Le social structure l’individu plus que l’identitaire – Entretien à l’Obs

Retrouvez ici l’entretien de la ministre publié par le magazine l’Obs du 8 septembre 2016.

La République peut accepter le burkini ?

Le burkini n’est pas une atteinte à la République ; le burkini est une atteinte à la liberté des femmes. Confondre les problèmes est la meilleure façon de les aggraver tous et de n’en régler aucun. L’interdiction généralisée n’est pas une solution, a fortiori lorsqu’elle est utilisée, à droite, pour engranger un bénéfice électoral de la stigmatisation des musulmans. Voilà ce contre quoi je me suis élevée. Manuel Valls, lui, a certes soutenu les maires qui avaient pris des arrêtés anti-burkini pour des raisons d’ordre public, mais il a aussi dénoncé les stigmatisations.

Votre mère, en arrivant en France, était voilée ?

Ma mère porte le foulard. Je serais bien en peine de vous dire ce qui relève de la coutume, de la religion, du conformisme social et culturel, ou même de la pudeur. D’où ma profonde perplexité devant celles et ceux qui assignent un sens à telle ou telle attitude vestimentaire. Exclure certaines femmes de la vie sociale au nom d’un foulard est d’une dangerosité extrême.

Dans les universités, il y a aussi des étudiantes qui portent le foulard…

Selon la Conférence des Présidents d’Université, cela reste très marginal. Et l’université n’est pas l’école : elle accueille des adultes, majeurs et responsables.

Si c’est marginal, pourquoi le Premier ministre a-t-il également exprimé le souhait d’interdire le foulard à l’université ? Il mène un combat dur pour une stricte laïcité, alors que vous semblez plus modérée…

Manuel Valls a son identité politique, et moi, j’ai la mienne. Pour lui, l’essor de l’islam radical est le combat central. Pour moi, la société française est d’abord minée par le repli identitaire, le ressentiment à l’égard des musulmans. Je suis convaincue que donner la priorité à ce second combat est le meilleur moyen de faire durablement reculer l’islam radical, qui enfante des monstres, le djihadisme, le terrorisme. Il y a une responsabilité des musulmans à combattre ce cancer obscurantiste, mais cela n’a rien à voir avec l’injonction qui leur est faite de se désolidariser des terroristes, qui est scandaleuse, car elle présuppose une complaisance généralisée alors que c’est l’inverse.

Affirmez-vous votre identité politique en vue des échéances électorales qui arrivent, notamment de la primaire de la gauche ?

Non, je ne suis pas candidate à la primaire. Il y a suffisamment de candidats et de dissonances pour ne pas en rajouter. Il faut se rassembler derrière le plus légitime : le président de la République. La primaire est l’occasion d’un sursaut, pour peu qu’elle tranche la question de l’orientation politique et de son incarnation pour gagner la présidentielle. Si elle devient l’enjeu de positionnements tactiques pour ceux qui jouent l’après-défaite, la machine à gagner devient une redoutable machine à perdre.

L’émiettement de la gauche s’est traduit par un nombre important de démissions de ministres. Comment expliquez-vous ce rétrécissement de la base politique du gouvernement ?

La panne de sens collectif a nui à la perception qu’ont les Français de notre quinquennat, malgré toutes nos réalisations. Le collectif fait pourtant partie de l’ADN de la gauche. C’est pour cela que l’aventure solitaire d’Emmanuel Macron ne peut pas prendre à gauche. Dès le début du quinquennat, certains ont pensé qu’il pouvait être à géométrie variable, adapté à leurs contingences personnelles. J’en veux à chacun de ceux-là.

Néanmoins, estimez-vous que le système politique a besoin d’évoluer, à l’instar d’Emmanuel Macron lorsqu’il dénonce les compromis de dernière minute ou le manque de pédagogie ?

Je pense qu’il est sincère dans son désir d’élaborer une pensée politique nouvelle, même si je n’ai rien vu sortir de neuf pour l’instant. En revanche, il y a une chose avec laquelle je ne peux absolument pas être d’accord, c’est la dénonciation du « système », propos d’ailleurs toujours étrange venant de lui. C’est très problématique parce qu’elle converge avec d’autres dénonciations du « système », et c’est mettre en péril la démocratie elle-même que de dire ce genre de choses. Que veut-il dire également quand il déclare que l’élection appartient à un « cursus honorum d’un ancien temps » ? Qu’il faut en revenir à l’Ancien Régime ou à un despotisme éclairé ? Je n’aime pas qu’on flatte les bas instincts des gens. Et maintenant on commence à entendre cette petite musique, qui consiste à cracher sur la politique, aussi bien à droite qu’à gauche…

Et concernant le manque de pédagogie, est-ce la faute du gouvernement, du PS ?

