L’Éducation redevenue 1er budget de la Nation : 92,49 Md€ pour une école juste, inclusive & ouverte sur le monde

Retrouvez ici l’intervention de la ministre lors de la discussion à l’Assemblée nationale du budget 2017 de l’enseignement scolaire, ce mercredi 9 novembre 2016.

Seul le prononcé fait foi.

Monsieur le président,
Monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation,
Monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire,
Madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation,
Mesdames et Messieurs les députés,

Nous avons, en France, une chance immense : elle s’appelle l’École de la République.

C’est une institution dont nous pouvons être fiers. Elle a toujours été au cœur de la République, au cœur de notre pays.

C’est pour cette raison que lorsque nous sommes confrontés, comme aujourd’hui, à des défis d’une ampleur considérable, on ne peut envisager le redressement de la France sans s’assurer aussi de redresser l’Ecole.

Il y avait, vous vous en souvenez, urgence à agir.

Les résultats de PISA 2012 mettaient en évidence les faiblesses persistantes d’un trop grand nombre d’élèves dans la maîtrise des fondamentaux, et ils montraient le poids accru des inégalités économiques et sociales sur la scolarité de nos élèves.

Ce sont là deux enjeux qui doivent nous rassembler. Toute notre action, depuis le début de ce quinquennat, a été d’agir sur ces deux points : améliorer la maîtrise des fondamentaux, et ne plus laisser les inégalités dicter leurs destins à des élèves avant même qu’ils n’aient franchi le seuil de l’Ecole.

Les liens qui unissent la République Française et l’Ecole, vous les connaissez. Ils ont nourri bien des débats au cœur de cette assemblée au fil de l’Histoire. Mais au fil de cette histoire, il y a une chose qui n’a jamais été remise en cause : agir pour l’Ecole, c’est agir pour l’avenir de notre pays. C’est agir pour chacune et chacun d’entre nous. C’est agir pour la France.

Voilà pourquoi le budget que j’ai l’honneur de présenter devant vous continue à affirmer, comme ce fut le cas au cours des dernières années, que l’Ecole est bien une priorité, et qu’elle est au cœur du redressement de notre pays.

L’École primaire continue ainsi à être une priorité : comment pourrait-il en être autrement ?

Nous savons que les écarts qui se créent à ce moment-là sont difficilement rattrapables par la suite.

Nous savons que c’est à l’Ecole primaire que les élèves font l’acquisition des bases solides et des fondamentaux sur lesquels vont s’ériger leurs apprentissages futurs. Toute faiblesse initiale risque de peser longtemps sur la suite de leur scolarité.

L’École primaire n’est pas seulement la première des écoles : elle est aussi, à bien des égards, primordiale. Nous avons donc concentré nos efforts sur elle.

La réalité de la priorité au primaire, c’est l’arrivée, dans le premier degré, entre 2013 et 2016, d’un poste créé pour cinq élèves supplémentaires – quand, sur la même période, dans le second degré, nous avons créé un poste pour 14 élèves supplémentaires.

La réalité de la priorité au primaire, c’est aussi le rééquilibrage, en sa faveur, de la dépense intérieure d’éducation. Depuis plusieurs années, bien avant le début de ce quinquennat, un consensus existait sur la nécessité de ce rééquilibrage. Nous l’avons accompli.

Au cours de ce quinquennat, la dépense intérieure d’éducation a augmenté, dans son ensemble, de 10%, avec un effort particulier sur le primaire : l’Ecole primaire connaît donc une hausse de 12%, quand elle est de 7% pour le collège et de 4% pour le lycée.

Cette priorité est également passée par l’allocation de moyens supplémentaires pour développer, partout où cela était le plus urgent, d’une part une scolarisation des moins de 3 ans dont toutes les études ont montré les bienfaits pour l’acquisition de la langue française, et d’autre part la mise en place du plus de maître que de classes, pour, là encore, assurer la maîtrise des fondamentaux dès le plus jeune âge.

Je veux, à cet égard, aussi insister sur l’accent qui a été mis sur la maîtrise de la langue française.

