Intervention aux membres du futur comité stratégique du CNRD

Éducation nationale Publié le 30 mai 2016

Retrouvez ici le texte de l’intervention de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, aux membres du futur comité stratégique du Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD), réunis au ministre de l’Éducation nationale, ce lundi 30 mai 2016.

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Mesdames et messieurs, en vos titres, grades et qualités,
Mesdames et messieurs,

Ne pas oublier. Telle est l’injonction que nous adressent, par-delà les années, et par-delà les siècles, les femmes et les hommes qui nous ont précédés.

Ne pas oublier, c’est défendre la valeur du passé contre un présent qui tend parfois – par sa seule omniprésence justement – à tout emporter.

Ne pas oublier, tel est l’un des enjeux du Concours National de la Résistance et de la Déportation, qui nous rassemble aujourd’hui.

Certains prétendent que la mémoire n’est pas un travail, tout au plus un devoir. Certains pensent qu’il suffit de ne rien faire, pour entretenir le souvenir des souffrances, des sacrifices, et des héroïsmes passés.

Nous ne sommes pas de ceux-là. Si Marcel Proust a écrit les plus belles pages de la littérature sur la mémoire involontaire, je tiens à vous dire que ce que nous défendons ici, ensemble, c’est bien une mémoire volontaire !

Une mémoire volontaire, c’est-à-dire une mémoire qui s’appuie sur la transmission, le témoignage, et le savoir. Une mémoire qui est non seulement un travail vis-à-vis de celles et ceux qui nous ont précédés, mais une ressource pour relever ensemble les défis de demain.

J’étais hier à la cérémonie du centenaire de Verdun. Cent ans – déjà. C’est si loin. Et en même temps, tout, le cadre, l’ossuaire, la cérémonie en elle-même, tendait à faire résonner le passé, à lui rendre cette présence que le temps  lui avait arrachée.

La mémoire n’est pas un fardeau. Le passé n’est pas un poids.

Se souvenir, commémorer, ne nous entrave pas. Nous ne regardons pas en arrière, dans une nostalgie passéiste.

Lorsque quelqu’un recule pour franchir un obstacle, cela nous semble naturel. Ce recul ne le freine pas : il est au contraire la condition de sa réussite. C’est par l’élan qu’il a pris qu’ensuite il parvient à franchir un obstacle.

Je crois que le passé est notre élan à nous, à la fois individuellement, et en tant que citoyennes et citoyens de la République Française.

Le passé de notre République, son étude, sa commémoration, ne s’opposent pas à l’avenir.

Ce passé est l’élan nécessaire qui doit nous donner, à chacune et à chacun d’entre nous, dans l’exercice de nos fonctions et notre vie de tous les jours, la vigueur et la conviction pour que notre engagement soit un engagement véritable.

Et dans ce passé, nous connaissons l’importance de ces événements qui marquèrent le siècle tout entier, et qui ont vu, au cœur de la seconde guerre mondiale, l’inhumanité la plus abjecte, côtoyer l’humanisme le plus noble.

Le 27 mai  avait eu lieu la 3ème Journée nationale de la Résistance.

La date, vous le savez, a été choisie en référence à la première réunion du CNR. Et la Résistance, son combat, et ses valeurs, résonnent fortement dans la situation où nous sommes.

Oui, à l’heure où domine le chacun pour soi et la tentation du repli, il est important d’entendre résonner un poème comme celui d’ARAGON, où « celui qui croyait au ciel » et « celui qui n’y croyait pas », partageaient un même attachement pour la France, et pour la République.

C’est pour cette raison que mon ministère est attaché aux dates commémoratives liées à la 2nde guerre mondiale : celle du 27 janvier, journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité ; le dernier dimanche du mois d’avril, journée du souvenir des victimes de la Déportation ; le 8 mai, commémoration de la victoire de 1945 ; et le 18 juin ; jour où se fit entendre l’appel à la résistance du général de Gaulle.