Je ne souhaite pas ergoter sur les responsabilités. Mais vous me demandiez quelles étaient mes intentions : je voudrais faire connaître le bilan de ce quinquennat et contribuer au projet du suivant. Surtout, nous devons réinvestir le Parti socialiste et renouer avec l’exigence intellectuelle, en nous nourrissant de l’excellence universitaire. Indéniablement, on peut faire mieux.

N’y a-t-il pas aussi un clientélisme en vigueur dans certaines campagnes électorales, municipales notamment ?

Séduire une communauté en promettant un lieu de culte, c’est évidemment problématique. Et cela a pu exister, bien sûr. Mais les attentats ont changé la donne, y compris à l’école.

Aujourd’hui, on ne laisse plus rien passer. Les instructions données aux établissements et aux équipes sont de tout signaler, de l’incident à l’insulte antisémite proférée dans les locaux.

Combien de collégiens ou lycéens ont-ils été signalés comme radicalisés ?

De septembre 2015 à janvier 2016, nous avons eu 600 signalements. Attention, cela ne veut pas dire qu’il y a 600 individus potentiellement dangereux. Ce sont 600 actes, paroles ou comportements qui ont pu paraître préoccupants.

Parmi ces jeunes, y a-t-il des lycéens majeurs fichés S pour radicalisation ?

Ce qui intéresse l’Éducation nationale, ce n’est pas de savoir s’ils sont fichés S, mais s’ils sont radicalisés et représentent une menace. Et, oui, il y en a. Aujourd’hui, les relations entre le ministère de l’Intérieur et celui de l’Éducation sont telles que dès que la Place-Beauvau a des informations vérifiées, elles nous sont transmises. Dès lors, ils sont suivis, non plus par l’Éducation nationale seule, mais aussi par la cellule préfectorale de suivi de la radicalisation.

 

Et parmi les enseignants ?

Cela concerne moins d’une dizaine de professeurs, sur plus de 800 000. Dès lors qu’il y a une dangerosité avérée en matière de radicalisation, on suspend l’enseignant. S’enclenche ensuite une procédure administrative qui peut aller jusqu’à l’exclusion.

 

Vous avez voulu l’enseignement de la langue arabe dans le primaire et le secondaire, mais réussissez-vous à le faire entrer dans les faits ?

J’ai voulu diversifier l’apprentissage des langues vivantes, nuance. Cela passe par plus d’allemand, d’italien, de chinois, de russe. En ce qui concerne l’arabe, jusqu’à présent, l’essentiel de son apprentissage se faisait par les Elco [enseignements de langue et culture d’origine, NDLR], créés dans les années 1970 sous forme de conventions bilatérales signées par la France avec les pays d’origine des populations immigrées – Maroc, Tunisie, Algérie, mais aussi Portugal, Italie, Turquie… Ces conventions étaient guidées par l’idée que les migrants avaient des enfants qui, un jour, retourneraient dans leur pays. Le point de départ de ma réflexion est venu de mon parcours. Née au Maroc, je suis arrivée à 4 ans à Amiens et je ne parlais pas le français. Je suis passée par un Elco.

C’était drôle, d’ailleurs, je n’y comprenais pas un mot, parce que j’étais berbère ! J’ai pu constater les carences du système, que c’était plus un cours coranique qu’autre chose. Quarante ans après leur création, les Elco sont devenus problématiques : on y trouvait

du communautarisme, avec des enfants regroupés par pays d’origine, on n’avait pas vraiment de contrôle sur la qualité des enseignants. Cela fait des décennies que les ministres de l’Éducation se succèdent en connaissant ce diagnostic sur les Elco. Et personne n’a rien fait. Par paresse et par lâcheté.

Comment le nouveau dispositif fonctionne-t-il ?

Le nouveau dispositif, appelé Eile [enseignements internationaux de langues étrangères, NDLR], regroupe toutes les langues vivantes étrangères, dont la pratique en France est encore rarement proposée à l’école primaire.

