Aujourd’hui à la Foire de Châlons-en-Champagne (Marne) – La ministre du Droit des femmes, porte-parole du gouvernement, livre son regard sur la question de l’égalité entre hommes et femmes
Vous venez ce jeudi (aujourd’hui) à la Foire de Châlons-en-Champagne sur la thématique de l’égalité hommes/femmes. À cet égard, est-on encore en phase de progrès ou de stagnation ?
« Très honnêtement, cela dépend des secteurs. La société française vit dans une illusion d’égalité. Pour beaucoup, le combat pour les droits des femmes et l’égalité est derrière nous, mais quand on fait le point, on se rend compte que, dans bien des domaines, la situation s’est dégradée. »
Vous pensez notamment à la dimension professionnelle ?
« Oui, dans ce domaine, l’écart des rémunérations est encore d’environ 27 %. Ce qui se creuse, au-delà des différences de salaires et de promotions, ce sont les racines des inégalités, ce que j’appelle les angles morts de l’égalité professionnelle : les temps partiels contraints où les femmes sont surreprésentées, ou encore le développement de métiers dans lesquels les femmes sont très présentes et qui offrent des rémunérations, des horaires atypiques et des conditions de travail trop souvent précaires, notamment l’aide à la personne, le service à domicile… Un chiffre qui ne peut que frapper : la moitié des femmes actives sont cantonnées dans seulement douze des quatre-vingts familles professionnelles… »
Quelles sont vos propositions pour remédier à cette situation ?
« La loi est déjà riche et prévoit des dispositifs de sanction pour les entreprises qui ne jouent pas le jeu de l’égalité professionnelle. Il faut rendre plus efficaces ces dispositifs. Il faut aussi associer les partenaires sociaux pour contrer les racines des inégalités que j’évoquais : le temps partiel, l’articulation des temps de vie personnel et professionnel, la répartition des tâches domestiques. Il faut enfin s’appuyer sur les expérimentations en cours et à venir dans les collectivités locales qui sont souvent précurseurs en la matière… »
À quel type d’expérimentation faites-vous allusion ?
« Je pense notamment à l’action menée par Jean-Paul Bachy en Champagne-Ardenne avec l’Observatoire régional pour l’égalité professionnelle dans lequel se développe un dialogue social très fort. Je pense aussi au travail réalisé par Adeline Hazan, désormais secrétaire nationale au Parti socialiste au droit des femmes, et qui met en œuvre des actions exemplaires à Reims. Il faut, avec les régions, travailler sur l’orientation et la formation. Il faut enfin développer des actions de proximité pour outiller les petites et moyennes entreprises en matière d’égalité professionnelle. Ce sera notre priorité dans les semaines à venir. »
On a eu le sentiment de forts progrès dans les années 70 à 90. Mais aujourd’hui, il est encore beaucoup question d’une société machiste et misogyne. De nombreux faits divers le prouvent. N’est-ce pas une forme de régression ?
« Il faut distinguer la réalité des faits, leur nombre, et la perception qu’on en a. Parce qu’il est vrai qu’on parle davantage de ces affaires. Cela signifie que le seuil d’intolérance aux “violences sexistes” a augmenté dans la société, c’est une bonne chose : il est très important de les dénoncer. De ce point de vue, la loi votée à l’unanimité sur le harcèlement sexuel est un signal très fort adressé par le gouvernement et le Parlement. La prochaine étape sera la création d’un Observatoire national des violences faites aux femmes avec pour but de mettre un terme au silence et aux tabous, et sortir du huis clos conjugal ou familial. »
Êtes-vous féministe ?
« Oui. Le féminisme pour moi, c’est le fait de se battre pour l’égalité des droits entre les sexes. Je me demande qui pourrait se targuer de ne pas l’être. »
Qu’appelez-vous la diplomatie du droit des femmes ?
« Lorsque je suis arrivée au ministère du Droit des femmes, j’ai reçu de nombreux courriers de l’étranger, venant du Maghreb, d’Afrique noire, d’Europe de l’Est et d’Amérique latine. Il s’agissait de courriers de femmes menant des combats et disant combien elles comptent sur la France pour porter une parole universaliste. Il faut dire que, sur la scène internationale, des lobbies conservateurs tentent depuis plusieurs années de remettre en cause les acquis des femmes. Alors il faut se battre et aller plus loin. »
Êtes-vous inquiète de la situation des femmes dans les pays ayant connu le Printemps arabe ?
« On ne peut qu’être aux côtés de celles qui, en Tunisie, descendent dans la rue pour refuser l’inscription d’une “complémentarité des sexes” dans la Constitution. Tout comme on est inquiet lorsqu’on voit la condamnation à deux ans de camps des Pussy Riot, ou encore certains propos sur le viol tenus par quelques Républicains aux États-Unis. Le combat pour les droits des femmes et l’égalité des sexes est loin d’être un long fleuve tranquille. »
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