Éducation Prioritaire : Question au Gouvernement et réponse de Najat Vallaud-Belkacem


Ce mercredi 8 octobre 2014, le député Joël Giraud a posé une question au gouvernement sur la réforme de l’Éducation Prioritaire à laquelle Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a répondu en séance.

Retrouvez ici la question et la réponse de la ministre :

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Madame la ministre de l’éducation nationale, vous avez annoncé il y a quelques jours les principes de la refonte de l’éducation prioritaire. Elle est indispensable car la France est la championne au sein de l’OCDE des inégalités scolaires. Pour les malheureux perdants, la nouvelle d’une sortie risque de susciter une très grande amertume chez les parents d’élèves et les enseignants concernés par cette « disqualification » surtout si elle leur paraît injustifiée.

Le ministère s’est basé sur un indice social obtenu en croisant quatre critères sociaux réputés transparents et scientifiques qui peuvent, comme tous les critères statistiques, faire l’objet de critiques d’ordre méthodologique.

Maire d’une commune classée en ZEP où 80 % des emplois privés sont saisonniers, j’apprends que je croule sous les CSP + – catégories socio-professionnelles favorisées – car être moniteur de kayak deux mois d’été et de ski quatre mois d’hiver vous classe dans une catégorie supérieure, même avec six mois de chômage.

Le pourcentage d’élèves en retard à l’entrée en sixième suscite également des interrogations. C’est justement parce que ces écoles bénéficient de moyens supplémentaires que l’on fait moins redoubler les élèves, notamment dans les ZEP rurales.

Enfin, le taux de boursiers est à prendre avec beaucoup de précautions, le chiffre peut grandement varier d’une année sur l’autre quand, par exemple, la commune compte de nombreux logements sociaux avec des déménagements fréquents ou d’un établissement à l’autre, les ZEP rurales n’ayant que rarement une assistante sociale à plein-temps pour remplir les dossiers.

Je suis conscient de la priorité qui a été accordée au budget de l’éducation nationale, priorité réaffirmée en 2015 malgré un contexte difficile.

Je suis également conscient que l’augmentation du nombre de postes d’enseignants a permis depuis 2012 d’enrayer la spirale de la fermeture des classes ou des écoles rurales.

Pouvez-vous, madame la ministre, préciser les critères qui se retrouvent au cœur de cette réforme car les élus sont soucieux de leurs effets, notamment au sein des territoires ruraux.

Quelles concertations seront menées dans les territoires avec la communauté éducative, les élus, les parents pour redéfinir la carte de l’éducation prioritaire ? Quels moyens subsisteront pour les établissements qui sortiront du système ? Quelle place sera celle de la ruralité et de la montagne dans la réforme plus globale de l’allocation des moyens ? Enfin, peut-on généraliser, dans ces territoires, les conventions pour l’aménagement du territoire scolaire à l’image de ce qui a été expérimenté l’an dernier dans le Cantal ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député Joël Giraud, oui nous réformons l’éducation prioritaire, en particulier parce que ses résultats mitigés ces dernières années nous conduisent à repenser les moyens de la faire réussir, tout simplement, notamment en revalorisant véritablement, comme nous le faisons depuis 2012, le travail des enseignants sur place, et en accompagnant les élèves, les enfants, dès leur plus jeune âge, y compris avant leurs trois ans.

Mais nous la réformons aussi car il s’agit de s’adapter à une réalité sociale. Aujourd’hui, la carte de l’éducation prioritaire est assez déconnectée de la réalité des difficultés sociales. Pour la réactualiser, nous nous appuyons sur un indice social, que vous avez rappelé et qui a vocation à mesurer la difficulté sociale, notamment grâce à la proportion de catégories socio-professionnelles défavorisées et au taux de boursiers. Cet indice présente l’avantage d’être objectif et transparent. Il s’est malheureusement avéré que les difficultés sociales ainsi mesurées sont souvent corrélées à un échec scolaire important, ce qui explique que nous réformions l’éducation prioritaire.

Nous faisons également en sorte de prendre en compte la réalité du terrain. J’ai demandé au rectorat d’ouvrir la concertation avec les élus locaux – vous êtes concerné – pour ajuster cette nouvelle carte au plus près de la réalité.

C’est vrai, des établissements sortiront de ce cadre, d’autres y entreront. C’est le principe d’une réforme mais je veillerai à ce que rien ne se fasse brutalement, y compris en prévoyant dans les établissements sortants que les enseignants puissent continuer à bénéficier des indemnités liées au dispositif de l’éducation prioritaire, pendant les trois prochaines années.

Surtout, je conduirai une autre réforme que celle de l’éducation prioritaire, celle, plus générale, de l’allocation des moyens par académie pour correspondre à la réalité du profil sociologique de chaque établissement, dans chaque territoire, y compris en zone rurale.

La jurisprudence Cantal, que vous venez d’évoquer, vous est ouverte.

Éducation nationale Publié le 8 octobre 2014

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