Mercredi 17 décembre, j'ai eu le plaisir de remettre la Médaille d'Or du CNRS à Gérard Berry, grand chercheur, pédagogue et visionnaire de l'informatique et de prononcer ces quelques mots de félicitations.
Madame la Ministre,
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Président du CNRS,
Mesdames et Messieurs les présidents, directeurs et professeurs,
Mesdames et Messieurs,
Cher Gérard Berry,
Je souhaite à mon tour vous exprimer le plaisir que j’ai à être parmi vous, l’honneur que représente le fait de remettre la médaille d’or du CNRS et le bonheur particulier de vous la remettre à vous, Gérard Berry.
D’abord parce que le CNRS en général, et les lauréats de cette médaille d’or en particulier, font la fierté de la France.
Notre pays a beaucoup de chance de disposer d’un établissement d’excellence tel que le CNRS : plus de 11 200 chercheurs ; plus de 13 700 ingénieurs qui, chaque année, produisent du savoir dans tous les champs et ont à cœur de le diffuser.
C’est une grande chance parce que grâce aux équipes du CNRS, conduites par Alain Fuchs, la France s’est placée au plus haut niveau sur la scène mondiale. Avec 43 000 publications en moyenne par an et de nombreux brevets qui contribuent chaque année au développement économique de la France, le CNRS est aujourd’hui le premier opérateur scientifique mondial.
Et quelle chance également de disposer d’un organisme public de recherche capable de faire émerger d’aussi prodigieux talents, à travers notamment la médaille d’or que nous remettons aujourd’hui !
Cette médaille d’or du CNRS n’est pas seulement un symbole d’excellence. Elle porte aussi en elle un idéal scientifique qui lui confère une valeur particulière.
Un idéal qui se garde bien d’opposer recherche fondamentale et recherche appliquée et qui, au contraire, porte au firmament leur complémentarité. Nous avons besoin de la recherche appliquée et de sa contribution au développement économique. Nous avons tout autant besoin de la recherche fondamentale, des innovations de rupture qu’elle apporte et de l’élargissement des connaissances qu’elle permet. Et quand bien même elle ne trouve pas toujours d’application directe, le simple fait de mieux comprendre les choses permet à l’humanité d’avancer.
L’idéal scientifique de la médaille d’or du CNRS, c’est aussi une même considération accordée aux sciences dites « dures » et aux sciences humaines, et je m’en félicite. Parmi les lauréats se trouvent les plus grands noms de la physique, la chimie ou la biologie, mais aussi l’ethnologue Claude Lévi-Strauss, l’historien Jacques Le Goff ou le sociologue Pierre Bourdieu.
Et je le disais, cette médaille que nous remettons aujourd’hui est un symbole d’excellence. Parmi les médaillés depuis 60 ans, 11 ont obtenu le Prix Nobel -dont le dernier en date Jean Tirole- et 2 la médaille Fields. Certes, je ne peux m’empêcher de remarquer avec une pointe d’humour mais aussi de préoccupation que seules trois femmes figurent dans la longue liste des lauréats. Amener davantage de femmes vers les carrières scientifiques, voilà un enjeu de taille ! Je sais que le CNRS s’y emploie et je remercie Alain Fuchs, son Président.
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Gérard Berry, c’est votre talent que nous célébrons aujourd’hui, vous qui avez contribué à la reconnaissance de la science informatique en tant que discipline autonome.
Vous vous êtes attaché à un problème fondamental de la science informatique : comment générer automatiquement des programmes en temps réel, sans faute. La création du langage synchrone Esterel a fait votre renommée internationale et trouve aujourd’hui de nombreuses applications directes, par exemple pour les logiciels de pilotage d’avion.
