Décoration de Ginette Kolinka, une femme exceptionnelle – Discours de Najat Vallaud-Belkacem

Éducation nationale Publié le 28 janvier 2016

Ce mercredi 27 janvier 2016, à l’occasion de la Journée internationale à la mémoire des victimes de l’Holocauste, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a élevé Madame Ginette Kolinka au grade de Commandeur des palmes académiques. La ministre a salué au cours de son discours une femme exceptionnelle, survivante de la Shoah et grand témoin au service de l’École et de la lutte contre l’oubli.

Retrouvez ici quelques photos de la cérémonie suivies du discours prononcé par Najat Vallaud-Belkacem :

Remise par la ministre Najat VALLAUD-BELKACEM, des insignes de commandeur dans l'ordre des palmes académiques à Mme Ginette KOLINKA, au ministère, le mercredi 27 janvier 2016 - © Philippe DEVERNAY

Remise par la ministre Najat VALLAUD-BELKACEM, des insignes de commandeur dans l'ordre des palmes académiques à Mme Ginette KOLINKA, au ministère, le mercredi 27 janvier 2016 - © Philippe DEVERNAY

 

Chère Ginette Kolinka,
Cher Richard Kolinka,

Et vous tous, membres de la famille, les amis, les proches,

Permettez-moi de commencer en m’adressant directement à celle autour de laquelle nous sommes réunis aujourd’hui. Vous, chère Ginette Kolinka.

Ce discours ne sera sans doute pas aussi court que vous l’auriez souhaité. Je tiens à m’en excuser par avance.

En effet, la première proposition que vous avez faite pour ce discours fut, je vous cite : « Ne parlez pas de moi. » Ce qui, vous en conviendrez, compte tenu des circonstances, n’est pas aisé.

Votre seconde proposition fut de vous présenter en ces termes : « Je suis Ginette Kolinka, avec mes qualités et mes défauts, ceux-ci bien plus nombreux que celles-là. » Ce serait sans doute un peu court.

Et si je me permets de rapporter vos paroles, c’est qu’elles nous disent, au-delà des mots, qui vous êtes, chère Ginette Kolinka.

Dans ces paroles résonnent votre simplicité, votre honnêteté, votre franchise aussi. Ce franc-parler fait la force de vos interventions dans les classes lorsque vous venez témoigner. Et ce franc-parler se prolonge jusque dans votre évocation du sens de votre action. Interrogée sur son efficacité, vous avez ainsi répondu, je cite de nouveau :

« Si vous me demandez à moi, je ne sais pas, peut-être, mais je ne crois pas. Ce qui est sûr c’est que cela me fait du bien, à moi, d’en parler.

Si vous leur demandez à eux, aux élèves et aux enseignants, sans doute vous diront-ils que oui. Et certains professeurs m’ont dit qu’ils étaient justement devenus enseignants en Histoire, à la suite d’une rencontre, faite en 3ème, avec des rescapés des camps de la mort. »

C’est avec mesure et avec force que vous parlez Chère Ginette Kolinka. Avec une humanité admirable. Et c’est pour cette raison que la meilleure façon de commencer ce discours, était finalement, en un sens, de vous donner la parole.

Nous sommes le 13 mars 1944 ; sixième d’une fratrie de sept enfants, vous êtes une jeune femme de 19 ans et vivez réfugiée en Avignon après que votre famille a déjà connu des persécutions au cours de l’année 1941 : le frère et le beau-frère de votre père Léon ont été arrêtés par les Allemands.

Ce jour-là des agents de la gestapo et de la milice française font irruption après avoir été informés du lieu où vous vivez reclus. Ils viennent arrêter les hommes et s’empareront de votre petit-frère, qui n’a pas treize ans, et de votre neveu, à peine plus âgé.

Et parce que vous protestez, vous êtes, vous aussi, raflée, enfermée à la prison d’Avignon, puis à celle des Beaumettes avant d’être internée à Drancy. Un mois après votre arrestation, c’est la déportation par le convoi 71 de la gare de Bobigny jusqu’à Auschwitz.

Entassés dans des wagons à bestiaux, vous êtes envoyée dès votre arrivée au camp des femmes et tatouée sur l’avant-bras. Votre père et votre frère sont gazés. Quant à votre neveu, il ne revint jamais de déportation.

Ils sont au nombre des plus de 6 millions de Juifs exterminés au cours de la Seconde guerre mondiale, dans un génocide dont la journée internationale du 27 janvier, – date-anniversaire de l’ouverture du camp d’Auschwitz – marque le souvenir.

Ils sont au nombre des quelques 80.000 Juifs de France déportés dans les camps de concentration et d’extermination ; 2500, à peine, en revinrent.

