La Refondation de l’École pour renouer avec cette belle et grande promesse républicaine : l’Égalité

Éducation nationale Publié le 11 mars 2016

Retrouvez ici le discours de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche lors de la conférence nationale Refondation au Salon Européen de l’Éducation.

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Madame la directrice générale de l’Enseignement scolaire, chère Florence,
Monsieur le secrétaire général de la Ligue de l’Enseignement,
Monsieur le Président du Conseil supérieur des programmes,
Mesdames et messieurs les enseignantes et les enseignants,

Mesdames et messieurs,

Chers amis,

Je tiens, cher Étienne Butzbach, à vous remercier d’avoir introduit cette prise de parole en nous ramenant à l’essentiel : la cohérence et le sens profond de ce que nous avons entrepris depuis le mois de juillet 2012.

D’abord, avec cette grande concertation qui a mobilisé toute la communauté éducative dans un élan, un mouvement, une ambition de réforme et de changement, comme l’école, et tout notre système éducatif, n’en avait pas connu depuis très, très, longtemps.

Cette concertation inédite a libéré beaucoup d’énergies constructives. Elle a permis de poser les bases – les fondations précisément – de la loi de la refondation proposée par le gouvernement et adoptée par le Parlement.

Cette loi, nous la mettons aujourd’hui en œuvre sur le terrain, au plus près des élèves, des enseignants, des établissements, mais aussi – votre conférence insiste à juste titre sur ce point – avec les élus locaux, les organisations syndicales et l’ensemble des partenaires de l’école.

Nous entrons, avec la mise en œuvre, dans une étape essentielle. Passionnante. Une étape, elle aussi, assez inédite tant il est vrai que beaucoup de réformes, par le passé, n’ont pas eu la chance d’être appliquées, et menées à bien.

Dans cet élan, dans ce mouvement, vous avez pris, et vous prenez encore aujourd’hui, toute votre part, avec l’ensemble de vos équipes, de vos adhérents, et de vos militants.

Votre contribution, vous le savez, est essentielle. Essentielle pour moi. Essentielle surtout pour l’avenir de notre école, tant par la constance de votre engagement, que par l’exigence de votre soutien.

Toujours, c’est vrai, nous nous retrouvons sur l’essentiel. Nous nous retrouvons sur le sens de ce que nous faisons pour changer l’école.

Le sens, vous l’avez dit, c’est de renouer avec les valeurs républicaines, et notamment avec cette belle et grande promesse de la République en direction de tous ses enfants: l’égalité.

Cet idéal, il faut bien le dire, a été soumis à la dure épreuve des réalités : avec des résultats en baisse, des inégalités qui se creusaient, une confiance qui s’effritait, un mal-être qui commençait à s’installer durablement, et une action publique qui manquait de cohérence dans ses réformes successives.

Il fallait, non pas raccommoder, rapiécer, ou rafistoler, mais bel et bien refonder. Refonder, dans la cohérence, dans la durée, avec l’ambition de retrouver le souffle des grandes réformes qui ont marqué l’histoire de l’éducation dans notre pays.

Renouer, en quelque sorte, avec un idéal de l’École, ancré dans les nouvelles réalités sociales et culturelles d’aujourd’hui, tourné vers l’avenir, et animé par l’idéal républicain et par une idée qui est au cœur de l’École, au cœur de l’engagement des professeurs, que vous allez évoquer cette après-midi.

Cette idée, c’est celle du progrès.

Oui, le progrès est l’une des idées qui anime un enseignant, jour après jour. Elle le porte, chaque matin, quand il franchit le seuil de sa classe.

Elle le porte aussi, quand, rentré chez lui, il continue à travailler, à préparer ses cours, à corriger ses copies. Une annotation dans la marge, le soin apporté au commentaire, n’ont pas d’autre but que de permettre à l’élève de s’améliorer.

Et les familles qui accompagnent leur enfant jusqu’au seuil de l’École, les élèves, l’ensemble des équipes éducatives et des personnels n’ont qu’une seule idée : celle du progrès.

Faire mieux : voilà l’enjeu qui nous rassemble et qui nous réunit autour de l’École.

