Villemoisson-sur-Orge : «Des erreurs graves d’appréciation ont eu lieu»

Éducation nationale Publié le 22 avril 2016

Retrouvez mon entretien à Libération suite à la remise du rapport de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche pour tirer les enseignements des dysfonctionnements de l’affaire de Villemoisson-sur-Orge (Essonne).

Considérez-vous que des fautes ont été commises dans cette affaire ?

En février, j’ai diligenté une mission d’inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche pour reconstituer en détail ce qui s’était passé en 2007 [lors du retour en France de l’enseignant, ndlr]. Je viens d’avoir les conclusions, je les rends publiques en toute transparence, comme je m’y suis engagée depuis le début. Au terme de leur enquête, les inspecteurs établissent que des dysfonctionnements et des erreurs d’appréciation graves ont eu lieu dans cette affaire de Villemoisson-sur-Orge, sans pouvoir les faire reposer sur une faute individuelle. Ils relèvent qu’il n’y a pas eu non plus d’attitude corporatiste. Entendons-nous bien, je ne suis pas en train de minimiser les dysfonctionnements. Je vais être très claire : si l’affaire s’était déroulée aujourd’hui, la question du maintien en poste du recteur se poserait. Dans le cas de Villemoisson, la question ne se pose pas, ce dernier étant aujourd’hui à la retraite.

Cette affaire ne pose-t-elle pas la question du rôle de ces commissions administratives ?

Il ne s’agit pas de remettre en cause l’utilité ou le bien-fondé de ces commissions. La politique disciplinaire de ce ministère existe, elle produit des résultats. Je vous rappelle que 27 enseignants ont été révoqués l’année dernière pour des affaires de mœurs. En revanche, oui, je veux renforcer le pilotage de la procédure disciplinaire en matière de mœurs. Je fais publier ce vendredi au Bulletin officiel mon instruction de politique disciplinaire, qui est la réponse à tout ce qui est mis en lumière par l’inspection générale.

Que prévoit ce texte ?

Plusieurs choses. D’abord, rappeler à l’ensemble du personnel de l’éducation nationale les grands principes. Leur devoir d’exemplarité absolue : tout comportement fautif envers un mineur doit être sanctionné avec fermeté, qu’il ait été commis dans le cadre scolaire ou non. Tous les agents du ministère ont l’obligation de dénoncer des crimes et délits dont ils auraient connaissance auprès du procureur de la République. Et de manière plus générale, la culture de l’Education nationale en la matière doit être la collaboration totale avec l’autorité judiciaire. Pas d’évitement, ni de minimisation des faits. A ces principes, s’ajouteront des garde-fous.

Lesquels ?

Toutes les informations judiciaires dont les Capa [commissions administratives paritaires académiques] ont besoin pour éclairer leurs délibérations doivent effectivement leur être transmises, ce qui a manqué dans l’affaire de Villemoisson. Le décret d’application de la loi Villefontaine [adoptée le 5 avril, un an après l’affaire du directeur d’école suspecté de viols sur 61 élèves] apporte déjà une réponse en prévoyant la liste des documents que les autorités disciplinaires peuvent solliciter en vue des débats en commission. Par ailleurs, cette loi rend obligatoire la transmission des informations entre la justice et l’éducation nationale, et le contrôle – inédit – du casier judiciaire des 850 000 personnels en contact avec des mineurs.

Deuxième chose, très importante : la matérialité des faits s’impose à la commission quand un jugement définitif a été rendu. Les membres de la commission n’ont pas à remettre en question des faits, à les réapprécier, quand ils ont été établis par un tribunal. C’est au fond l’erreur d’appréciation qui a été commise dans l’affaire de Villemoisson. En aucun cas la sanction prise par la commission disciplinaire, qui, bien sûr, doit être proportionnée, ne peut aboutir à la remise en cause d’une décision de justice. Enfin, je veux qu’à l’avenir, pour ces affaires de mœurs, un deuxième regard soit porté par les services ministériels sur la sanction proposée par la Capa. C’est clairement un message de durcissement des procédures. Je l’assume.

Des parents et des professeurs déplorent le décalage entre votre discours – «briser l’omerta» – et la réalité vécue, où la parole des enfants n’est pas suffisamment écoutée ni pris en compte…

Je ne peux pas vous laisser dire que les cellules psychologiques ne sont pas efficaces. Pour en avoir vu beaucoup se déployer dans des circonstances dramatiques, je vous garantis qu’elles fonctionnent, réalisent un travail incroyable et de qualité. Ce sont des équipes pluridisciplinaires, avec des infirmiers, des médecins scolaires, des psychologues en mesure de répondre aux besoins des élèves. Pour le collège de Villemoisson, le rectorat de Versailles a mobilisé douze professionnels, qui peuvent intervenir à tout moment, sur demande. Le message est clair, je le répète aux familles légitimement traumatisées : la cellule psychologique est là, à votre écoute.