Cette cérémonie, nous l’avons voulue pour vous, et évidemment, et parce que tel est le sens de toute votre vie, nous l’avons voulue en ce jour symbolique pour chacune des victimes et pour chacun des déportés qui, ayant survécu, a su, comme vous, trouver la force de témoigner.

Le faire ici, au ministère de l’Éducation nationale, était un devoir qui nous incombe collectivement en ce 27 janvier qui invite la communauté éducative à engager une réflexion sur les génocides et à rappeler les valeurs humanistes qui fondent notre démocratie.

Cette démarche prend tout son sens plus de soixante-dix ans après la découverte des crimes commis par les nazis.

Car il ne peut y avoir d’éducation aux valeurs de la République, à la citoyenneté, à l’égalité réelle des droits entre tous, sans que nous sachions aujourd’hui nous souvenir et nous engager collectivement pour prévenir les jeunes générations.

C’est donc avec une réelle émotion que je m’adresse à vous, chère Ginette Kolinka.

Et si je vais vous désobéir en vous évoquant plus longuement que vous ne l’auriez souhaité, sachez que cette désobéissance est avant tout la marque du respect et de l’admiration que j’ai pour votre action, pour votre engagement et pour votre personne.

Au moment d’évoquer votre action, une image me vient à l’esprit.

Cette image, c’est la vôtre, chère Ginette Kolinka, lorsque vous vous êtes rendue à Auschwitz, il y a un an, avec une équipe de France Info pour, soixante-dix ans après, témoigner, encore et toujours.

Au milieu de ce camp, vous évoquiez les horreurs du passé. Vous disiez : « ici, on nous faisait faire l’appel à cinq heures du matin. Les routes et les fossés, là-bas, c’est nous qui les avons creusés. » Et la caméra montrait les endroits que vous désigniez, que vous racontiez, avec ces mots d’autant plus forts qu’ils étaient simples.

Et ce qui apparaissait alors à l’écran, c’était des endroits vides, mais d’un vide que venait remplir votre parole.

Oui, en parlant ainsi, vous redonniez aux épreuves d’autrefois, une épaisseur, une dimension concrète : vous les remplissiez ainsi avec le souci de dire ce qui n’est plus, pour mieux raviver une flamme précieuse, celle du souvenir et de la mémoire.

Vous avez survécu à l’enfer concentrationnaire de ce camp où furent exterminés plus de 1 million d’hommes, de femmes, d’enfants, et vous avez choisi d’en parler, de le raconter, de le répéter. Cela a pris du temps.

Pendant longtemps vous n’évoquiez pas cette période de votre vie. Jusqu’à ce qu’un jeune cinéaste vienne à votre rencontre. Il avait été chargé par Steven Spielberg, au cours de la préparation du film La Liste de Schindler, de récolter les témoignages des rescapés.

Il est donc venu vous voir. Vous avez refusé de témoigner. Il est finalement reparti avec une cassette de trois heures d’enregistrement, ce qui, vous en convenez vous-même, faisait beaucoup pour quelqu’un qui ne voulait pas parler. Et à partir de ce moment, vous n’avez, en un sens, jamais cessé de témoigner.

Vous avez témoigné au sein de ces groupes scolaires qui venaient visiter le Mémorial de la Shoah. Au sein des classes, à l’invitation des enseignants. Au cours de voyages, pour accompagner les groupes se rendant dans les camps. Un voyage que vous avez aussi fait avec votre famille, ce qui a constitué un moment unique pour vous tous.

Et au fil de cet engagement admirable, vous n’avez cessé, avec vos mots, avec votre force, de rappeler l’importance de ne pas se contenter de visiter, mais d’insister sur ce qui s’était passé à Auschwitz, dans ces campagnes maudites où pour reprendre Vladimir Jankélévitch « chaque printemps les arbres fleurissent, comme partout ; car l’herbe n’est pas dégoûtée d’y pousser. »

Vous ne laissiez jamais les élèves seuls face à ces bâtiments : vous expliquiez, vous racontiez, vous rappeliez.

En ce sens, votre action éducative a été, à tous égards, exceptionnelle, et la preuve d’un courage et d’un dévouement exemplaire. Car il n’est pas facile de témoigner. Il n’est pas facile de raconter une telle expérience. Vous l’avez fait. Vous le faites.

Vous témoignez, pour que l’oubli ne triomphe jamais.

Vous témoignez, car l’Histoire, a besoin de relais vivants, précieux, tels que vous.

Et c’est cet engagement au quotidien, inlassablement repris, semaine après semaine, qui est salué aujourd’hui.

La décoration qui va vous être remise est donc aussi un témoignage : celui de la reconnaissance de la nation et de cette institution Républicaine si importante, l’Ecole, qui vous doit tant.