Il fallait donc agir, résolument, à tous les niveaux. Sans jamais perdre de vue deux dimensions essentielles : renforcer les apprentissages, et en particulier les fondamentaux. Et réussir une démocratisation de l’exigence, en agissant contre les inégalités économiques et sociales.

Les deux sont liés : il ne s’agit pas de sacrifier l’un à l’autre. Quel intérêt y aurait-il, comme je l’entends parfois, à niveler par le bas ? Mais, a contrario, quel serait l’intérêt d’avoir une École qui sacrifierait, à la réussite de quelques-uns, celle du plus grand nombre ?

Il n’y a pas à choisir entre démocratisation ou exigence. Je reconnais à leur juste valeur le mérite, l’effort et le travail. Et leur valeur est immense. Mais je connais aussi le poids considérable des inégalités économiques et sociales sur le parcours de nos élèves.

Alors je sais que lorsque l’on évoque les inégalités, certaines voix s’élèvent pour rappeler que nous avons « l’égalité des chances ! ».

Certes depuis 1959, chacun, en France, accède à cette école laïque, gratuite et obligatoire de 6 à 16 ans. Mais une fois franchi le seuil de l’École, il est délicat de parler d’égalité des chances dans la situation actuelle.

Le rapport PISA 2012 soulignait ainsi que la France était le pays de l’OCDE où le déterminisme social était le plus fort. La question de l’égalité ne se résume donc pas à l’offre : elle doit aussi agir sur la situation concrète dans laquelle se trouvent les élèves.

Comme disait Jaurès : « Assez parlé d’égalité, il est temps de faire des égaux ».

Avec la réforme de l’éducation prioritaire et les 350 millions d’euros supplémentaires que nous avons consacrés à ces établissements ; avec le « plus de maîtres que de classes » et la scolarisation des moins de 3 ans que nous développons en particulier en éducation prioritaire ; avec la réforme de l’allocation des moyens ; avec tout cela, oui, nous contribuons à « faire des égaux » au lieu de nous contenter d’en « parler ».

Mais faire des égaux, cela suppose aussi de tenir compte des situations et des contextes dans lesquels s’ancrent nos établissements. Cela suppose de ne pas penser à partir de la carte de la France, mais de partir des territoires de notre pays.

La refondation s’est accompagnée d’une mise à jour de la carte des Réseaux d’Education Prioritaire : parce que nous avions besoin de faire coïncider la sectorisation des écoles et des collèges avec la réalité des territoires.

Mieux prendre en compte ces territoires, tel était aussi l’enjeu de la réforme de l’allocation des moyens. Celle-ci concerne avant tout le premier degré, et les écoles ou les établissements qui ne sont pas en réseau d’éducation prioritaires.

Jusqu’à présent, les moyens étaient attribués uniquement en fonction des dynamiques démographiques. Plus d’élèves, plus d’enseignants. Le calcul est en apparence sans failles. Mais si ce facteur est important, ne s’appuyer que sur lui masque des disparités parfois très fortes.

En ajoutant deux autres critères, l’un social, le revenu fiscal des ménages par unité de consommation, l’autre territorial, la classification des zones urbaines de l’INSEE, nous avons ainsi pu avoir une vision plus juste de la situation, et donc apporter davantage de moyens à ceux qui en ont le plus besoin.

Donner plus à ceux qui ont moins, tel est, pour la résumer simplement, l’idée qui gouverne cette action. Mais elle s’appuie aussi sur une conviction partagée : une action politique d’ampleur dans ce domaine suppose aussi, comme vous le soulignez, une autre gouvernance, et une implication sans faille des collectivités territoriales.

D’ailleurs, si nous avons pu avancer sur le sujet, pourtant clivant politiquement, de la mixité sociale, c’est bien en nous appuyant sur les collectivités territoriales.

Je ne vais pas vous donner une litanie de chiffres. La situation, vous la connaissez bien. Je veux simplement rappeler que lorsque l’on parle de ségrégation sociale et scolaire, le mot n’est pas trop fort : aujourd’hui, plus de 82% de collégiens d’origine sociale défavorisée sont scolarisés dans 10 % seulement des collèges.

Or nous avons besoin de mixité sociale. Nous en avons besoin, car les inégalités prospèrent sur l’absence de mixité sociale.

