Ils ont quitté la Puerta del sol…

Éditos Publié le 14 juin 2011
Les Indignados sont à la politique ce que les ovni sont à l’aviation… On peut les ignorer mais pourtant ils volent !

Depuis plusieurs années maintenant, nous sommes quelques uns à dénoncer notre préférence systématique pour le présent et le caractère demiurgique de nos politiques publiques, qui sacrifient une jeunesse désormais convaincue qu’elle vivra moins bien que ses parents.

Printemps arabe, Indignados espagnols, jeunesse grecque et French Revolution : malgré les évidentes différences d’aspirations premières et de contexte, la parenté est patente.

C’est un mouvement fascinant, et en même temps étrange, qui a vu une jeunesse arabe se soulever, reprendre son destin en main en exigeant la démocratie qu’elle voit depuis des années de l’autre côté de la Méditerranée. Une sorte d’aspiration « à être comme vous ».  Un élan et un souffle qui a servi paradoxalement d’exemple et donné aux jeunesses européennes le courage de se dire : il n’y a pas de fatalité à ce que la société ne nous entende pas.

C’est l’exemple qui prend sur l’exemple, créant une solidarité et une fièvre qui balayent d’un revers de main des frontières que les dirigeants politiques veulent à tout prix renforcer chaque jour. C’est dans ces instants, ces mouvements citoyens inattendus et indomptables, que l’on sent et l’on vibre à l’idée que l’on arrive à un tournant de l’histoire, de l’histoire avec un grand H.

Et pourtant qu’y a-t-il de commun entre les Révolutions Arabes, la Spanish Revolucion et la French Revolution ?

A première vue, si le printemps arabe se rassemble derrière de grandes idées fédératrices, la liberté et la démocratie, les interviews des indignés ont pu donner l’impression d’une dispersion des objectifs, vouant a priori le mouvement à l’échec.

Il n’en est rien. Si par essence même, un mouvement spontané et citoyen n’a pas les éléments de langage policés qu’affectionnent politiques et journalistes, il en reste pas moins que ce qui les unit tous est le diagnostic d’une crise grave et profonde de la société actuelle et de son fonctionnement : pour les premiers, l’objectif est de marcher vers la démocratie, pour les autres, le but est d’achever une démocratie dans laquelle ils ne trouvent pas leur place.

Ceux qui seraient tenté de hiérarchiser la difficulté des deux revendications auraient tort : Bien sûr la violence de la répression insupportable et les conditions sociales tragiques ont marqué le printemps arabe comme nous espérons qu’elles ne marqueront plus jamais nos mouvements européens, c’est évident ! Mais changer et faire bouger un système a priori souple, mou et policé où chaque fois que l’on ne rentre pas dans la norme prévue et que l’on hausse le ton, on est sommé d’arrêter et d’attendre de pouvoir voter tous les 5 ans pour des candidats qu’on n’a pas choisi, n’est pas une mince affaire. Des barreaux invisibles d’une cage dorée (dorée pour qui d’ailleurs ?) où il est interdit de sortir : cela reste une prison.

Or la démocratie ce n’est pas seulement le droit de vote. La démocratie c’est aussi des contre-pouvoirs, une justice dans laquelle personne ne doute, la possibilité effective de pouvoir passer d’un corps social à un autre et d’accéder à l’ensemble des sphères économiques, politiques et sociales sans avoir besoin d’avoir l’âge qu’il faut, le sexe qu’il faut, la couleur qu’il faut ou l’orientation sexuelle qu’il faut.

Ceux qui n’avaient pas compris les enjeux de la démocratie participative et la soif d’expression des citoyens et s’en étaient moqué sont les mêmes qui aujourd’hui ne savent plus trop comment expliquer, analyser et accompagner les mouvements citoyens, notamment ceux des jeunesses.

Non, ni Internet, ni Facebook, ni Twitter n’ont poussé les Tunisiens, les Syriens, les Égyptiens, ni les Algériens, les Marocains, les Italiens, les Grecs ou les Espagnols à descendre dans la rue, ce ne sont pas des créateurs de révolutions. Ce sont les déficits démocratiques, l’oubli d’une génération, les injustices sociales, l’abandon de nos souverainetés aux marchés et l’austérité économique qui ont poussé les uns à mettre leur vie en danger en protestant et les autres à se réunir en masse. Sauf que les réseaux sociaux ont bousculé les vieilles recettes auxquelles la classe politique était habituée. Ils ont été à la fois la clef de la mobilisation et le témoignage de revendications démocratiques en passant outre les vecteurs officiels et consensuels de l’information : chacun peut désormais décider d’être producteur, récepteur et vecteur d’informations. Une instantanéité et une horizontalité qui rééquilibrent la rareté des occasions de concertation démocratique des citoyens entre une élection présidentielle et une autre sur l’avenir et les choix d’une société. C’est cela aussi la démocratie participative.

Une chose reste cependant à pointer : la désespérance de la jeunesse française qui n’a pas (encore) su trouver un écho de mobilisation semblable à l’Espagne. Mais qu’on ne nous explique pas cela par une soi-disant « meilleure gestion française » de la crise, ce serait jeter de l’huile sur le feu. Le désespoir français se mesure par l’abstention de plus en plus  massive et structurelle des jeunes aux élections qui se transforme au fur et à mesure en scission silencieuse mais durable entre la société et la politique. Rien de très encourageant pour la classe politique.

Il est encore temps de changer notre façon de faire de la politique, d’approfondir notre démocratie, d’organiser la participation citoyenne, de renouveler et diversifier la classe politique, de comprendre les enjeux d’un monde numérique libre et de ne plus considérer la jeunesse comme la variable d’ajustement de nos politiques économique et social mais comme un atout majeur sur lequel investir économiquement, socialement et culturellement. La jeunesse a des affinités électives avec l’utopie, c’est à elle qu’il nous faut confier notre avenir…

Georges Bernanos disait : « C’est la fièvre de la jeunesse qui maintient le monde à la température normale. Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents. »

Aujourd’hui, la surchauffe nous guette !

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3 commentaires sur Ils ont quitté la Puerta del sol…

  1. avec elle

    Excellent, Najat!

    La jeunesse va de l’avant et le vieux monde sera bientôt derrière nous.

    Amitiés fraternelles.

    Carlo

  2. hiairrassary jacques

    Bravo ,Najat,je suis un peu plus jeune que Walter,je ressent ce même point de vue.Je te félicite de ta constance envers Ségolène Royal.Continue ainsi ,elle le mérite.j’espère de tout cœur que l’on fêtera sa victoire bien méritée.

  3. Walter Weideli

    C’est toi, Najat, qui a écrit cet edito? Mais c’est incroyable! Il dit exactement ce que je ressens bien que j’aie déjà 84 ans.
    Continue et vive Ségolène qui rassemble des jeunes de ta qualité.

    Walter
    Section Bergerac 2

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