Lutte contre la pédophilie : un dispositif efficace pour mieux protéger les enfants – Discours à l’Assemblée nationale


Avec la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur, Najat Vallaud-Belkacem, a présenté à l’Assemblée un dispositif efficace pour protéger les enfants contre les prédateurs sexuels et pour mettre fin aux dysfonctionnements observés notamment à #Villefontaine (Isère). Retrouvez ici le discours prononcé par la ministre ce 17 juillet 2015.


Discours de la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Najat Vallaud-Belkacem
Projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne
Discussion générale, lecture post Commission Mixte Paritaire
Assemblée nationale, le 17 juillet 2015.

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Monsieur le rapporteur de la Commission des Lois,
Mesdames et messieurs les députés,

Le 24 juin dernier la Garde des Sceaux et moi-même sommes venues vous présenter, à l’occasion de ce projet de loi DDADUE Pénal, un dispositif complet organisant un cadre pour la transmission d’informations entre l’autorité judiciaire et les administrations concernant les personnes habituellement en contact avec les mineurs.

Notre objectif était simple : mettre fin à des décennies de pratiques incertaines dans la transmission d’informations entre la Justice et le Ministère de l’éducation nationale sur des affaires graves, notamment des violences de nature sexuelle impliquant des professionnels travaillant avec des enfants.

Oui, le drame de Villefontaine a rappelé à tous la réalité de la présence de prédateurs sexuels dans les métiers mettant en contact régulier des professionnels avec des mineurs.
Et il nous a rappelé à nous ministres, la nécessité absolue de disposer d’un cadre juridique précis : un cadre qui puisse sécuriser les magistrats chargés des transmissions y compris au stade des poursuites ; un cadre qui soit aussi la base sur laquelle construire demain de nouvelles relations de travail entre l’autorité judiciaire et les rectorats pour mieux protéger les enfants et faire en sorte que les évènements d’Orgères ou de Villefontaine ne puissent plus se reproduire.

Et bien sûr, même si c’est bien entendu ma préoccupation première, ce ne sont pas que les élèves que nous voulons protéger des prédateurs, ce sont tous les enfants accueillis ou pris en charge par des professionnels.

Pendant ce débat, et au moment de votre vote du 24 juin, vous nous avez fait part, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et messieurs les députés, de votre engagement à apporter des réponses nouvelles mais de votre prudence aussi en cette matière où il vous appartient en tant que législateur de trouver avec le soutien du gouvernement le bon équilibre entre notre devoir de protection des enfants et la nécessité de respecter la présomption d’innocence.

Vous aviez appelé à un dialogue et à des échanges. Ces échanges, nous les avons eus longuement pour entendre vos préoccupations, pour expliquer les points qui nous semblaient incontournables ou pour vous présenter les démarches que nous avions d’ores et déjà engagées avec nos services.

Ce dialogue était primordial. Ce texte n’a évidemment pas pour vocation de jeter l’opprobre sur une profession, ou de mettre en danger nos professionnels mais bien de protéger les enfants de prédateurs qui agissent à ce jour dans nos écoles, nos établissements, nos accueils collectifs.
Nous parlons ici d’une minorité, quelques centaines de personnes, mais il suffit d’un homme pour que l’innocence de 61 enfants soit volée par exemple à Villefontaine.

Nos discussions et le travail que nous avons engagés ensemble furent riches mais pas toujours faciles pour la simple raison que nous touchons ici à des sujets complexes où l’émotion aurait pu en d’autres temps l’emporter sur la raison.
Ensemble, nous sommes parvenus lors des discussions à un juste équilibre et je crois que le dispositif voté par votre commission et enrichi de l’amendement que vous proposera le Gouvernement permettra de mettre en place un dispositif véritablement opérationnel.
Vos propositions ont permis d’affirmer l’obligation de prévenir la personne mise en cause de la transmission d’informations à son employeur, d’établir le nécessaire secret professionnel qui doit présider aux transmissions d’informations de manière à ce que seuls les personnels compétents et habilités à prendre des mesures conservatoires ou à enclencher des mesures disciplinaires soient alertés.

Nous partageons, Monsieur le rapporteur, les mêmes préoccupations : ne pas réagir sous le coup de l’émotion mais mettre fin à des dysfonctionnements systémiques et à une absence de cadre générant de l’insécurité pour les magistrats.

Avec l’amendement du Gouvernement, nous vous proposons de maintenir la possibilité d’information au stade de la mise en examen avec les précautions souhaitées dans le projet de votre commission.
Et pour les infractions les plus graves, la possibilité d’information interviendra dès le stade de la garde à vue dès lors qu’il existe contre la personne des raisons sérieuses de la soupçonner.
Pour ces mêmes infractions, l’obligation d’information sera garantie en cas de condamnation bien sûr mais aussi lorsque la mise en examen sera accompagnée d’un contrôle judiciaire assorti d’une interdiction d’exercer une activité en contact avec des mineurs.

Je veux le rappeler, les dispositions qui seront soumises à votre vote sont indispensables non pas pour répondre à une urgence mais bien pour inscrire dans la loi des règles et procédures que certains appliquaient mais que d’autres ne mettaient pas en œuvre. Notre objectif c’est bien d’unifier les procédures et de créer un cadre applicable pour tous.

Je tiens aussi à rassurer votre assemblée sur la manière dont notre administration traite ces informations. Il n’y a évidemment pas de traitement systématique ; il y a des appréciations circonstanciées, fondées sur l’examen individualisé.Dans les remontées dont nous avaient fait part en avril les Inspections générales que nous avions saisies, sur les 300 affaires impliquant des agents de mon ministère entre 2012-2014, 70 % ont donné lieu à des mesures conservatoires, 25% n’ont donné lieu à aucune suite, les informations ne justifiant pas une décision de protection des mineurs, et 5 % se sont traduites par des déplacements des fonctionnaires sur des postes sans contact avec les mineurs.