Nous en avons besoin, car la mixité sociale renforce le sentiment d’appartenance à la République. Comment fonder durablement une société unie et cohérente, si les femmes et les hommes qui la composent ne se rencontrent jamais et ne se fréquentent pas ?

Nous en avons besoin car, comme l’ont montré des études internationales, la mixité sociale améliore le niveau des élèves les plus fragiles, sans tirer les autres vers le bas. Il n’y a donc aucun perdant.

Mais la mixité sociale ne se décrète pas. Elle ne s’impose pas. Elle se construit, patiemment, en concertation avec l’ensemble des personnes concernées, depuis les personnels de l’éducation nationale jusqu’aux élèves et à leurs familles, naturellement, en passant par tous les acteurs susceptibles d’être mobilisés sur le terrain.

A l’heure actuelle, 15 académies et 20 départements, de droite comme de gauche, se sont engagés dans une démarche en faveur de la mixité sociale. Et la preuve de l’importance de cette question, c’est que nous avons dépassé le chiffre de vingt territoires pilotes, soit le double de ce qui avait été envisagé initialement !

Ces territoires pilotes vont donc mettre en œuvre différentes mesures, qui seront, tout au long du processus, accompagnées et évaluées scientifiquement et cela permettra de généraliser les bonnes pratiques et les innovations trouvées sur le terrain.

Mais les territoires pilotes, ce sont aussi les douze départements qui ont choisi de travailler à l’élaboration d’un projet d’aménagement durable de leur territoire scolaire, en cosignant avec l’Éducation Nationale une convention ruralité.

Vous le voyez, pour les rythmes éducatifs comme pour la mixité sociale, cette échelle du territoire est essentielle.

Pour une raison très simple : c’est que l’École, avant d’être une idée, avant d’être une vision, est d’abord et avant tout un lieu.

Un lieu de vie, un lieu de savoir et de connaissances, un lieu qui tire sa force des enseignants, des professionnels qui y travaillent, mais aussi de tous ceux qui, attachés à l’École, y participent.

Et ce qui se joue entre ces murs, est un processus infiniment complexe : le devenir de nos élèves.

Voilà ce qui a motivé la décision de ne plus élaborer des programmes annuels déclinés classe après classe, mais d’avoir des progressions claires par cycle, favorables à une acquisition progressive des savoirs.

La scolarité française s’envisageait jusqu’à présent en termes d’années. Une année, une classe, un ensemble de compétences et de connaissances à acquérir.

C’est une organisation qui avait le mérite de la clarté. Mais elle avait un inconvénient majeur : elle ne tenait pas compte de la spécificité même de l’École.

Au centre de celle-ci, il y a l’humain. Or, nous le savons, les êtres humains sont divers. C’est même, preuve que c’est une source d’inquiétude majeure, la première chose sur laquelle insistent les livres sur les premières années de vie d’un bébé.

Ils ne vont pas au même rythme ! L’un va parler plus tôt mais marcher plus tard. Celui-ci mange avec une cuillère sans éprouver le besoin de repeindre toute la cuisine, quand celui-là continue à faire de l’expressionnisme abstrait avec de la purée de carottes.

Ce principe de bon sens, curieusement, nous le perdons de vue lorsque l’enfant grandit. En envisageant les programmes année après année, on risque alors de ne pas tenir compte de ce rythme si particulier. Et l’on considérera en échec un élève à qui il a peut-être simplement manqué quelques mois.

Pour éviter cela, la scolarité s’envisage désormais par cycle de trois ans. Le cycle 1 est celui des trois premières années de l’école maternelle ; le cycle 2, de la CP à la CE2, est celui de « l’apprentissage des fondamentaux » ; le cycle 3, de la CM1 à la 6e est celui de la « consolidation » ; enfin, le cycle 4, de la 5e à la 3e est celui des « approfondissements ».

Une attention particulière a été portée à l’intégration, dans un même cycle, d’années qui étaient jusqu’à présent vécues comme une scission particulièrement brutale. La dernière année de primaire et la première de collège sont réunies dans un même cycle.

