de sperme, d’ovocytes ou même d’embryon. Le don d’ovocytes mérite une attention particulière puisqu’il y a pénurie de donneuses parce que ce don est particulièrement contraignant dans sa mise en œuvre. Cet état de fait pose la question de l’indemnisation des dons d’ovocytes (comme en Espagne par exemple) et avec elle celle de la frontière entre indemnisation et marchandisation.

La question de l’anonymat des donneurs occupe une place importante dans le débat. D’abord parce que la levée de l’anonymat pourrait inciter au don de gamètes, ensuite parce que l’accès aux origines est une revendication forte des enfants nés d’une PMA avec tiers donneurs. La tendance européenne est à la levée de l’anonymat dans l’intérêt de l’enfant, avec des systèmes de double guichet. La levée de l’anonymat interroge en outre nos modèles de filiation puisque plusieurs personnes peuvent se trouver partie prenante d’une PMA. Ce constat amène la question de savoir s’il faut autoriser le double don de gamètes.

La gestation pour autrui mérite une attention particulière parce qu’elle interroge la dignité humaine (la GPA est elle porteuse d’indignité humaine ? Pour qui ?) et présente des risques de marchandisation. En même temps, la gestation pour autrui peut être un acte authentiquement altruiste. La question divise. Enfin, la GPA étant autorisée à l’étranger, la problématique du tourisme procréatif est ici soulevée, le débat bioéthique gagnant dès lors d’une dimension supra-nationale.

La médecine prédictive : derrière cet espoir de pouvoir prédire, prévenir et traiter des maladies auxquels nos gènes nous prédisposeraient émergent nombre d’interrogations éthiques et de craintes. La première des questions soulevées concerne l’accès et l’exploitation de l’information génétique en particulier avec l’acquisition de plus en plus aisée sur internet et sans contrôle de divers tests génétiques allant de simples tests de paternité à l’examen des prédispositions à certaines maladies génétiques ou à composante génétique comme le diabète, l’obésité ou certains cancers. Ce qui est en cause c’est le caractère douteux de l’utilité clinique de ces auto-tests autant que la confidentialité ou l’usage abusif et attentatoire aux libertés individuelles qui pourrait être fait de ces données génétiques.

La médecine prédictive a pour corollaire la pratique du diagnostic préimplantatoire, qui comme le diagnostic prénatal, offre désormais la possibilité de connaître les caractéristiques génétiques d’un enfant non encore né. Il permet de diagnostiquer une anomalie génétique ou chromosomique suspectée. Le DPI correspond à une médecine d’évitement qui ne traite pas la maladie mais permet dans le choix de l’embryon implanté de s’assurer que l’enfant à naître ne développera pas la pathologie. Cette pratique pose la question de ses modalités (systématique en cas de FIV ou seulement sur la base d’un faisceau d’indices de risques ?) et des maladies recherchées selon leur degré de gravité et d’irréversibilité. La question est également posée d’une mise en balance entre DPI et DPN (diagnostic prénatal) pouvant déboucher sur une interruption médicale de grossesse concernant notamment le diagnostic de la trisomie 21. Les principales craintes portent sur le développement d’un eugénisme libéral dont serait porteuse cette sélection des embryons. Quelles limites fixer à la recherche d’un enfant en bonne santé?

Ressurgit par ailleurs à la faveur de ce débat la question du statut de l’embryon et la dénonciation de sa réification. L’argument de la chosification de l’embryon trouve un terrain fertile lorsque se trouve évoqué le cas particulier des « bébés médicaments ».

Au delà, la question de l’accès à l’information génétique présente le risque d’un dévoiement des techniques biomédicales au profit de la recherche de « l’enfant parfait ». S’il est déjà possible dans certains pays de choisir le sexe de son enfant, l’ingénierie génétique de l’homme reste encore largement une hypothèse d’école qui n’interdit cependant pas la réflexion sur les perspectives d’une médecine performative.