Chaque mesure est prise avec le souci de préserver l’intérêt de tous.

Et je tiens à le rappeler ici, car il a été fait état lors de notre précédent débat des drames survenus il y a plus de 15 ans suite à des accusations fallacieuses dont des agents avaient été victimes : les fonctionnaires en charge de prendre des mesures conservatoires ou des sanctions disciplinaires individuelles ont tous en mémoire ces évènements. C’est avec le plus grand discernement et sur le fondement d’informations solides que devra désormais leur fournir la justice qu’ils prendront leurs décisions.

S’agissant des affaires nouvelles, l’information sera donc désormais accessible aux rectorats. Et pour le cas des personnes condamnées dont nous n’aurions pas eu connaissance de la condamnation, nous prendrons avec la Garde des sceaux les mesures réglementaires pour permettre un contrôle en cours de carrière du casier judiciaire : ce que nous voulons éviter, c’est la situation de Villefontaine ou d’Orgères. C’est notre responsabilité et nous l’assumerons.

***

Au-delà des mesures législatives, je veux aussi vous assurer de la totale mobilisation de mon ministère pour mettre en place dès la rentrée des procédures fiables et concrètes qui rendront pleinement opérationnel le dispositif soumis à votre vote.

J’ai demandé au début de ce mois aux recteurs de nommer dans chaque académie un « référent justice » qui sera l’interlocuteur identifié de chaque parquet. Formé, soumis au secret professionnel, ce référent aura un rôle clé dans ce dispositif. Il sera assisté de référents départementaux au besoin quand les affaires sont nombreuses ou les tribunaux multiples sur un territoire.

Toutes les informations transmises par la justice le seront de manière sécurisée en suivant les procédures autorisées par la CNIL.
Et puis les référents qui seront nommés, auront au-delà de ce rôle de suivi des affaires en cours, celui de fluidifier les rapports avec la Justice dans d’autres domaines notamment dans le cadre de la justice mineurs ou pour le suivi des signalements déposés en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale.

La Chancellerie comme l’a indiqué la Garde des Sceaux travaille également à nos côtés pour développer toutes les modalités pratiques afin que le dispositif législatif soit efficace.
J’en terminerai pas là. La garde des sceaux et moi-même vous avons présenté un texte pour changer les choses, pour ne plus seulement dénoncer les dysfonctionnements mais pour agir.

Ce dispositif est attendu par les fonctionnaires de nos deux ministères qui vont travailler à sa mise en œuvre.
Il est attendu, vous le savez aussi par les familles à qui l’école doit un cadre sécurité pour apprendre.
Il est attendu par les familles meurtries que la Garde des sceaux et moi même avons rencontrées et à qui nous devions d’agir pour éviter à d’autres enfants la situation qu’elles ont vécues.

Je vous remercie .

Éducation nationale Publié le 17 juillet 2015

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4 commentaires sur Lutte contre la pédophilie : un dispositif efficace pour mieux protéger les enfants – Discours à l’Assemblée nationale

  1. L.

    Comptez vous révoquer tous ceux qui se sont rendus coupables d’avoir téléchargé des fichiers pédopornographiques bien qu’ils ne soient ni dangereux, ni même parfois pédophiles, et alors que la justice et les experts psychiatres leur donnent toute liberté de reprendre leur activité au vu de leur profil particulier et de leur histoire personnelle? C’est une question précise et je souhaiterais que vous ayez le courage d’y répondre clairement. Vous aurez compris que selon moi et beaucoup d’autres il s’agirait non seulement d’une mesure parfaitement injuste mais contre productive et qui va à l’encontre d’un travail de prévention destiné à éviter que des faits graves se reproduisent comme ceux qui ont eu lieu récemment et qui ont fait les choux gras de la presse.

  2. Hassan

    Avec le temps ou parfois plus urgemment, l’École nous et/ou fait apprend)re bien des choses qui doivent servir à sa formidable et indispensable valeur, des êtres et des personnes sont un seul et même respect, une seule et même intégrité…

    Bien à Vous…

  3. Rachma86

    Très beau discours Mme Najat VALLAUD-BELKACEM. Je suis toute a fait d’accord avec vous,il faut que cela change pour ne plus que cela puisse se reproduire. Les personnes qui ont eut quelques petits soucis avec la justice pour des faits similaires ou semblable ne devraient plus pouvoir exercer un métier en rapport avec les mineurs. Très bonne initiative concernant les référents justice de chaqu’une des académies. Encore une foie je vous soutien Mme La Ministre. Rachma86

  4. LANCIEN Dominique

    Cette rapidité d’action,non pas sous l’influence de l’émotion.Mais bien dans le but de mettre enfin un terme à ces scandaleux dysfonctionnements concernant des sujets aussi graves est tout à votre honneur Najat. Cela me permet de rappeler d’ailleurs,que M. Hollande fût vraiment bien inspiré de penser à Vous en tant que Personne ! Mais aussi en tant que Femme ! Et je suis certain que ce sont ces critères qui font que notre éducation nationale va enfin pouvoir re-fonctionner sur des bases saines !!! Soyez en sincèrement remerciée Najat.Car pour les Familles,un grand soulagement apparaît,sachant que ces nouvelles mesures indispensables,seront effectives dés la “Rentrée” de ce mois de Septembre.Vraiment MERCI.

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