Ainsi s’instaure une continuité dans les apprentissages. Ainsi se consolide l’acquisition des savoirs et des connaissances, et ainsi s’élabore une meilleure concertation entre les professeurs des écoles et ceux du secondaire.

Ce besoin de souplesse et de continuité s’étend d’ailleurs à d’autres domaines.

Il gouverne aussi notre politique contre le décrochage. Nous agissons non seulement après, avec le droit au retour en formation et les structures de retour à l’école, mais aussi en amont.

Un travail considérable est mené avec l’ensemble des professionnels de l’Éducation Nationale, pour assurer l’accompagnement de chacun dans son parcours, pour mieux informer les familles, et dédramatiser les décisions d’orientation.

Ainsi, à la rentrée prochaine, un élève en seconde professionnel ou en CAP aura la possibilité de se réorienter jusqu’aux vacances de la Toussaint.

Et quand je parle de décloisonner, je pense aussi à l’ouverture de l’École, à la fois vers les parents et les familles, mais aussi vers des acteurs extérieurs, des associations et, par exemple, la réserve citoyenne.

Nous avons ainsi créé un statut du parent délégué, et un certain nombre de mesures sont engagées pour valoriser l’engagement citoyen de nos élèves au sein de l’institution scolaire ou pour favoriser l’établissement de partenariats avec des associations et des institutions extérieures, notamment par le biais des conventions.

La semaine de la presse et des médias à l’école qui se tiendra à partir du 21 mars sera d’ailleurs l’occasion d’en signer de nouvelles.

Et si cette ouverture est si importante, c’est parce que l’École n’est pas en marge de la société. Elle n’est pas en dehors. Elle est au cœur de celle-ci.

Jean Zay, qui milita au sein de la ligue de l’enseignement, disait vouloir faire de l’École, « l’asile inviolable, où les querelles de hommes ne pénètrent pas ».

Mais nous ne savons que trop que cet asile n’est pas hermétique aux violences et aux crises de notre société.

L’Ecole en est, à bien des égards, une caisse de résonance. Elle est belle et audacieuse cette idée d’asile. Mais elle est aussi, en un sens, dangereuse, si cela veut dire, pour l’École, ne pas se préoccuper de ce qui l’entoure.

La République a été frappée en plein cœur en cette terrible année 2015 par la violence extrême, le terrorisme, le fanatisme religieux, l’intolérance. Cette atteinte n’a pas épargnée l’École.

Elle en a ressenti le souffle au point de faire vaciller l’édifice, et de mettre en danger l’une de ses valeurs cardinales, la laïcité, mais aussi la liberté de penser, de s’exprimer. La liberté, aussi, de croire ou de ne pas croire.

Et en même temps, combien de regards se sont alors tournés vers l’École ? Combien aussi de citoyennes et de citoyens se sont manifestés pour témoigner de leur volonté de s’engager à nos côtés ?

Il y a, aujourd’hui, de nouvelles formes d’interaction entre l’École et la société à réinventer. Entre l’École et les familles. Entre l’École et les associations.

Non pour empiéter sur le travail des enseignants. Non pour remplacer les professeurs : mais parce que pour réussir un défi aussi colossal que celui de la démocratisation nous avons besoin de synergies. De convergences.

Et nous en avons d’autant plus besoin que nous sommes dans une situation inédite dans l’histoire de l’École de la République. Je veux parler du fossé qui existe entre les valeurs de l’Ecole, nos valeurs, et les discours dominants de la société.

Oui, les valeurs de l’École sont régulièrement remises en cause par la société dans laquelle elle s’inscrit. Elles le sont soit par des intégrismes religieux, soit par la puissance des modèles et des valeurs imposées par la société de consommation.

Et c’est un fait problématique et une réalité qui, avec le poids des déterminismes économiques et sociaux et la baisse du niveau de nos élèves, a nourri la Refondation de l’école.

Pendant longtemps, l’élève, en quittant l’école, rentrait dans une société où l’on avait, au moins dans les discours, le respect du savoir, le respect de la connaissance et de la pensée, le respect de l’enseignant.

Mais aujourd’hui, je ne connais pas d’autre profession que celle des professeurs qui soit, dans les médias, sur la première page d’un quotidien, désignée par un diminutif : les profs.