Les enfants qui le souhaitent pourront y accéder sans condition d’origine ou de lien familial, en plus des vingt-quatre heures hebdomadaires de la scolarité. Les enseignants sont mis à disposition par nos pays partenaires, mais nous en assurons désormais le recrutement : ils doivent maîtriser la langue française, et les programmes sont corédigés. Ils font partie de l’équipe pédagogique de l’école et sont inspectés. Avec le Maroc et le Portugal, cette nouvelle donne est effective depuis cette rentrée. Pour toutes les autres langues, ce doit être fait à la rentrée prochaine.

À l’heure des crispations identitaires, l’enseignement de l’arabe est pour vous un pont entre la culture d’origine et la République ?

C’est surtout un plus pour tous les élèves qui l’apprennent, comme pour ceux qui apprennent le chinois par exemple. Ma présence à la tête de ce ministère a déclenché une succession de procès d’intention de la part de la droite et de ses relais d’opinion. À propos de la révision des programmes de l’année dernière, ils ont prétendu que je réduisais la place de la chrétienté dans les cours d’histoire pour élargir la part de l’islam…

La vérité, c’est que, depuis le début, l’habituel procès en illégitimité que la droite se complaît à faire à la gauche s’est doublé, me concernant, d’un procès en « insuffisante francité ».

Vous êtes une cible ?

C’est évident ! J’en parle rarement parce que c’est un piège qui m’est tendu. Pour que je finisse par passer l’essentiel de mon temps à me victimiser, à me défendre. Mais ma personne importe peu. Ce qui compte, c’est ce que je fais comme ministre de la République.

Vous avez changé les règles d’ouverture des établissements privés hors contrat. Elles étaient trop lâches ?

Il était jusqu’à présent plus facile d’ouvrir une école qu’un débit de boissons ! Comment, dans ces conditions, s’assurer du respect des valeurs de la République et du droit à l’éducation de chaque enfant ? On passe donc enfin d’un système de déclaration à un système d’autorisation.

Et pour les écoles déjà ouvertes ?

On a multiplié, l’an dernier, les inspections surprises. Pour les écoles musulmanes hors contrat, sur la vingtaine d’établissements identifiés, huit posaient effectivement problème, pour des raisons qui tenaient plus au niveau qu’au prosélytisme. Des recommandations leur ont été faites, et nous engagerons des procédures de fermeture si elles ne sont pas appliquées.

Nicolas Sarkozy et d’autres souhaitent une restriction du regroupement familial…

Nicolas Sarkozy fait dire n’importe quoi aux chiffres ! Il n’y a pas 90 000 regroupements familiaux en France chaque année, c’est-à-dire des étrangers qui rejoignent un parent étranger, mais 20 000. Les 70 000 autres sont des étrangers qui rejoignent des parents… français. Plus largement, c’est frappant de voir à quel point la droite, excepté Alain Juppé, qui résiste à cette marée populiste, a repris le logiciel de l’extrême droite : elle voit les étrangers comme des ennemis de l’intérieur. On est en train de remettre en cause le droit du sol dans notre pays, c’est très grave.

Vous êtes vous-même une enfant du regroupement familial…

Oui, mais je peux vous dire aujourd’hui que ce qui m’a le plus structurée, ce sont les conditions sociales de mon enfance. Le social structure l’individu plus que l’identitaire.
C’est ce qu’Annie Ernaux et Didier Eribon ont pu raconter sur la difficulté à s’extraire de sa couche sociale, à sortir de sa timidité sociale.

Que pensez-vous de la différence entre l’accueil fait par l’Allemagne aux réfugiés et celui de la France ?

Une question me hante : pourquoi des gens persécutés se disent que ce n’est pas en France qu’ils recevront le meilleur accueil ? Aux tenants du rabougrissement cela procure sans doute un lâche soulagement. Moi, quand je regarde le cimetière à ciel ouvert qu’est devenue la Méditerranée, si proche de nous, je pense que nous pouvons faire mieux.


Propos recueillis par Matthieu Aron, Emmanuelle Anizon, Marie Guichoux et Julien Martin.
Photo © William Beaucardet

6 commentaires sur Le social structure l’individu plus que l’identitaire – Entretien à l’Obs

  1. Une citoyenne

    Madame La Ministre,

    D’ailleurs, pour approfondir cette réflexion, peut-on réduire le repli identitaire au simple fait de l’intégrisme religieux ?

