Najat Vallaud-Belkacem s’exprime en « militante » des libertés publiques

Presse Publié le 21 janvier 2020

C’est suffisamment rare pour le souligner. Najat Vallaud-Belkacem a choisi de revenir dans le débat public par les idées. Et vraiment par les idées. En retrait de la vie politique depuis sa défaite aux législatives de 2017, l’ancienne ministre de l’Education avait décidé de lancer une collection d’essais chez Fayard sous le label « Raison de plus ». En ce début d’année, alors qu’elle vient de quitter Ipsos, la socialiste reprend la parole. Elle souhaite à nouveau « porter une modeste contribution à un débat public qui parfois nous irrite ». C’est au nom de l’association Raison de plus qu’elle coorganisait hier soir un colloque avec l’historien Olivier Christin, du Centre européen des Etudes républicaines. Le thème disait bien l’intention : « Nouveaux dissidents, nouveaux résistants. Défendre les libertés publiques. »

Najat Vallaud-Belkacem prête à « reprendre une place dans le débat public

« La passion de la liberté »

Devant près de 600 personnes, dans l’amphi Painlevé, au Cnam à Paris, Najat Vallaud-Belkacem a lancé ce « cycle européen de conférences sur les libertés » en plantant le décor : « Les libertés publiques sont subrepticement remises en cause dans nos démocraties. Je parle de nos vieilles démocraties dans lesquelles nos Etats de droit subissent des coups. » Ces Etats de droit « qui vont de petits compromis en grandes compromissions » ne sont plus pour elle les garants des libertés publiques. Et face à un public qui l’a applaudie, l’ancienne ministre a conclu par cette question :

« Avons-nous perdu la passion de la liberté qui suppose non pas d’être vigilant mais d’être militant ? »

Pendant près de trois heures, des intellectuels, des avocats, des politiques, des fonctionnaires venus d’Italie, d’Espagne, de Suisse se sont succédé à la tribune, pour faire l’état des lieux – parfois de manière trop abstraite – des atteintes aux libertés publiques en Europe depuis ces vingt dernières années. « Nous devons nous réveiller de notre léthargie » a exhorté l’italienne Laura Boldrini, ancienne présidente de la Chambre des députés. L’avocat William Bourdon a pointé le double mouvement d’une « exigence de dignité qui dit quelque chose du sentiment d’une maltraitance sociale qui fait rage dans nos sociétés » et d’une « universalisation de l’insupportabilité que ceux qui devraient nous sauver, faire face, défaillissent, trahissent l’intérêt général qui leur a été confié ».

Une dérive du débat public

Le philosophe Frédéric Worms a résumé l’enjeu politique de cette période, où les défenseurs des libertés publiques semblent subir le débat et les reculs : « On a besoin d’actions, mais on a besoin d’idées. On a besoin d’une nouvelle doctrine pour changer ce qui domine dans le débat. » L’ancien président de la CNCDH a abondé « le déclin des libertés n’est pas dû seulement aux gouvernements, il est dû à l’absence de défense des libertés ». L’avocat François Sureau, auteur de « Sans la liberté », a appuyé ce sombre constat en France : « Depuis vingt ans, on a vu disparaître la liberté de s’informer […], la liberté de manifester […] et réduire la liberté de s’exprimer. »

A l’unisson d’intervenants fondamentalement hostiles à la dérive d’un débat public qui en vient à faire de la sécurité une liberté, la juriste Mireille Delmas-Marty a donné son explication. Pour elle, les principaux problèmes de la société étant désormais des phénomènes mondiaux (terrorisme, climat, migration) « les gouvernements ne peuvent plus les régler ». Cette « impuissance des Etats » est, pour elle, la cause de la « surenchère » sécuritaire. Des lois, des restrictions des libertés pour montrer aux opinions publiques qu’ils sont là, qu’ils agissent. Mais hier, le temps d’une soirée, les défenseurs des libertés publiques se sont retrouvés. Et ont décidé de repasser à l’offensive.


Cécile Amar
Publié par L’Obs, le 21 janvier 2020 à 12h27
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Un commentaire sur Najat Vallaud-Belkacem s’exprime en « militante » des libertés publiques

  1. Gérard Eloi

    Ton retour dans le débat public est un grand pas en avant, chère Najat. Il faut changer ce monde, et tu as entamé ce chantier colossal. C’est parce que ça ne paraît plus possible que tu peux encore réussir…Merci pour la génération qui attend demain avec angoisse…

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