Imagine-t-on un journaliste déclarer « c’est la grève des toubibs » ? Ou « les politicards font leur rentrée ? » Et quel mépris que celui qui consiste à dire que les enseignants n’ont pas besoin de formation et d’avoir supprimé la formation initiale ?

Oui, enseigner est un métier, et un métier qui non seulement s’apprend, mais nécessite d’apprendre tout au long de sa vie. Voilà pourquoi nous avons mis en place non seulement les ESPE, mais aussi des dispositifs de formation continue, pour que nos enseignants soient accompagnés tout au long de leur carrière.

Et parce que la reconnaissance passe aussi par une revalorisation salariale, des négociations sont en cours sur ce point, pour que les professeurs, tous les professeurs, sachent que leur importance n’est pas oubliée !

Dans cette méconnaissance et dans ces remises en cause, dans leur ampleur et dans leur violence, il y a là quelque chose qui n’avait, me semble-t-il, jamais été aussi fort.

On reconnaissait la valeur de ce qui précisément ne se réduit pas à des données économiques. Alors, je tiens tout de suite à vous rassurer : je ne suis pas naïve. Je sais bien que ce discours ne correspondait pas forcément à une réalité.

Il y avait néanmoins un respect, vis-à-vis de cette institution, qui s’est perdu, au fur et à mesure que se déployait un discours matérialiste centré sur la consommation. Et ce vide engendré par la réduction de l’être humain au seul statut de consommateur était parfois comblé par le repli sur soi et la montée des intégrismes.

Voilà la situation inédite devant laquelle nous nous trouvons, et qui engendre, pour beaucoup de nos élèves, le sentiment d’une rupture entre les enseignements, et sa vie de tous les jours.

Aujourd’hui, dès qu’ils sortent de l’école, nos élèves sont confrontés à des discours qui dévalorisent le savoir, l’art et la culture, et qui ne tendent qu’à valoriser ce qui est matériel, utilitaire, et qui peut être rattaché à un prix.

Et le pire, dans ce discours dominant, où la valeur l’emporte sur les valeurs, c’est qu’il s’agit d’un mensonge faramineux.

En réalité, ceux qui font le monde d’aujourd’hui, ceux qui font les réussites d’aujourd’hui, doivent énormément à l’école, mais aussi à des filières et des disciplines que l’on tend à décrier.

Je n’ignore pas la crise des vocations qui affecte les filières littéraires. Mais c’est quand même étonnant qu’à une époque où jamais les séries télévisées n’ont eu autant d’audience et d’influence, on oublie qu’elles viennent de l’écriture et qu’elles puisent souvent dans La Poétique d’Aristote.

Et cela vaut pour la littérature comme pour les autres domaines. Mais pour avoir conscience de tout cela, pour savoir que l’Education Artistique et Culturelle, par exemple, en vous impliquant dans un projet théâtral, vous donnera aussi des compétences essentielles pour votre insertion professionnelle, il faut être dans un milieu qui a le capital culturel pour vous dévoiler l’envers du décor.

Pour vous rappeler à la fois la force et le plaisir qu’il y a à apprendre, et pour vous donner les moyens de donner, à tous ces enseignements, du sens.

Mais si vous n’avez pas cette chance, que vous reste-t-il ? Un sentiment désagréable. Celui d’une rupture entre l’École et le monde.

Rétablir ce prolongement, c’est la raison pour laquelle la refondation de l’Ecole constitue aussi une innovation. Une innovation qui repose sur une volonté : ne plus opposer. Mais rassembler.

Ne plus donner l’impression qu’il faut absolument choisir entre insertion professionnelle ou éducation artistique, entre le disciplinaire ou le pluridisciplinaire, entre l’immédiatement utile ou le savoir désintéressé. Mais de mettre en valeur, ici encore, des liens et une complémentarité.

Oui, les fondamentaux se pratiquent aussi en dehors des cours qui leurs sont spécifiquement consacrés.

Oui, l’histoire s’aborde aussi à travers l’éducation aux médias et à l’information. Oui, les mathématiques peuvent s’inscrire dans un cours d’histoire de l’art sur l’invention de la perspective.