    Il semble bien n’être réduit à cela dans le débat politique en effet (ex : le port du burkini, le port du voile à l’université,…) Mais en fait, il y a une autre forme de repli universitaire qui est tout aussi inquiétante et qui a progressé bien avant ce phénomène, ces dernières décennies. Il s’agit d’un repli identitaire plus lié aux classes sociales.

    Je m’explique. Chaque individu ne s’identifie pas forcément à sa religion, mais à son appartenance à une Classe Sociale, et cela ne concerne pas que les gens athés. La lutte des classes n’a jamais été aussi forte en ce moment. On croyait ce vieux combat enterré, mais il rejaillit, car il est peut-être aussi instrumentalisé par les partis populistes, dits “anti élites” et “anti système”.

    Il y a une forme de prolétariat nouveau avec l’appauvrissement des peuples européens. Ce prolétariat nouveau intègre de plus en plus en son sein des Classes Moyennes Basses. Elles glissent par le bas.

    Les pauvres aussi sont beaucoup montrés du doigt, au même titre que les musulmans, par une certaine catégorie de la Classe Politique. Bien souvent, on leur reproche ce qu’ils sont, on les stigmatise parce qu’ils ont moins d’argent que les autres. Et quand on ne leur reproche pas d’être des travailleurs pauvres, on va leur reprocher de refuser de travailler, parce qu’ils n’arrivent pas à en trouver. La majorité précédente a beaucoup alimenté cette stigmatisation à l’égard des pauvres et des musulmans.

    Ce qu’il s’en suit, c’est que cela est venu les renforcer dans leurs convictions que la société ne leur donnait pas de place, par l’intégrisme religieux pour les uns et par le rejet de la Classe Politique et du Patronnat et tout ce qui s’en rapproche pour les autres.

    Ainsi, le prolétariat est une cible facile pour les extrémistes de toute part, car la pauvreté fragilise énormément psychologiquement et isole. Les partis populistes l’ont compris et s’en servent à des fins électorales.

    Ici en France, certains responsables de partis populistes vont non seulement mettre en avant qu’ils n’ont pas fait Sciences Po et l’ENA, juste pour justifier qu’ils se rapprochent du peuple, mais aussi, ils vont faire appel à leurs plus bas instincts en allant jusqu’à s’afficher dans la presse populaire ou des émissions populaires, comme pour tirer le débat politique par le bas, au lieu faire de la pédagogie, de les instruire par de l’éducation populaire, en invitant des experts à leurs meetings pour les aider à décrypter leur programme. Ça n’est d’ailleurs pas leurs intentions.

    L’intention des partis populistes est bien de renforcer ce prolétariat nouveau dans son repli identitaire, comme le fait Daech, par exemple, ce qui affaiblit et met en danger la cohésion nationale. Je suis moi-même prolétaire, mais avec cette chance que j’ai eue de faire des études universitaires, j’y ai notamment bénéficié de cours de sciences politiques, d’économie et de sociologie. Cela m’a donné une culture politique suffisante pour comprendre comment cela fonctionnait. Du coup, je n’ai jamais été tentée par le vote populiste, car pour moi, il est toujours apparu comme une évidence qu’ils maquillaient leur idéologie dans le but de nous attendrir, alors que d’autres nous ont blessé. Du coup, ils incitent au rejet de l’élu et de toute la classe politique qui ne sont pas de leur bord, mais aussi au rejet du patronnat et tout cela par des schémas qui sont hors de la réalité.

    Mais ce repli sur soi, par le rejet de l’autre est aussi observable dans les milieux aisés qui n’acceptent pas les pauvres comme expliqué plus haut. Voilà en quoi le vivre ensemble est de plus en plus compliqué et même menacé, les tensions étant exacerbées au sein même des différentes classe sociales.

    Et comme il n’est pas dans la culture du prolétaire de se faire un réseau, cela vient aussi compromettre son ascension sociale.

    Pour conclure, le rejet identitaire intègre aussi la lutte des classes. Ce phénomène de repli du pauvre sur lui-même, rejettant même un bloc un politique venu le voir sur ses terres en campagne électorale est inquiétant. La montée des populismes en Europe n’a jamais été aussi forte.