Au-delà des 10 heures de français hebdomadaires, 10 heures seront consacrées, à l’école primaire, à des activités quotidiennes d’oral, de lecture et d’écriture.

Cette maîtrise est la clef de voûte des apprentissages futurs. Par elle, se construisent aussi notre rapport au monde et notre capacité à débattre démocratiquement. C’est pour cela que son apprentissage exige une pédagogie cohérente dès la maternelle, dès les premiers apprentissages.

Les programmes de maternelle, plébiscités par les enseignants, comme les nouveaux programmes du cycle 2, qui entrent en vigueur cette rentrée, ont été conçus avec le concours des meilleurs chercheurs, avec les derniers résultats de la recherche scientifique.

Ce sont d’ailleurs les conclusions de la dernière conférence de consensus du CNESCO, avant l’été, qui invitent à déployer les ressources des nouveaux programmes et à déployer les outils d’évaluation- diagnostique, comme nous l’avons fait en CE2.

Appuyer l’enseignement de la langue française sur une démarche scientifique cohérente et rigoureuse, c’est d’ailleurs le sens de l’événement consacré à la langue française qui se tenait ce jour. J’ai en effet tenu à réunir autour d’une mobilisation commune pour la réussite des nouveaux programmes de français des scientifiques, de Stanislas Dehaene à Roland Goigoux, en passant par Michel Fayol, Pascal Bressoux, Bruno Suchaut ou Maryse Bianco.

Leurs approches sont diverses mais ils sont d’accords sur l’essentiel : adosser le contenu des enseignements comme les pratiques pédagogiques sur l’état de la connaissance scientifique, non pour imposer je ne sais quelle méthode miracle, mais pour appuyer et accompagner nos enseignants.

Redresser l’École, cela passe donc par un renforcement de l’apprentissage des fondamentaux. Cela demande aussi de lutter contre le déterminisme social.

Rien n’est plus contraire à l’idée d’Ecole et à la liberté qu’elle défend, que de voir des déterminants économiques et sociaux peser sur la scolarité de nos élèves.

Alors, bien sûr, dans ce domaine comme dans d’autres, les moyens ne font pas tout. Mais l’absence de moyens ne garantit qu’une chose : l’échec de toute politique.

C’est pour cette raison que nous avons accompagné les évolutions pédagogiques et les nouveaux programmes d’une réforme de l’éducation prioritaire et d’une réforme de l’allocation des moyens, pour donner plus à ceux qui ont moins.

C’est pour cette raison aussi que l’effort engagé dès 2016 en faveur des fonds sociaux sera renforcé : nous porterons la dotation de 53 à 65 M€ en 2017.

L’enveloppe consacrée aux bourses s’établit, quant à elle,  à 670 M€ – avec une forte augmentation qui permet de financer l’aide à la recherche du premier emploi, la revalorisation des bourses de lycée, et les primes de reprises d’études.

La force d’un pays, c’est de pouvoir offrir, à chaque élève, des perspectives d’avenir.

La force d’un pays vient de sa capacité à permettre, à chaque élève, d’où qu’il vienne, d’être acteur de sa réussite. La jeunesse, ce n’est pas seulement, selon la formule consacrée, notre avenir : c’est aussi notre présent. Agir, pour la jeunesse, c’est agir dès aujourd’hui pour le redressement de la France.

Enfin, la force d’un pays vient aussi de sa capacité à savoir tenir compte des singularités de son territoire.

En tant qu’élus de la République, vous connaissez la diversité de nos départements et de nos régions.

Vous savez bien que derrière un même mot, l’Ecole, on rencontre des réalités différentes, selon les territoires dans lesquels s’ancrent nos établissements.

L’Ecole n’est pas une idée abstraite : c’est une réalité, qui s’inscrit dans un lieu concret. Nous prenons désormais mieux en compte les territoires les plus fragiles :

  • avec la réforme de l’allocation des moyens qui permet de tenir compte de la situation sociale des écoles dans l’attribution des postes.
  • Avec la généralisation, en 2016, des mesures de refondation de l’éducation prioritaire.
  • Avec le soutien de l’Etat aux communes pour le développement des activités périscolaires.