Et de cela, la refondation de l’École ne cesse de tenir compte, comme en témoigne le socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

Parce que ce qui est en jeu à travers la refondation, c’est de poser les bases pour un nouvel humanisme. Un humanisme du XXIe siècle.

Un humanisme qui connaît la force du passé, mais qui ne le considère pas comme un carcan, mais comme un élan vers l’avenir.

L’humanisme de la Renaissance n’est pas né dans une période tranquille et apaisée, mais dans le bruit et la fureur ; dans des crises politiques et financières ; dans des changements, violents, inquiétants, qui ouvraient certes de nouvelles perspectives, mais qui venaient aussi ébranler des certitudes bien ancrée.

Il n’est jamais facile de changer. Mais ils ont su le faire. Et je sais, parce que je connais l’ambition et les valeurs de tous ceux qui prennent cet engagement prodigieux, dans le service public, de se mettre au service de l’Ecole, qu’ils seront les dignes héritiers de leurs prédécesseurs.

Voilà pourquoi nous ne pouvons pas prétendre, par exemple que le numérique ne changera rien à l’Ecole. Oui, le numérique est un bouleversement. Oui c’est une innovation prodigieuse. C’est la raison pour laquelle il est pleinement pris en compte à la fois en tant que support pour l’enseignement, et en tant qu’objet d’enseignement à part entière.

Car quelle est l’alternative ? Voulons-nous laisser nos élèves passifs devant les écrans, fascinés par des sites de désinformation massive, ou voulons-nous répondre par la culture, par le savoir, par l’esprit critique ? Voulons-nous vraiment subir les changements et les crises qui nous environnent ? Je ne le pense pas.

Faire de chaque élève un citoyen autonome, instruit, et éduqué, tel est notre objectif commun.

J’insiste sur le mot « commun ». Car, comme vous le rappelez, la refondation s’inscrit dans un temps long, et c’est justement ce qui fait la valeur des moments comme celui qui se tient aujourd’hui.

Et avant de conclure, j’en profiterai simplement pour vous annoncer que mon ministère organisera, en mai prochain, des Journées de la refondation.

Née de la concertation, il est normal que la refondation soit, dans sa mise en œuvre, accompagnée par des échanges.

Car dans la situation où nous sommes, nous avons besoin d’assises solides : celle du savoir, de la culture et de la connaissance. Celles qui sont justement au cœur de l’Ecole et au cœur de sa refondation.

Je vous remercie.

Najat Vallaud-Belkacem,
ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche


Photos © Philippe Devernay / MENESR

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13 commentaires sur La Refondation de l’École pour renouer avec cette belle et grande promesse républicaine : l’Égalité

  1. Bilangues privilège des Parisiens!

    Pas de perdants? Tous les parents d’enfants scolarisés ailleurs qu’à Paris peuvent se compter parmi les grands perdants de votre réforme du collège car seuls les Parisiens ont droit aux classes bilangues _ payées par tous les autres bien sûr… Belle conception de l’égalité! A l’EN, on a jamais autant brassé d’air que sous votre ministère….

  2. Toulouse François

    Excellent discours traduit dans les actes et le budget de la Ministre.
    Le souci de l’égalité devant l’Instruction, l’Éducation et la connaissance est la seule manière de faire Société.
    La haine sociale, comme le met en évidence nombre de commentaires partisans sinon racistes, n’engendre que le conflit et la mort. Les exemples récents sont là pour nous l’enseigner.

  3. Dumas

    Non à la réforme du collège, non au maintient des bilangues seulement à Paris, vive l école républicaine !

  4. Hassan

    Soyons bref mais conciliant, quels temps

    Il y a plusieurs façons/manières de voir/regarder les choses et, comme par égalité libre et critique, il y en a autant pour ne pas les voir/regarder…

    En tout état de cause, il existe encore et diversement une autre forme “d’aperçu” propre et impropre, ou possible et déplacé, à cette relativité et, pour le coup, il est presque anormal, voire inquiétant, qu’un “élément” aussi important que nécessaire à toute société moderne et consacrée puisse perdre autant de positivité, tout cela juste pour renier ou dénigrer l’apport massif et négatif dont il a été outrageusement question, bien avant…

