40 ans de la loi Veil : le jour où tout a changé

Droits des femmes Publié le 26 novembre 2014

Retrouvez ici la tribune publiée par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à l’occasion du 40ème anniversaire de l’ouverture de l’ouverture par Simone Veil à l’Assemblée nationale des débats conduisant à la reconnaissance de l’interruption volontaire de grossesse:


Il y a quarante ans aujourd’hui, Simone Veil ouvrait les débats parlementaires qui aboutirent à l’adoption d’une loi historique pour les droits des femmes. Quarante ans plus tard, ce droit des femmes à disposer de leur corps constitue encore un acquis majeur de l’émancipation des femmes. C’est le choix des femmes de maîtriser leur fécondité, de décider d’être enceintes ou pas, d’être mères ou pas.

En reconnaissant l’interruption volontaire de grossesse, le projet de loi suscita la crispation de la droite réactionnaire et un déchaînement de haine d’une rare violence à l’encontre de la ministre qui le portait. Le combat de cette femme à la tribune était et reste le combat de toutes les femmes.

Si les jeunes générations peinent sans doute à imaginer l’angoisse, j’allais dire la détresse, que pouvaient ressentir les femmes avant la reconnaissance légale de l’IVG, elles auraient tort de se croire à l’abri de tout recul. Elles auraient tort de croire que le combat pour le droit à l’IVG est un combat du féminisme historique aux accents que certains se plaisent à dire dépassés…

Au-delà de nos frontières, nous assistons régulièrement à des remises en cause du droit à l’avortement. Des alliances conservatrices pour dénier aux femmes le droit à disposer de leur propre corps se constituent. Ces alliances conservatrices, je les ai vues à l’œuvre à l’ONU lors de la conférence annuelle sur le Statut de la femme en mars 2014, conjuguant leurs forces pour s’opposer aux progrès, pour enclencher le retour en arrière… Je les ai combattues comme ministre des Droits des femmes, avec le soutien des parlementaires et des associations, pour défendre au nom de la France, l’inscription des droits sexuels et reproductifs dans les prochains objectifs du millénaire et garantir l’accès universel des femmes à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, comme condition de l’autonomie et du développement.

Les conclusions adoptées à l’issue de cette conférence ont permis d’enregistrer une victoire pour la Diplomatie des droits des femmes. Mais il faut l’avouer, les alliances n’ont rien cédé de leur volonté de remettre en cause dans les instances et conventions internationales la mention des droits sexuels et reproductifs des femmes.

Ce combat doit se poursuivre. Il doit être gagné car dans le monde, ce sont encore 70 000 femmes qui meurent chaque année des suites d’un avortement pratiqué dans de mauvaises conditions.

Dans notre pays lui-même, les contestations n’ont depuis 40 ans jamais vraiment cessées… Et les invectives et autres outrances entendues lors des débats sur la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes montrent que la mobilisation qui précédât la loi, qui l’accompagnât est encore aujourd’hui nécessaire.

Depuis 2012, de nettes avancées ont été enregistrées: remboursement intégral, revalorisation des tarifs, mobilisation estivale des services pour garantir la continuité d’un accueil des femmes, création du site ivg.gouv.fr pour apporter une information publique objective aux femmes trop souvent trompées par des sites aux intentions dissimulées… mais au dessein clairement assumé… celui de faire douter les femmes, de les faire culpabiliser. Comme si la décision d’avorter n’était pas déjà assez dure à prendre pour une femme. Simone Veil le disait il y a 40 ans. Et rien n’a changé… il suffit d’écouter les femmes…disait elle.

La loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes que j’ai portée a permis de franchir une étape supplémentaire: renforcement des sanctions pénales en cas d’entrave à l’information sur l’IVG, et surtout, la suppression de cette fameuse condition de détresse, devenue obsolète, et que le Conseil constitutionnel a validée.

L’Histoire du droit à l’IVG n’a pas fini de s’écrire. Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes que j’avais sollicité a remis un rapport au début de l’année préconisant de progresser sur l’accès effectif aux centres IVG sur l’ensemble du territoire. Le planning familial m’avait proposé au cours de l’été la mise en place d’un numéro unique d’écoute et d’orientation… Les constats existent et sont souvent largement partagés. Des services se sont d’ailleurs engagés concrètement pour des améliorations effectives, comme c’est le cas de l’Agence régionale de santé de la région en Ile de France … je me réjouis que la ministre des affaires sociales, de la santé et des Droits des femmes présente en janvier prochain un plan pour améliorer l’accès à l’IVG partout en France.

En fin de compte, comme toujours lorsqu’il est question de l’IVG, c’est la volonté politique qui fait avancer la société. Ce fut le cas il y a 40 ans lorsque Simone Veil défendait son projet en évoquant avec courage ces femmes que la loi rejette “dans l’opprobre, la honte et la solitude”. Aujourd’hui à l’Assemblée nationale sera examinée une proposition de résolution visant à réaffirmer le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse en France et en Europe.

Nul doute que beaucoup, et j’en serais évidemment, seront attentifs à ce qu’ en ce jour anniversaire, celles et ceux qui monteront à la tribune puissent dire leur attachement à ce droit si essentiel pour les femmes et pour lequel, au-delà du souvenir des débats passionnés du 26 novembre 1974, nous devons rester totalement mobilisés.

Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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4 commentaires sur 40 ans de la loi Veil : le jour où tout a changé

  1. David

    Et les femmes enceintes qui souhaitent garder leur enfant malgré leur entourage qui veut les contraindre à avorter…
    Qu’en pensez-vous ?
    Que proposez-vous à ces mères en détresse ?

  2. LANCIEN Dominique

    Vos nouvelles Lois très Bien ! La Visibilité,beaucoup Mieux! Pour cela,il faut augmenter l’accès et la proximité aux IVG !!! Là! Vous verrez que nombreux Français et Françaises sauront reconnaître que c’est du concret et qu’inévitablement ILS ELLES s’en souviendront.Tenez Bon,Vous faites une Politique Propre pour Notre Présent et Leur Avenir!

  3. petit

    Madame La ministre, il reste une loi injuste, qui provoque non seulement des drames, des injustices et de la criminalité, qui met en danger physiquement et sanitairement et qui fait aussi par ricochet grimper le FN* : La loi de 1970 sur les stupéfiants. Il faut changer cette loi qui vire au drame sanitaire et sociale…
    (*je développe quand vous voulez)

    Cordialement.

  4. Odile FONTAINE

    J’admire Simone Weil d’avoir eu le courage et la force de défendre ce projet de loi. Je remercie Najat Vallaut-Belkacem de ses prises de position en faveur des femmes.
    Je demande qu’on intensifie les campagnes de contraception surtout pour les très jeunes filles sans laisser aucune autre femme seule avec ses problèmes. L’avortement ne doit pas être considéré comme un moyen de contraception.
    Odile FONTAINE

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