Ce sont, pour les réseaux REP et REP+, 338 M€ par an que nous investissons.

Ce sont 373 M€ pour les activités périscolaires.

Et nous continuons, pour tenir compte des territoires ruraux, à développer les conventions ruralités, qui permettent d’intégrer, dans l’évolution des effectifs, la spécificité des zones rurales.

Redresser l’École, enfin, cela passe nécessairement par des enseignants mieux formés, mieux rémunérés, à qui l’on offre de véritables perspectives de carrière.

S’agissant des 54 000 postes de l’éducation nationale, l’engagement du Président de la République sera tenu, avec 11 662 postes qui seront ouverts en 2017, dont 9711 postes d’enseignants complémentaires devant les élèves.

Les personnels de l’Education Nationale, qui font vivre, au jour le jour, l’Ecole de la République pour des millions d’élève, seront donc non seulement plus nombreux, mais aussi mieux formés et mieux rémunérés.

Cette augmentation –nécessaire et méritée – passe à la fois par la revalorisation de la valeur du point, par le PPCR – qui fera l’objet d’un investissement de 1 milliards d’euros sur 3 ans, dont 500 millions dès 2017, et enfin par un alignement de l’ISAE sur l’ISOE qui met un terme à l’inégalité qui existait entre les enseignants de primaire et ceux du secondaire.

Je tiens à préciser que les postes ne concernent pas uniquement des enseignants – et cette précision est l’occasion, pour moi, de rappeler l’action que nous avons conduite pour rendre l’Ecole plus inclusive, et améliorer en particulier la scolarisation des enfants en situation de handicap.

C’est un sujet extrêmement important : car c’est l’honneur de la République que de pouvoir garantir, à chaque enfant, de recevoir une formation adaptée à sa situation.

Je sais qu’il reste encore des difficultés, et, pour les familles, des situations parfois problématiques. Mais nous nous donnons, ici encore, les moyens d’agir.

Nous avons augmenté le taux de scolarisation des élèves en situation de handicap de plus de 25% par rapport à 2012 et nous prolongeons cet effort, conformément aux engagements du président de la République.

Nous aurons créé 4 251 postes d’AESH pendant ce quinquennat, et au bout de six ans, nous aurons 28 000 AESH en CDI et non plus, comme c’est trop souvent le cas, sur des missions ponctuelles et limitées dans le temps.

Enfin, progressivement, nous transformerons tous les contrats aidés dédiés à l’accompagnement du handicap en emplois d’AESH.

C’est en assurant la stabilité et la continuité de ces emplois que nous pourrons mieux former les personnels, et donc continuer à faciliter l’accès des enfants en situation de handicap à l’Ecole.

Il y a, dans les trois axes que j’ai évoqués devant vous, deux points sur lesquels je veux revenir : l’affirmation de la nécessité tenir compte de la singularité des territoires et des situations ; la conviction que l’Éducation doit rester un service public, et qu’elle doit, à ce titre, être nationale.

En rappelant cela, j’aborde une question qui revient de plus en plus fortement ces derniers temps : je veux bien entendu parler de l’autonomie des établissements.

Je veux, sur ce sujet, être très claire, car il me semble que sous un même mot, celui d’autonomie, on entend des choses très différentes.

Pour certains,  l’autonomie, c’est rompre avec l’idée même de service public, et envisager l’éducation comme un marché parmi d’autres.

Pour d’autres, c’est mettre en concurrence les établissements publics, leur offre de formation et les enseignants, et créer ainsi un système scolaire profondément inégalitaire.

Ma conception est différente. Chaque fois que l’on nous a, par le passé, chanté les mérites et les louanges de la dérégulation et de la mise en concurrence, qu’avons-nous vu ? Nous avons vu les inégalités se creuser, des injustices s’aggraver, et les effets pervers s’accumuler.

Le risque est grand, sous prétexte d’autonomie par exemple dans les recrutements enseignants, de laisser se défaire notre tissu de service public sur les territoires, d’organiser au final de véritables déserts éducatifs comme il y a des déserts médicaux, dans les territoires fragiles, ruraux comme urbains.