Mais je suis particulièrement marquée par vos travaux sur les bugs informatiques. Sous prétexte qu’il s’agit d’un sujet d’une grande technicité, un peu obscur pour qui n’est pas spécialiste de l’informatique, les dirigeants politiques ont tendance à considérer ces bugs soit avec fatalité, soit en leur accordant un regard lointain et en laissant le soin aux experts de s’y intéresser. C’est là une erreur fondamentale que vous nous invitez à ne pas commettre. Les bugs informatiques doivent être traités par tous, et notamment par les dirigeants, à la hauteur des enjeux. Ils doivent l’être parce qu’ils ont un coût élevé pour la société ; un coût économique et parfois même un coût humain. A ceux qui méconnaissent l’importance de ce sujet, je ne rappellerai que quelques exemples dont certains font partie, je le sais, de ceux que vous aimez citer. Le décès de plusieurs patients américains à la fin des années 1980 à la suite de l’utilisation d’un appareil de radiothérapie ? Un bug informatique. Le crash du téléphone interurbain américain ? Un bug informatique. L’explosion d’Ariane 501 après 37 secondes de vol, en 1996 ? Encore un bug informatique.
Mais surtout, je le disais, vous avez contribué à faire de la science informatique une discipline autonome, reconnue, et qui irrigue aujourd’hui les autres disciplines. Pour cela, vos pairs vous doivent beaucoup. Cher Gérard Berry, pour les générations d’informaticiens à venir, dans 10 ans comme dans 100 ans, vous resterez à jamais le premier titulaire de la Chaire du domaine informatique créée par le Collège de France. C’est une véritable consécration pour la science informatique et nous vous la devons en grande partie. Le succès des leçons inaugurales que vous aviez données au Collège de France les années précédentes n’y sont pas étrangères. Dois-je rappeler que parmi ceux qui occupèrent les premiers une Chaire du Collège de France se trouvent d’autres chercheurs qui furent en leur temps des pionniers dans leur discipline, le célèbre égyptologue Champollion ou l’économiste Jean-Baptiste Say ? C’est aux côtés de ces personnages illustres que votre nom est à présent gravé.
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Mais à travers cette médaille d’or, Gérard Berry, ce n’est pas seulement le chercheur et l’expert qui est récompensé ; c’est aussi le grand visionnaire et le grand pédagogue que vous êtes.
Ces deux qualités vont d’ailleurs souvent de pair.
Vous faîtes partie de ceux qui, comme Auguste Comte, considèrent qu’ « on ne connaît pas complètement une science tant qu’on n’en sait pas l’histoire ». L’histoire de votre science, Gérard Berry, vous la connaissez parfaitement, et ce d’autant plus que vous avez contribué à l’écrire. Avec vous, l’informatique est à la fois une science et un art. Vous me faîtes penser à ces peintres en quête de la couleur parfaite, ou à ces pianistes capables de chercher pendant des heures la bonne nuance. La science de l’informatique est votre art et vous le maîtrisez dans toutes ses dimensions. Vous voulez tout en savoir. Vous vous interrogez, notamment, sur le glissement progressif du mot « informatique » vers celui de « numérique ». Ce qui vous intéresse au plus haut point et fait de vous un visionnaire, c’est la capacité à faire émerger un schéma mental adapté aux évolutions de l’informatique. Vous qui empruntez parfois dans vos cours la devise d’Oscar Wilde, « appuyez-vous sur les principes, ils finiront par céder », vous avez en réalité eu à cœur de développer de grands principes, finalement relativement stables en informatique, qui permettent ensuite de comprendre l’ensemble des mécanismes et des évolutions. C’est ce que vous appelez le “bon sens numérique.”
