Retrouvez ici la tribune de Najat Vallaud-Belkacem publiée dans le quotidien Libération du 13 septembre :
Le combat pour les droits des femmes n’a pas de frontières car il s’attaque à une réalité qui a su composer avec toutes les cultures et que la civilisation et le progrès ne suffisent pas à rendre caduque : l’inégalité des sexes. Au cours de ces dernières semaines, l’opinion mondiale a été interpellée par ces milliers de femmes et d’hommes qui défilaient dans les rues en Tunisie pour refuser l’inscription dans la constitution de la complémentarité des sexes, par les jeunes féministes Pussy Riot condamnées à deux ans de camp en Russie, par des responsables du parti républicain aux Etats-Unis qui proféraient des propos scandaleux, venus d’un autre temps, sur le «véritable viol».
Elle doit l’être tout autant par l’insupportable persistance, partout dans le monde, des violences faites aux femmes. C’est le premier fléau de l’humanité. 650 000 femmes à travers le monde font l’objet d’un trafic chaque année. 100 millions de femmes dans le monde ont subi des mutilations génitales féminines. Au Mali ou en Haïti, elles ne disposent toujours pas des protections nécessaires contre les viols. En Inde, le taux de mortalité infantile des filles est 61% plus élevé que celui des garçons. En France, une femme meurt encore tous les trois jours sous les coups de son compagnon.
Face à ces défis, il faut des positions ambitieuses, une véritable «diplomatie des droits des femmes». Les droits des femmes constituent déjà de longue date l’un des marqueurs de notre politique étrangère. C’est le résultat de l’accent que nous mettons sur la défense des droits de l’Homme. Il est temps d’en faire un chantier diplomatique à part entière. Ces droits ne sont pas juste la conséquence naturelle des droits de l’homme ou une sorte de succédané. Ils sont le meilleur thermomètre de l’égalité réelle dans les sociétés.
En France, mon ministère est celui de la troisième génération des droits des femmes. La première génération consistait à effacer de la loi les discriminations faites aux femmes : ce fut l’obtention du droit de vote, du droit d’ouvrir un compte sans autorisation du conjoint ou encore d’exercer une autorité parentale pleine et entière… La seconde génération, à leur accorder des droits spécifiques liés à leur condition de femmes : libre disposition du corps, protection contre le harcèlement, les violences de genre… Ces droits ont été inscrits dans la loi. Ce serait s’illusionner que de croire qu’ils ont désormais la force de l’évidence : c’est un combat permanent de s’assurer qu’ils sont pleinement mis en œuvre et jamais remis en cause.
Leur donner force d’évidence c’est justement l’objet de cette troisième génération de droits : la tâche est plus rude que celle qui consistait à adopter des lois car il s’agit aujourd’hui, pour en assurer l’effectivité pleine et entière, de travailler sur les mentalités. De déconstruire les rôles assignés de façon diffuse par la culture et la tradition, l’école et les médias, aux femmes et aux hommes et qui les cantonnent dans des responsabilités différenciées et inégales. De lever dans la société le niveau d’intolérance au sexisme et aux inégalités. C’est ainsi que nous lutterons vraiment contre les violences ; que nous arriverons enfin à imposer autant de femmes que d’hommes au Parlement ou à la direction des grandes entreprises ; que les femmes ne seront plus cantonnées dans les emplois précaires et seront payées de la même façon que les hommes.
Au niveau international, ce chantier doit être porté en permanence comme la pierre de touche d’un nouveau dialogue entre les Etats et d’une diplomatie de projets que le président de la République a appelé de ses vœux. Dans les enceintes multilatérales, les engagements de Pékin sont régulièrement remis en cause. Au nom d’un relativisme culturel qui a pour objectif de faire reculer les droits des femmes, des conservateurs de tous bords contestent le droit à l’IVG, le droit de circuler librement ou l’égalité des droits. Le combat pour les droits des femmes est universel, et la France le rappellera avec force dans chacune des conférences internationales à venir, comme à Rio récemment. Il faudra veiller à ce que la lutte contre la traite des êtres humains, prévue par la convention d’Istanbul se dote d’un bras armé pour aboutir à des actions de coopération efficaces.
Au sein même de l’Union européenne, les droits des femmes doivent être un axe fort de notre politique sociale. On oublie trop souvent que l’égalité des sexes est depuis le traité de Rome l’une des premières compétences de l’Union dans le domaine social, une compétence que la France a imposée. La commission européenne présentera le 20 septembre une proposition de directive visant à créer des quotas de femmes dans les Conseils d’administration, à l’image de la loi que nous avons adoptée en 2011. Des crispations se font déjà jour sur son contenu. Nous pousserons ce texte avec tous les Etats membres de bonne volonté pour montrer que l’Europe sociale n’est pas un gros mot et qu’elle a un avenir. Cet avenir commence d’abord par l’Europe des femmes. Il appartient aux responsables politiques de s’y atteler et à nos ambassadeurs de porter haut et fort ce message dans le monde : l’égalité passera par les droits des femmes ou ne passera pas.
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Profondement decue aussi. Contente pour Guillaume Bachelay mais ce que Solferino a fait est HONTEUX !
Beaucoup de déception pour le PS à la place des hommes on aurait du mettre une femme pour pérenniser les travaux de MMe AUBRY , je pense : Karine Berger, Mme Axelle Lemaire ,Mme Nicole Castioni ,