C’en sera non seulement fini de l’ambition de faire réussir le maximum d’élèves, d’élever le niveau de qualification des prochaines générations, mais aussi de transmettre les valeurs de la République, de dépasser les identités particulières pour se reconnaitre une identité commune.

Je veux donc redire devant la représentation nationale combien l’attachement à la notion de service public est indissociable de toute ambition éducative.

Cependant, l’Éducation, pour être Nationale, n’en doit pas pour autant occulter la singularité et la diversité de nos territoires et de nos élèves.

L’Education Nationale n’est pas une éducation uniforme. Ce qui doit être national, c’est l’exigence et l’ambition qui doivent s’incarner dans chaque école, dans chaque collège et dans chaque lycée.

Mais cette exigence et cette ambition que nous devons avoir pour tous les élèves n’ont de sens que si des marges de manœuvre pédagogiques sont laissées aux équipes dans les établissements, seules en mesure de choisir et de diversifier les démarches et les approches permettant à tous leurs élèves de réussir.

Donc si l’on entend par autonomie, une marge de liberté offerte aux équipes pédagogiques et aux chefs d’établissement pour tenir compte, justement, de la singularité de leur établissement et du territoire dans lequel il s’inscrit, j’y suis non seulement favorable – mais j’ai déjà commencé à l’instaurer.

L’autonomie des établissements que je fais mienne est celle qui vise à donner des marges de manœuvre pédagogiques aux équipes locales pour mettre en œuvre les priorités nationales.

Cette autonomie pédagogique implique un mode de pilotage des établissements et un véritable travail d’équipe autour du projet, une collégialité et un pilotage interne clair, fort et responsable.

Cette autonomie pédagogique, c’est celle que j’ai impulsée avec la réforme du collège, en augmentant les dotations des établissements et en permettant avec l’accompagnement personnalisé et les enseignants pratiques interdisciplinaires la mise en place d’approches pédagogiques différenciées.

C’est un aspect de la réforme qui a été peu souligné. Vous ne le trouverez pas dans les 20h, ni sur les chaînes d’information en continue. C’est pourtant un point fondamental.

C’est un changement culturel important, mais il permet à chaque établissement de s’adapter, et de mettre en œuvre des projets pédagogiques appropriés.

L’autonomie, comme le disait Jankélévitch  dans Le je ne sais quoi et le presque rien, est « la liberté du sage », parce qu’elle « associe la spontanéité à la loi ». Voilà l’autonomie qui me semble souhaitable, et qui repose, non sur la mise en concurrence, mais sur la confiance dans nos enseignants, dans nos chefs d’établissements, et dans nos équipes pédagogiques.

Qui mieux, en effet, que les principaux et les enseignants pour adapter leurs pratiques à la réalité du terrain ? Qui mieux que des acteurs de terrain, pour articuler la dimension nationale aux enjeux locaux ?

Voilà, mesdames et messieurs les députés, l’Ecole pour laquelle nous agissons, et l’École à laquelle nous consacrons, cet année encore, un budget conséquent, qui s’élèvera, pour l’Éducation Nationale, à 68,64 Md€ – et à 92,49 Md€ pour l’ensemble de mon ministère.

Ce sont des chiffres importants, j’en suis consciente. Mais ils sont, je crois, à la hauteur de l’importance de l’Ecole, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, pour notre pays et pour notre société.

Les crises et les défis, vous le savez, sont nombreux. Les opportunités et les perspectives le sont également.

Si nous voulons résoudre les crises, relever les défis, nous emparer des opportunités et élargir nos perspectives, alors, mesdames et messieurs les députés, il est une chose qui nous est absolument nécessaire : une jeunesse instruite, formée, éduquée, émancipée et citoyenne.

Voilà ce dont nous ne pourrons jamais faire l’économie, et c’est bien cette conviction qui nourrit le budget ambitieux que j’ai le plaisir de vous présenter aujourd’hui.

Je vous remercie.

Najat Vallaud-Belkacem
Ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Éducation nationale Publié le 9 novembre 2016

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