Témoigner, donc, vous l’avez fait sans relâche, avec conviction, mais aussi avec l’ombre d’une inquiétude : et après ?

Comment passer le témoin – et ce mot n’aura sans doute jamais été aussi juste ? Comment transmettre encore et toujours, lorsque les derniers rescapés ne seront plus ?

Il y a bien sûr des œuvres, des livres, des pièces de théâtre, des films. Mais il y a aussi un autre relais, un autre lieu. Ce lieu, naturellement, c’est l’Ecole. La politique éducative que je mène en ce domaine s’appuie sur trois piliers essentiels : la connaissance, la réflexion, et l’expérience.

La connaissance, tout d’abord, qui se transmet par l’Histoire. De la même façon que la géographie déploie, pour l’élève, les limites de son monde bien au-delà de l’endroit où il vit, l’histoire déploie son temps bien au-delà de son expérience individuelle.

Elargissant son présent, l’enseignement de l’Histoire l’inscrit dans une histoire qui le dépasse, et dont la connaissance lui est essentielle pour vivre pleinement dans le présent, et se projeter vers l’avenir.

Les nouveaux programmes n’occultent aucune période, pour que chaque élève puisse se reconnaître dans l’Histoire qu’on lui enseigne, avec, au fil des ans, un approfondissement de certains enjeux.

Ainsi, dès la CM2, l’élève découvre le génocide des juifs lors de la Seconde Guerre mondiale, et il y reviendra de nouveau, avec davantage de maturité, de façon plus détaillée, au cours de la classe de 3ème.

Ces connaissances doivent aussi se renforcer par une réflexion accrue, qui est tout l’enjeu de l’Enseignement Moral et Civique, entré en vigueur en cette rentrée. Cet enseignement, dont la spécificité peine parfois à être pleinement saisie, repose sur une pédagogie de projet, et sur une pratique récurrente du débat argumenté.

En s’appuyant sur les valeurs de la République, et notamment le refus de l’antisémitisme et du racisme, il donne aux élèves les moyens d’échanger et de débattre sur des sujet aussi essentiels.

Il s’appuie aussi sur le renforcement des ressources pédagogiques, avec la présentation des deux albums d’Auschwitz, parus à l’occasion des commémorations du 70e anniversaire de la libération des camps.

Il s’accompagne enfin des ressources mise en ligne sur le portail Canopé sur les valeurs de la République qui s’enrichira de contenus dédiés à l’éducation contre le racisme et l’antisémitisme.

L’École nous offre en effet une chance extraordinaire : lieu de passage de tous nos enfants, de notre jeunesse, elle nous donne la possibilité de leur transmettre les connaissances et les réflexions nécessaires pour enseigner à chacun le respect de l’autre, et la tolérance.

Il y a un dernier pilier, essentiel : celui de l’expérience.

Car les valeurs ne sont pas simplement des connaissances et des réflexions. Elles se prolongent dans le vécu, elles s’y incarnent, et vous en êtes, chère Ginette Kolinka, un exemple remarquable.

Voilà pourquoi nous avons voulu que nos élèves puissent se rendre sur ces lieux de mémoire. Ces voyages concourent à leur faire prendre conscience de la réalité de l’extermination de six millions de Juifs d’Europe, un crime d’une ampleur et d’une forme jusqu’alors inconnus en Europe et dans l’histoire du monde.

C’est ce souci de prolonger, par l’expérience, par des projets, les connaissances et la réflexion, qui m’a amené à réformer le Concours National de la Résistance et de la Déportation. Il fallait à la fois le simplifier, lui donner davantage de visibilité, et lui redonner, en définitive, un nouveau souffle. Car c’est un concours important. Essentiel.

J’ai d’ailleurs tenu à ce que cette importance soit inscrite au sein même de l’Ecole, en insistant sur l’inscription systématique d’au moins une classe au CNRD dans chaque établissement, et en valorisant ceux qui y participent.

Cela constitue un moment important, pour chacun des élèves, non seulement dans sa vie d’adolescente ou d’adolescent, mais plus viscéralement encore dans son existence de citoyenne et de citoyens.

Car un tel projet n’est pas seulement pédagogique. Il constitue avant tout une expérience humaine, cette expérience que vous avez tenu à offrir, et à transmettre à tous ces élèves.

C’est également la force de cette expérience qui nous fait soutenir un projet avec l’association « Convoi 77 », pour que des élèves puissent s’engager sous forme de travaux d’enquête, et partir à la recherche des disparus emportés dans les convois. Nous savons que ces approches pédagogiques sont extrêmement performantes et passionnent les élèves quand il s’agit de redonner un visage, une identité, aux victimes juives de la Shoah.

Ces valeurs qui nous unissent, je n’ai pas seulement tenu à ce qu’elles soient défendues au sein de l’École : j’ai tenu à ce qu’elles soient défendues par l’École.