    Alors la solution serait, comme je le dis dans mon commentaire précédent, d’élaborer un plan de lutte très ambitieux contre la pauvreté qui amène au repli identitaire qu’il soit religieux ou de classe. Sachant que le travail se raréfie, que les opportunités de carrière, que le chômage et le nombre de travailleurs pauvres explosent, je finis par être convaincue par la nécessité de mettre en place en France un revenu universel d’existence, sans condition et pour tout le monde. Cela incitera tout un chacun de donner de son temps à autrui ou à une cause en ayant l’impression qu’elle sera rémunérée. Et ce revenu se cumulera au salaire, ce qui permettra de vivre confortablement et de ne plus avoir des fins de mois difficiles.

    Cordialement,

  2. Hassan

    Le ou Les Jeu)x Linguistique)s…

    (Il)s peu)ven)t exister selon une limite équivalente et commune d’études, #Collège2016…)

    Depuis la tranquillité réunie et la faculté éducative de ses apprentissages jusque la particularité infinie et la complexité relative de ses usages, le langage, d’ici et/ou d’ailleurs, ne défavorise aucun précepte, aucun équilibre, aucune histoire, même si certain)e)s le pensent, avec ou sans critique, aux termes de leur culture, au choix de leur degré, à l’estime de leur différence…

    Entendre et parler suppose, en toute égalité, à tous deux et à chacun)e, d’agir, même si/lorsque aucun son n’émet, ou, également, aucune voix ne s’élève…

    Petite aparté, pour la Méditerranée et ses rivages, quel pays, quel état, quelle raison récente et actuel)le n’arrive au bon sort d’un voyage existentiel, la vie d’une Mer ne peut être ni l’étendue ni le théâtre de tous maux opposés…

    Bien à Vous…

    Merci…

  3. Une citoyenne

    Madame La Ministre,

    Je rebondirai sur cette question de timidité sociale qui m’a interpellée et qui m’intéresse : “s’extraire de sa couche sociale, sortir de sa timidité sociale”. Et parallèlement, je vous exposerai mon témoignage.

    Je commencerai par vous citer : “Le social structure l’individu”. De ma propre expérience, je peux vous dire que c’est vrai, car en effet, dans le cas inverse, cela provoque bien des blocages psychologiques et des freins à notre èpanouissement.

    Je n’ai justement pas connu une série de hasards heureux comme vous et c’est probablement ce qui a pu m’empêcher de m’épanouir et de me sentir à l’aise dans certaines circonstances.

    D’abord, il n’est pas évident pour tout le monde de sortir de sa “timidité sociale” ou ce que je nomme, moi, pour ma part un “complexe social” (il faut comprendre, un complexe d’infériorité de sa situation par rapport à celle des gens qui ont mieux réussi socialement).

    Partons d’un constat simple : lorsque le salaire ne suit pas, en effet, on n’a pas les moyens de se faire une belle garde-robe, se faire coquette, élégante, ou faire des sorties, aller à la rencontre des gens, etc. Donc la pauvreté isole, d’une certaine manière, déjà, parce qu’on se sent mal à l’aise et qu’on a honte de ne pas pouvoir s’habiller correctement, mais aussi parce qu’on n’a pas forcèrent l’argent, ni l’occasion de faire des sorties. Et moins on a d’argent, moins on attire les autres.

    Et pour ma part, au fond de moi, m’intéressant par exemple à des sujets intellectuels, à la politique, etc, ayant fait des études universitaires, ces milieux m’attirent, mais je n’ose pas les fréquenter, par peur d’y trouver de l’entre soi et de ne pas réussir à bien m’y intégrer. Alors, une partie de moi essaie de se convaincre que ma place reste mon milieu social d’origine qui se trouve aussi égal à mon actuel niveau professionnel actuel, où je suis restée au bas de l’échelle.

    On éprouve un malaise, je dis bien un malaise et non de la jalousie, parfois devant les gens qui ont réussi et qui sont bien habillés. On peut craindre leurs regards ou leurs moqueries, par rapport à notre manque d’argent. Je crois que l’on se sent facilement méprisé et montré du doigt dans ces circonstances.

    D’autre part, je suis aussi issue de l’immigration, mais juste du père, donc métisse, mais je ne dirais pas que le fait du complexe social est à associer à l’immigration. Il y a des pauvres qui ne sont pas issus de l’immigration et l’inverse est vrai aussi. Moi, je ne vis pas mon complexe social actuel en relation avec mon métissage et je déconnecte les deux.