    Est-il, existe-il, par exemple, un courage à priver de renouvellement le plus bel élément d’une ou des perspective)s d’ensemble… la question, même sans son point indicatif ou expressif des formes, peut paraître idiote ou futile, mais, à l’heure actuelle, la réalité vivante et performante est-elle en reste ou en manque d’amplitude majeure; pourtant il(l’exemple), ou elles(les formes), ne semble)nt guère appartenir à toute cette controverse inhabituelle et compétitive depuis la devise réhabilité et constructive…

    En quelque problème ou sorte qui soit, tout le monde conviendra qu’il existe une immense différence entre chercher et résoudre l’erreur de certains points de vue bien trop arbitraires, si ce n’est plus quant ils s’estampillent ou s’annoncent principalement d’une trouble mais réelle et inefficace étourderie…

    Bien à Vous

    Merci…

  5. Raymond SAMUEL

    Non, pas de commentaire. Ces commentaires n’ont aucune chance d’être pris en considération par une ministre et des administrations qui croient aux “valeurs de la République”. Ces valeurs sont celles de tous les pays européens en république ou non. Autrement dit, le ministère s’appuie sur du vide.
    Il faut aussi dénoncer un énorme mensonge. Madame VALLAUD-BELKACEM a dit en effet : “Certes, depuis 1959, chacun, en France, accède à cette école laïque, gratuite et obligatoire de 6 à 16 ans”.
    Tromper les parents et les enfants n’est pas très honorable en soi. Mais leur mentir en disant que l’école est obligatoire c’est condamner tous les enfants à la souffrance scolaire, en pousser quelques-uns au suicide devant l’inéluctabilité de cette souffrance et l’impossibilité d’être entendu par l’école ni par les parents.
    Alors qu’il est possible pour un certain nombre de parents (et ils seraient beaucoup plus nombreux si le ministre et même le Président de la République ne leur adressaient pas ce mensonge de l’école obligatoire) il est possible pour les parents d’instruire leurs enfants hors l’écoe,, dans de bien meilleures conditions, notamment pour leur santé mentale et affective.

  6. nadichamau

    Bonjour,

    Tous cela est très beau, très bien dit !
    Mais pour réformer l’Éducation nationale, vraiment réformer, il faut d’abord du courage, beaucoup de courage, pour affronter les corporations des professionnels qui la composent,notamment celle des enseignants qui contrairement à ce que vous exprimez, défends souvent ses propres intérêts.
    1 – Il faut des bons professeurs :
    Contrairement à vos propos qui encensent systématiquement l’action des enseignants, il faut reconnaitre qu’il y a de mauvais prof. Comment ne penser qu’ils portent une part de responsabilité dans la médiocrité des résultats des évaluations scolaires de nos enfants ?
    Il est donc indispensable que les enseignants soient mieux évalués et les mauvais écartés. De plus comme tous les fonctionnaires, il doivent être inscrit dans une hiérarchie au sein de leur établissement, sous la responsabilité du chef d’établissement ou du directeur/trice d’école.

    2 – l’action de Éducation Nationale doit être au cœur des projets éducatifs de territoires :
    Pour cela il est nécessaire que l’équipe éducative des écoles, des collèges et des lycées ait du temps pour travailler avec les autres professionnels du territoire et aussi avec les parents. Il faut également que cette équipe adhère au projet du responsable de l’école et ou de l’établissement, responsable qui doit pouvoir choisir son équipe.
    Pour cela, sans remettre en cause le temps passé devant les élèves, les enseignants, devraient être présents sur leur lieu de travail 35h par semaine et disposer comme tous le monde de 25 jours de congés plus quelques RTT. La préparation des cours et les corrections des devoirs peut très bien se faire à l’école.
    Ainsi, les enseignants auraient du temps, pour travailler sur des projets en partenariat, pour rencontrer les parents, pour faire du suivi individuel et pour répondre aux élèves qui le souhaitent.

    En résumé pour commencer, ces deux propositions :
    – inscrire les enseignants dans une hiérarchie au sein de leur école et donner au chef d’établissement la possibilité de constituer son équipe,
    – modifier l’organisation du travail des enseignants pour plus de temps de présence dans leur école.