Cette grande mobilisation de l’École pour défendre les valeurs de la République s’est accompagnée de différentes mesures, notamment le parcours citoyen. Celles-ci permettent à l’École d’assumer pleinement la mission qui est la sienne : former des citoyens.

Il ne s’agit naturellement pas de tout faire par l’Ecole, ou à l’Ecole. L’Ecole a besoin de s’ouvrir, de forger des partenariats solides avec des institutions mémorielles et des musées. C’est tout le sens de la convention quadripartite qui sera signée ce soir avec le Mémorial de la Shoah, une institution au sein de laquelle, chère Ginette Kolinka, votre engagement a été remarquable, et vous y détenez, je crois, le record d’interventions.

Je tiens aussi à saluer l’engagement du Mémorial de la Shoah, qui par ses archives, son investissement, l’accent qu’il prend soin de mettre sur la pédagogie et la formation, participe de ce combat quotidien pour la tolérance, contre le racisme et l’antisémitisme.

Agir, ensemble, avec l’École. C’est ainsi que survivra le témoignage de tous ceux qui ont choisi de s’engager. Et j’ai donc tenu à ce que soit lancé un appel à l’ensemble des institutions républicaines et des partenaires pour nous mobiliser dans le cadre de la Semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme, le 21 mars prochain.

Nous aurons, en amont de cette semaine de mobilisation, un séminaire national de formation sur l’éducation contre le racisme et l’antisémitisme.

Pour mener ce combat, nous devons nous souvenir, nous devons connaître et expliquer ce qui s’est passé. Marc Bloch, dans ses écrits, nous le rappelle avec force : « L’ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent : elle compromet, dans le présent, l’action même. »

Le passé éclaire le présent, il donne à comprendre les tourments de nos sociétés, et comment la tentation de céder aux peurs, aux incertitudes, à la montée des haines, peut faire basculer le destin collectif de toute une nation et de tout un continent.

Vous déclariez, avoir cherché, lorsque vous étiez dans ces camps, à « vous faire toute petite ».

Eh bien, je trouve intolérable qu’aujourd’hui, en France, nos concitoyennes et nos concitoyens Juifs puissent avoir, parfois, le sentiment de devoir se faire tout petit. Ce n’est pas admissible.

Voilà pourquoi nous avons besoin de la connaissance, de la réflexion, de l’expérience. Voilà pourquoi j’ai tenu à ce que l’Histoire n’esquive jamais les enjeux du passé.

Comme vous me le disiez, chère Ginette Kolinka, « Il ne faut pas que tout cela tombe à l’eau. Il faut redire l’horreur de cette entreprise d’extermination, et ne pas oublier. »

Voilà pourquoi je n’hésite pas à le dire : cette mémoire et cette histoire que vous avez tenu à transmettre, et que vous transmettez encore aujourd’hui, l’Ecole en est, elle aussi, dépositaire.

Oui, l’École doit aussi lutter sans relâche contre l’oubli, contre le relativisme, contre toutes ces forces qui font resurgir, au sein de notre pays, un antisémitisme que nous croyions à jamais banni de nos sociétés, trop longtemps convaincus qu’après Auschwitz plus jamais ne pourrait rejaillir cette insulte à la face de l’humanité.

Aussi, au moment de conclure, je tiens à saluer votre action éducative exceptionnelle, mais je tiens avant tout à rendre hommage à la femme d’exception que vous êtes.

Je tiens aussi à saluer, comme vous l’aviez souhaité, la mémoire de toutes celles et de tous ceux qui ne sont plus, mais aussi ceux qui n’ont pu être présents aujourd’hui, et parmi ces personnes, Simone Weil.

La robe qu’elle vous a donnée à Auschwitz vous a permis, dite-vous, de vous sentir encore une jeune fille. Une jeune femme. De préserver ainsi dans l’horreur, une part d’humanité qui est chez vous, un véritable humanisme.

Vous êtes une personne rare. Une personne précieuse. Une source pour les générations de femmes qui peuvent s’inspirer de votre personne, des valeurs et des combats que vous nous offrez en partage.

C’est donc pour moi, un réel honneur que de vous dire : madame Ginette Kolinka, nous vous faisons Commandeur de l’ordre des Palmes Académiques.

Je vous remercie.

Najat Vallaud-Belkacem,
ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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Un commentaire sur Décoration de Ginette Kolinka, une femme exceptionnelle – Discours de Najat Vallaud-Belkacem

  1. Sanchez Jose

    C´est vraiment fantastique pouvoir lire des articles comme celiu la, mon fraçais n´est pas tres bon mais c´est la que j´apprent un peu chaque jour.
    Merci pour votre travail et generosite
    Jose

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