Interview aux Echos : «Nous visons 80.000 à 100.000 places de crèches supplémentaires»

Droits des femmes Publié le 27 avril 2013

Dans une interview accordée aux « Echos », la ministre des Droits des femmes, porte-parole du gouvernement annonce que la réforme du congé parental permettra de dégager des moyens pour les crèches. Sur la question l’égalité professionnelle, Najat Vallaud-Belkacem demande aux partenaires sociaux qui sont en négociation de ne pas manquer à l’appel.

Najat Vallaud-Belkacem lors de la remise du rapport Stéréotypes par Brigitte Grésy, le 28 mars 2013  - Photo © Razak

La journée mondiale de l’égalité salariale s’est tenue ce jeudi. Où en est la France ?

Les femmes gagnent en moyenne 27 % de moins que les hommes. La moitié de cet écart s’explique par le poids des temps partiels, une autre partie par les métiers exercés. Mais le poids des discriminations pures reste important : à poste égal, elles gagnent encore 9% de moins. Il faut s’attaquer à ces inégalités les plus choquantes mais aussi mener un travail de fond sur la féminisation des professions et la valorisation des métiers.

Allez-vous renforcer les sanctions contre les entreprises ?

L’égalité des rémunérations était jusqu’à présent le seul domaine dans lequel les lois étaient très contraignantes mais où on tolérait qu’elles ne soient jamais appliquées. Nous avons fait tomber cette digue. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de sanctionner pour le plaisir de sanctionner. Mais le respect du Code du travail n’est pas une option. Nous avons prononcé 135 mises en demeure en renforçant et systématisant les contrôles. Les premières sanctions tombent : deux grosses PME viennent d’être condamnées à des amendes, de 8.500 euros pour l’une et de 5.000 euros par mois pour l’autre tant qu’elle n’aura pas de plan d’action concret pour réduire les écarts salariaux.
Nous avons mis en place de nombreux outils pour aider les entreprises – via le site www.ega-pro.fr notamment – et notre but n’est pas de les punir mais de les accompagner. La sanction n’est qu’un dernier recours.

Comment développer l’accès des femmes aux postes à responsabilités ?

La loi de janvier 2011 qui impose des quota de femmes dans les conseils d’administration est un succès. Mais elle laisse de côté trop d’entreprises. Pourquoi pas exemple ne pas abaisser le seuil (NDLR : 500 salariés) à partir duquel elle s’impose ? Par ailleurs, l’absence des femmes persiste dans les comités exécutifs et de direction, qui sont les vrais lieux de pouvoir. Les entreprises du CAC 40 n’y comptent que 8% de femmes. Je mise sur la sensibilisation et la transparence. Nous publierons chaque année un classement des entreprises du SBF 120 selon le degré de féminisation de leurs instances de direction.

La négociation sur la qualité de vie au travail inclut un volet égalité. Êtes-vous satisfaite des pistes à l’étude ?

Je suis vigilante sur le déroulement de cette négociation. C’est la première négociation sur l’égalité depuis neuf ans et les partenaires sociaux sont très attendus. Ils ne doivent pas manquer à l’appel de l’égalité. Nous ne nous satisferons de toute façon pas d’un accord de façade. S’ils ne prennent pas leurs responsabilités, nous le ferons dans la loi cadre sur les droits des femmes. Pourqoui par exemple ne pas prévoir que la réduction des écarts salariaux soit systématiquement abordée dans les négociations annuelles obligatoires sur les salaires ? Je souhaite aussi que les marchés publics soient réservés aux entreprises respectant les obligations légales sur l’égalité professionnelle. Le Canada a adopté cette politique avec succès.

Quid de la réforme du congé parental ?

La réforme, qui a fait l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux et les associations familiales, comprendra plusieurs volets, visant à associer davantage les pères et à éviter que les mères décrochent du marché du travail. La durée maximale du congé restera de trois ans, mais une partie, sans doute six mois, devra être prise par le deuxième parent. Pour le premier enfant, la durée maximale, aujourd’hui de six mois, pourra être doublée : il y aura six mois supplémentaires proposés au deuxième parent pour favoriser le partage. C’est une réforme équilibrée.

Quel sera l’impact de cette réforme ?

La montée en charge devrait être progressive. Sans doute tous les pères n’utiliseront pas cette possibilité du jour au lendemain. Mais je sais qu’ils ont besoin d’un déclic et d’une incitation forte. L’Allemagne a réalisé une réforme similaire en 2007 et les résultats sont là : 21% des congés sont pris aujourd’hui par des hommes, contre 4% auparavant _ ils ne sont que 3% à prendre leur congé parental dans notre pays. Par souci de cohérence et pour répondre aux besoins des familles, les marges de manœuvre financières laissées par cette montée en charge progressive serviront à construire des places de crèche supplémentaires.

Quel est votre objectif ?

Compte tenu de ces moyens, je pense qu’un objectif de 80.000 à 100.000 places sur le quinquennat serait à la fois ambitieux et réaliste. Je partage le souhait de Dominique Bertinotti d’une augmentation significative du budget en la matière. C’est beaucoup plus que ce qu’a fait le gouvernement précédent. Il faut y ajouter l’effort fait pour recréer des places de maternelles pour les deux-trois ans, quand le gouvernement précédent en avait supprimé 13.000 par an.

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Entretien réalisé par Derek Perrotte et Etienne Lefebvre | Les Echos. Et publié le 26 avril 2013.

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2 commentaires sur Interview aux Echos : «Nous visons 80.000 à 100.000 places de crèches supplémentaires»

  1. Lucie

    Mais comment pouvez-vous penser que c’est aider les femmes dans leur carrière que de leur supprimer une part du congé parental ! Je suis actuellement enceinte de jumeaux qui devraient naitrent en septembre. En prenant un congé parental de 3 ans, j’aurai pu les éduquer jusqu’à leur entrée à la maternelle, mais votre future loi posera d’énormes difficultés dans notre famille, puisqu’il faudra trouver une solution pour 6 mois et ce n’est pas les places de crèches supplémentaires mais toujours insuffisantes qui règleront le problème, vous le savez bien. La solution que vous préconisez est donc que le père prenne son rôle durant ces 6 mois, mais palgré une meilleure indemnisation je doute fort que cela compense le manque à gagner car comme dans bien des couples, son salaire est plus important que le mien. De plus, comme il sera l’un des premiers pères à prendre ce congé, soyez assurée qu’il pourra s’assoir sur ses augmentations annuelles des 5 années à venir ! Comme cela nous serons 2 à avoir été lésés dans notre carrière.
    Et je ne parle même pas des problèmes domestiques que cela engendrera pendant son congé parental, car s’occuper des enfants d’accord, mais faire les tâches ménagères en plus, ça risque d’être dur pour la plupart des hommes. Donc la mère devra travailler toute la journée, faire une partie du ménage en rentrant et s’occuper de ses enfants en prime ! Vive l’égalité homme / femme !

  2. nathan

    je pense qu’il faut traquer les entreprises qui ne respectent pas l’égalité de salaires entre hommes et femmes….de plus , les temps partiel doivent disparaitre pour lutter contre la pauvreté des femmes….

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