    Bon courage !

  7. JULES

    Madame la ministre
    Que de belles paroles qui nous plaisent ! Puissiez-vous faire ce que vs préconisez !
    Quand on organise de belles semaines de la discrimination, de magnifiques sites consacrés aux handicapés, consacrés aux discriminations de toutes sortes
    Est-ce que cela s’arrête là !? Est-ce qu’il faut punir les discriminés et les exclure ? au lieu de les réhabiliter et de leur offrir une juste place ?
    Les inégalités ne pouvaient-elles pas être combattues et débattues avec des mesures existantes simples ?

  8. Citoyen en colère

    L’égalité, la mixité sociale ? Vous supprimez les bilangues, les sections européennes et les langues anciennes qui permettent aux élèves de réussir au sein même de l’Education Nationale, GRATUITEMENT !
    Que de mensonges, on sait bien que seuls ceux qui peuvent payer des cours particuliers, des séjours linguistiques ou du privé hors contrat auront encore accès à ce genre de formations exigeante.
    Et en plus, vous enlevez ce qui permet aux élèves en difficultés de reprendre pied, comme l’accompagnement personnalisé vraiment personnalisé, puisqu’en petit groupe, ou la découverte professionnelle.
    Assez de mensonges, surtout plus de “bruits de chiottes”, une bonne démission et des gens qui se remettent au service de l’intérêt général à votre place !

  9. Wafaa Elaouni

    Madame la Ministre
    Je vous souhaite du courage car vous êtes une grande dame qui apporter que de bonne solution pour la réussite de nos Écoles et bien sûr à nos enfants.
    Je vous prie d’agréer ,Madame la Ministre,l’expression de mon profond respect.
    wafaa Elaouni

  10. RACHMA86

    Madame La Ministre j’approuve entièrement votre discours.
    Toute fois j’aimerais vous faire une petite sujétion concernant les établissements scolaires:
    Madame La Ministre vous devriez faire comme certains de nos voisins européens et instaurer un uniforme pour tous. Cela pourrait éviter bien des conflits concernant la mixité sociale. Si les élèves sont habiller à l’identique alors il n’y aurait plus cette différence.
    Comme vous le dite vous même dans votre discours nous vivons dans une société de consommation et c’est ce qui creuse de plus en plus les différences sociales.

  11. Nixe

    Encore un autre de vos discours interminables, convenu, plein de bons sentiments et de lieux communs: que du blablabla. Sachez que la refondation de l’école ne se fera pas sans les enseignants. A nous les enseignants, vous nous ne montrez que du mépris. Depuis des longs mois, vous êtes sourde à nos critiques et mise en garde. Vous nous envoyez dans des formations-formatages qui nous convainquent pas…. Quand je reçois un message de votre part, comme par exemple dernièrement celui concernant la semaine de la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, j’appuie directement sur la touche “poubelle”. En effet, une ministre qui montre autant de mépris envers ses administrés a perdu toute crédibilité.

  12. Parent en colère

    Mme là ministre, que de mots, que de parlotte…bon encore ils ont un peu plus de tenue que quand vous parlez à l’antenne de France Info de “bruits de chiotte”!
    En attendant vous refusez de recevoir les syndicats d’enseignants et les associations de parents d’élèves, tous deux majoritairement et fortement opposés à votre réforme des collèges, catastrophique pour la génération à venir de collégiens.

  13. Adamou

    Sans vouloir trop faire d’éloge à ce discours,le contenu et la portée cadrent parfaitement avec les besoins actuels de la République Française en matière d’éducation.De la recomposition de la carte scolaire des territoires à l’adoption des stratégies langues en passant par l’augmentation des allocations scolaires aux élèves issus des ménages fragiles,la promotion de la mixité sociale etc…Il s’agit bien là des enjeux qui engagent l’avenir de la France à travers l’éducation des nouvelles générations et qui sollicitent bien entendu du courage ainsi que des réformes politiques de la part des responsables en charge de l’éducation nationale.En somme,Des grandes lignes qui apparaissent comme des orientations pour consolider voire refonder l’école,le bien précieux de tous les français,et partant des fondements de toute la République.
    Dr Adamou Mairiga

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