Ces dates  sont un appel à la mémoire de tout un pays. Elles sont un appel à la réflexion.

Dans cette perspective, le Concours National de la Résistance et de la Déportation est essentiel. Il unit étroitement la mémoire et le savoir, la connaissance et la compréhension, la raison et l’émotion.

C’est bien la raison pour laquelle, à l’occasion du 70ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le Président de la République avait pris l’engagement de lui redonner un souffle nouveau.

Ce Concours est un des plus anciens de l’école, le second après le Concours Général, et l’un des plus fédérateurs, organisés par le ministère.

Et parce que le temps, mais aussi les époques évoluent, il était essentiel de repenser ce concours, de le refonder, pour qu’en évoluant, en changeant, il reste fidèle à sa mission première et à ses objectifs.

Changer, dans ce cas, était le seul et unique moyen de s’inscrire dans un héritage qui est, pour moi, comme pour chacune et chacun d’entre nous, une véritable exigence.

Nous ne pouvions pas rester insensibles devant l’érosion de la participation à ce concours.

Nous avions aussi besoin de maintenir, entre ce concours et les évolutions du système éducatif, le lien précieux qui avait toujours existé.

Et les attentats  de l’année passée nous ont rappelé, brutalement, s’il en était besoin, l’importance de l’enjeu qui nous réunit aujourd’hui.

70 ans après la fin de la 2nde guerre mondiale, les totalitarismes n’ont pas disparu ; d’autres génocides ont eu lieu dans le monde et, en France, les actes racistes, antisémites, et xénophobes, se sont récemment multipliés.

Les complotistes et les négationnistes profitent largement des nouvelles technologies, accessibles à tous aujourd’hui pour diffuser largement leurs théories, notamment à destination des plus jeunes.

Les extrémistes ont relevé la tête, tandis qu’on entend, çà et là, que ce qui s’est passé sous l’Occupation doit être considéré comme de l’Histoire ancienne.

De l’Histoire ancienne ? Quand, par internet, le protocole des Sages de Sion connaît malheureusement, une seconde jeunesse ?

De l’Histoire ancienne, quand se multiplient des discours négationnistes qui prétendent qu’Auschwitz était une simple prison ?

De l’Histoire ancienne, quand les propos haineux se déversent derrière le lâche anonymat d’un pseudo sur un forum ?

Dans le contexte qui est le nôtre, le passé est malheureusement d’actualité. Et d’ailleurs, le CNRD n’est pas seulement un concours d’histoire : c’est, plus largement, un outil d’éducation à la citoyenneté.

Le thème de cette année, « Résister par l’art et par la littérature », comme celui de l’an prochain, « La négation de l’Homme dans l’univers concentrationnaire nazi », montrent une exigence sans cesse renouvelée : faire apprendre l’histoire  en multipliant les approches et les sujets,  mais surtout éveiller les consciences pour former des citoyens éclairés.

Oui, c’est bien de citoyenneté dont nous avons besoin.

Dès son origine, à la fin des années 50, dans l’esprit des dirigeants de la Confédération nationale des combattants volontaires de la Résistance (CNCVR), le CNRD n’avait pas pour objectif de récompenser les meilleurs élèves en histoire !

Il devait encourager la réflexion des jeunes autour des questions civiques et patriotiques, en se basant sur les valeurs de la Résistance.

Des valeurs intemporelles qui puisent leurs racines dans les fondements mêmes de la République, et que résume parfaitement sa devise : liberté, égalité, fraternité !

Dans une Ecole que j’ai voulu mobilisée pour les valeurs de la République, dans une Ecole qui inscrit clairement, dans ses missions, la formation du citoyen, le Concours National de la Résistance et de la Déportation a naturellement toute sa place.

Tel est le sens de cette réunion de préfiguration du comité stratégique du concours national de la Résistance et de la Déportation.