C’est cela également qui fait de vous un pédagogue et un excellent enseignant, reconnu comme tel. Ce bon sens numérique, vous avez à cœur de le transmettre au plus grand nombre et vous portez depuis le début de votre carrière la volonté de partager, de diffuser la culture scientifique. Je suis moi aussi convaincue de cette nécessité et j’ai lancé il y a 15 jours une « stratégie mathématiques » destinée à rénover l’image des mathématiques auprès des élèves. C’est dans cette optique de partage que vous avez donné une première leçon inaugurale au Collège de France, en 2008, pour permettre au grand public de comprendre comment le monde est devenu numérique. Aujourd’hui, comprendre l’informatique, réacteur du numérique, est un enjeu démocratique majeur parce que le monde entier fonctionne avec l’informatique. Laisser la compréhension du monde à quelques experts, c’est renoncer à la démocratie. C’est parce que vous en êtes persuadé et que vous êtes à la fois engagé et passionné par votre discipline que vous parvenez si bien à expliquer la complexité de l’informatique à des non-spécialistes.
Et puis, Gérard Berry, retenons également de vos enseignements qu’il faudrait cesser, sans doute, de parler de nouvelles technologies lorsque nous parlons d’informatique. Les nouvelles technologies ne sont plus nouvelles et les « pucerons électroniques », comme vous aimez à les appeler, sont dans tous les objets. On m’a mentionné l’exemple que vous citez parfois de cet enfant qui, un jour, chez sa grand-mère, voit un téléphone filaire traditionnel et lui demande pourquoi elle a installé un antivol sur son téléphone. Je trouve cela très significatif. Un enfant de 10 ans, en effet, n’a jamais connu le monde sans téléphone portable pas plus qu’il n’imagine que nous ayons pu vivre un jour sans internet. Aujourd’hui, sans informatique, le monde ne serait pas. L’informatique est devenue un objet préexistant pour les enfants. C’est pour cela qu’elle doit être intégrée à l’enseignement. J’en suis persuadée. Le Président de la République lui-même porte cette conviction. Il est temps, en 2014, d’entrer résolument dans le XXIème siècle. C’est là tout l’objectif du grand plan numérique que nous comptons déployer dès 2016 dans l’enseignement scolaire et qui doit intégrer l’apprentissage précoce du langage informatique auquel vous êtes attaché. Je sais, cher Gérard Berry, que vous avez une vision très précise de la manière dont l’informatique devrait être enseignée à l’école et de ce que devrait contenir le plan numérique à l’école. Je suis bien entendu, avec mes équipes, à votre entière disposition pour entendre vos propositions et en discuter avec vous car vous avez, c’est évident, beaucoup à nous apporter.
J’ai par ailleurs à la signature sur mon bureau une lettre de saisine du président du Conseil supérieur des programmes à qui je demande de proposer un programme d’enseignement d’exploration d’informatique et de création numérique destiné aux élèves de seconde générale et technologique que je souhaite expérimenter dans l’ensemble des académies, dès la rentrée 2015. C’est un premier pas qui me semble aller dans le sens de ce que vous souhaitez.
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Ce que je retiendrai de ce moment passé ensemble, chers amis, c’est donc le plaisir de pouvoir rendre hommage ce soir à l’excellence du CNRS et à la prestigieuse lignée de chercheurs qui ont reçu sa médaille d’or. C’est aussi le grand honneur que j’aurais eu, dans ma vie de ministre, d’avoir le privilège de remettre la médaille d’or du CNRS 2014 à Gérard Berry, pionnier d’un monde traversé par l’informatique sans laquelle nous n’imaginerions plus vivre. Cette médaille d’or fera date, j’en ai la conviction. C’est un moment unique que nous vivons en vous la remettant, cher Gérard Berry. Je sais que plus qu’une reconnaissance, vous la prendrez comme une responsabilité supplémentaire de porter haut les couleurs de votre discipline. C’est ce qui vous honore, et c’est ce qui fait de vous un grand chercheur.
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
Tags : CNRS, Gérard Berry, informatique, numérique
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Magnifique discours Najat! Chargé d’un réaliste optimisme.
l’informatique , le numérique sont les résultantes de L’ART DE MANIPULER LES ÉLECTRONS:::: “l’ELECTRONIQUE”précédée de Electricité ::::actuellement plus d’électricité !!!!!????reste peut être une médaille en or (je vous demande d’y réfléchir s’il vous plait)