La recherche sur les cellules souches et sur l’embryon est aujourd’hui interdite, mais peut cependant depuis 2004 faire l’objet de dérogations attribuées par l’agence de biomédecine. La recherche sur les embryons, porteuse d’immenses espoirs, soulève plusieurs questions relatives en particulier à l’usage des embryons surnuméraires et à la question du clonage d’embryons. En outre, la révision de la loi bioéthique pose la question d’un élargissement ou non des deux conditions strictes encadrant aujourd’hui les recherches : qu’elles soient susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et qu’elles ne puissent être poursuivies par une autre méthode d’efficacité comparable en l’état des connaissances scientifiques. Enfin, il convient de trancher entre le maintien d’une interdiction de principe ou l’autorisation explicite de la recherche sur l’embryon.

La question de l’euthanasie n’est pas à proprement parler à l’ordre du jour de la révision de la loi bioéthique, le groupe de travail du Secrétariat national a cependant souhaité l’ajouter à son programme de travail. L’euthanasie et le suicide médicalement assisté posent des questions éthiques fortes, interroge les principes de consentement, de liberté, de dignité mais aussi de solidarité. L’euthanasie pose une question de responsabilité sociale vis-à-vis de ceux qui demandent cette ultime assistance. Avec elle, est en outre à nouveau posée la question des droits des malades, de l’accès aux soins palliatifs et de l’application de la loi Léonetti.

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6 commentaires sur Révision des lois bioéthiques: les enjeux du débat.

  1. Franck 59

    Concernant la recherche sur les cellules souches embryonnaires, on sait depuis 2007/2008 que les cellules somatiques reprogrammées dites iPS (découverte de l’équipe Yamanaka) ont également la capacité de pluripotence exactement comme les cellules souches de l’embryon (ES). Ces cellules iPS ont en outre un avantage important par rapport aux ES sur le plan immunologique car elles sont issues du patient et donc pas de risque de rejet.
    Donc pourquoi autoriser la recherche sur l’embryon avec les risques de détournement que cela comprend quand on connait une véritable alternative qui semble plus performante ? Certains pays on décidé d’investir dans les iPS. Ne faut-il pas encourager cette recherche et sortir du problème éthique sur l’embryon ?

  2. Arnaud

    Ces sujets sont vraiment passionnants, ils soulignent la relativité d’un certain nombre d’arguments. A lire bien des blogs, je crois entendre aujourd’hui pour s’opposer au diagnostic pré-implantatoire par exemple(qu’il faut évidemment encadrer pour éviter toute dérive) les mêmes arguments que ceux des opposants à l’IVG dans les années 1970… attention, ces débats sont aussi l’occasion d’affrontements plus violents qu’il n’y parait entre progressistes et conservateurs. N’oublions pas comme vous le dites si bien ” qu’il n’est de progrès qu’humain”, c’est à dire que toutes ces techniques doivent être mises au service de plus de bien être et de justice pour tous. Derrière la question de la procréation assistée, il y a des hommes et des femmes qui souffrent et que la médecine peut aider. toutes ces réflexions ne doivent pas être désincarnées. J’ai hâte de connaitre la position du PS sur tous ces sujets. A suivre donc…

  3. steph33

    ca fait plaisir de voir un tel travail; j’ai tres peur de la facon dont ces sujets vont etre gerés dans les mois qui viennent, entre de medias qui ne sont interessés que par le sensationnel et des politiques qui ne savent qu aller dans le sens du vent ou diviser pour mieux regner. Najat j’espere vraiment entendre votre voix calme et intelligente à ce moment là.

  4. Gérard Eloi

    Tu as fait (avec Hubert), un travail très intéressant et très complet, Najat.

    En pensant on dirait à tout dans un domaine pourtant si vaste.

    Tu rappelles qu’il n’y a de progrès qu’humain, l’évolution des modèles familiaux, l’intérêt de l’enfant,…

    Fondamental aussi d’aborder le thème de l’anonymat et de l’éventuel double don de gamètes.

    Ton texte est très bien construit : tu as gardé pour la fin l’importance de la recherche ( en “encadrant” parfaitement la recherche embryonnaire) et ce douloureux problème de l’euthanasie.

    Résultats de la recherche, accompagnement de fin de vie : nous sommes tous concernés. Donc, même si ce thème de la bioéthique est très complexe, à la fois médical et philosophique, très technique,…,il intéresse tout le monde.

    Bravo et merci pour un travail de cette qualité, chère Najat

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