Pouvoir continuer à porter les valeurs et les enjeux qui sont ceux de ce Concours depuis toujours, dans un monde qui en a un besoin d’autant plus urgent, qu’il tend malheureusement à sombrer dans une amnésie mortifère.

Car l’oubli n’est pas seulement l’abolition du passé et de notre Histoire : c’est, d’une certaine façon, la condamnation du présent, et l’avenir prend alors des airs de déjà-vu.

Voilà pourquoi, je tiens à le redire et à le répéter : ne pas oublier, telle est l’injonction que nous devons faire résonner avec une force nouvelle, aujourd’hui.

Et si  le contexte où nous sommes est pesant, douloureux, il ne doit jamais nous faire oublier une chose: nous ne sommes jamais sortis des crises que notre pays a rencontré par la compromission et la remise en cause de nos valeurs : mais toujours par davantage de valeurs.

A la barbarie nazie, et à sa négation de l’humanité même, nous avons répondu par davantage d’humanisme ! Par un humanisme de combat ! Par un humanisme qui est une exigence renouvelée au quotidien, un engagement permanent !

C’est lui qui anime toutes celles et tous ceux qui, jour après jour, année après année, vont témoigner dans les salles de classe et de nos écoles.

C’est lui qui se transmet auprès des jeunes générations, et qui les marque profondément !

Voilà l’héritage que nous transmettent celles et ceux qui ont connu la seconde guerre mondiale : et c’est un héritage qui est bien trop précieux pour que nous n’ayons pas, à son égard, une attention constante.

En faisant évoluer le concours, c’est bien cet héritage que nous préservons.

Nous le faisons :

  • en réformant son mode de gouvernance,
  • en renforçant son pilotage sur les territoires académiques,
  • en lui donnant une plus grande visibilité – et c’est le sens de l’entrée dans le comité stratégique du groupe France Télévisions -,
  • en impliquant un plus grand nombre d’établissements
  • en l’inscrivant dans le Parcours citoyen de l’élève
  • et par bien d’autres changements qui permettront au CNRD de continuer à nous grandir collectivement et à grandir notre République,

Et nous pouvons être sûrs que les générations présentes et futures nous en sauront gré.

Car ils auront pour eux – comme avant eux, leurs aînés – une chance formidable. Celle d’apprendre, de savoir, et de s’émanciper pour, à leur tour, devenir des citoyens libres et éclairés.

Je vous remercie.

 

Najat Vallaud-Belkacem
Ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la recherche

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2 commentaires sur Intervention aux membres du futur comité stratégique du CNRD

  1. LE MENN

    Convaincu des valeurs de la citoyenneté au sein des enseignants et de l’ecole de la république je suis avec les membres de mon association Club d’Histoire de Croix partenaire bénévole de la Reserve Citoyenne de l’education Nationale et travaille actuellement avec les écoles primaires de ma commune de naissance CROIX ainsi qu’avec les professeurs du collége Boris VIAN de CROIX sur le centenaire de la grande guerre et la resistance lors du second conflit (panneaux d’exposition thématiques ,documents, objets d’epoque,etc ) Vous n’etes pas sans le savoir que nous participons a l’aide et a la comprehension des thèmes présentés pour le concours national de la resistance en tant que petit fils d’un poilu et fils de resistants (mère institutrice qui sauva des jeunes filles juives et père policier qui aida grace a son uniforme à déjouer les rafles de l’epoque )

  2. LE MENN

    Discours emplit de valeurs républicaines qui devrait etre compris par ceux qui se réclament etre républicains et ceux qui se réclament etre “patriotes”
    Bravo madame la ministre pour toutes vos actions qui je l’espère permettront a l’education Nationale (instruction publique serait de bon aloi) (l’education est le role des parents et non de l’ecole!!) de reprendre ses lettres de notoriétés tant de fois dénigrées et démolies par des partis politiques qui ont étés aux rennes du gouvernement Français

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