    J’ai eu la chance d’avoir des professeurs bienveillants à l’université qui m’ont énormément soutenue et veillé à ma réussite. Et je leur suis toujours très reconnaissante aujourd’hui. Cela m’amène à un nouveau constat : le manque de réseau.

    Beaucoup d’entre nous ont beau avoir un haut niveau d’études, pour autant, l’ascenseur social est resté bloqué par manque de réseau et les parcours professionnels s’en sont ressentis. Dans un autre commentaire, j’évoquais aussi le manque d’information concernant les orientations possibles pour rejoindre le secteur privé marchand quand on a des diplômes universitaires plus orientés lettres/langues/sciences humaines.

    Pour conclure sur ce volet du complexe social et de cette conscientisation très forte de lutte des classes qu’on peut parfois ressentir en nous, je me considérerais comme une nouvelle catégorie de “pauvres”. On constate que ce qu’on voit très souvent dans les classes moyennes basses, ce sont des pauvres de plus en plus éduqués et diplômés. La pauvreté progresse en France et n’épargne pas toujours des personnes qui ont réussi dans leur scolarité et dont je fais partie. C’est l’une des failles intangibles du système. Un réseau vaut un diplôme. Il faut les deux pour réussir !

    Ainsi, c’est l’un des thèmes me tenant à cœur et pour lequel je souhaite militer (avec les thèmes de la promotion du droit des femmes ou de lutte contre le racisme), il faut imaginer un plan de lutte plus efficace et ambitieux contre la pauvreté. La réussite à l’école ne suffit plus. Le travail se fait rare. Des experts sont donc en train de réfléchir à d’autres méthodes de plan de lutte contre la pauvreté et qui sont déjà à l’œuvre dans certains pays, car il y a de plus en plus de travailleurs pauvres, même très diplômés comme moi. Et si ces mesures très prometteuses étaient mises en place en France, cela me redonnerait plein espoir.

  4. Dr Adamou Mairiga

    Il est important de savoir faire le distinguo entre des termes sensibles sur des questions sensibles susceptibles d’entrainer des amalgames et la confusion dans l’imaginaire populaire. il est clair que la République française est une vieille civilisation qui est bâtie sur des racines judéo-chrétiennes puis par après sur des valeurs de liberté et de fraternité nées de la révolution française de 1789.Ce qui a ouvert la période de la laïcité donc de la séparation de l’État et de l’église.L’édification de la Nation française a été faite sur l’édification de l’identité républicaine et cela autour d’une diversité culturelle et identitaire.Toutes les couches sociales originaires de la France ou légalement installées pourvues qu’elles ne privilégient pas le sectarisme communautaire ont, en principe et conformément a la constitution laïque, le devoir de participer a la préservation de cet équilibre républicain.Des nouveaux paramètres comme l’arrivée massif et tout azimut de migrants tous horizons confondus constituent des facteurs externes qui agissent directement sur l’homogeneicite de la société française avec en aval des transformations progressives de cette dernière en termes de choc culturel et identitaire.Pour l’état également, en tant que garant de la souveraineté et de l’identité de la France, cela peut s’avérer problématique car source de remise en cause de cet équilibre social et identitaire.Pour toutes ces raisons,tout en veillant strictement a la préservation de l’identité de la République française,la diversité identitaire et sociale devra être encadrée de sorte qu’elle puisse consolider les bases et les valeurs de la République.Une fois admis et regroupes sur le sol français,plutôt que privilégier la stigmatisation et la catégorisation sociale,ces couches,dans le cadre des efforts au nom de la République, pourront servir de contre poids au terrorisme et a tout autre phénomène menaçant de l’intérieur cet équilibre républicain. Il s’agit d’un défi politique et social lie a une évolution géopolitique qui ne dépend pas de la seule France et par conséquent,qui devra faire l’objet de réflexions,chaque fois minutieuses et stratégiques, de la part des politiques et autres responsables.Ce qui devra permettre d’adapter la gouvernance du pays a cette nouvelle donne.Encore une fois,il est preferable de renforcer les dispositions de l’État qui garantiront la sécurité et l’intégration culturelle a toutes ces couches sociales que d’entretenir des polémiques anachroniques de nature a favoriser les replis identitaire et communautaire, synonymes de toutes sortes de dérives.

  5. Le Page

    Est-ce que le berbère pourra être enseigné en France ? Ce serait bien face à ceux qui mélangent tout : Arabes, Maghrébins, Musulmans, …

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