Donner aux élèves la vision la plus lucide des innombrables opportunités qu’offre le monde de l’entreprise – Entretien pour Les Échos

Éducation nationale Publié le 22 novembre 2016

INTERVIEW – À l’occasion de la semaine École-Entreprise, la ministre de l’Éducation nationale a présenté, ce mardi 22 novembre 2016, les outils visant à développer les relations avec les entreprises pour une meilleure orientation et insertion professionnelle des jeunes : Parcours avenir, Enseignement pratiques interdisciplinaires, Tuto des stages, nouvelles conventions avec les entreprises (54 conventions contre une vingtaine en 2012).
Retrouvez ici l’entretien accordé par Najat Vallaud-Belkacem au journal Les Échos à cette occasion.

La semaine école-entreprise vient de s’ouvrir, comme chaque année. Il faut « donner envie (aux élèves) de devenir entrepreneur » et leur permettre de « prendre conscience des valeurs positives de l’entreprise », lit-on sur le site du ministère de l’Éducation nationale. Certains ne risquent-ils pas d’y voir une vision idéalisée de l’entreprise ?

Il faut quand même faire un constat : trop d’élèves ont une véritable méconnaissance du monde professionnel et de l’entreprise. Or, il y a une absolue nécessité de renforcer le lien entreprise-école dans le sens où l’école, la scolarité des élèves est là aussi pour les préparer à acquérir les codes et l’expérience qui faciliteront leur insertion professionnelle future. C’est une mission que doit remplir l’école, même si ce n’est pas la seule.

Jusqu’à présent, les élèves devaient attendre le stage de 3è pour faire l’expérience du monde professionnel, alors même que cette classe de 3è est celle où on leur demande de choisir leur voie pour le lycée. Nous avons changé cela en permettant une familiarisation des collégiens avec ce monde professionnel dès la 6è. C’est le Parcours Avenir, fait de visites régulières d’entreprises, de rencontres avec des chefs d’entreprise ou de salariés invités en classe et d’expériences pratiques de mini-entreprises par les élèves.

Avec toutes ces expériences mises bout à bout – que les élèves feront systématiquement à compter de la 6è -, ils auront des idées plus précises sur le secteur dans lequel chercher leur stage en 3è, et aussi sur ce qui les intéresse et qui pourra dicter leur orientation pour que cette dernière ne soit pas subie. Le sujet est d’avoir une vision assez juste des entreprises, pas d’idéaliser quoi que ce soit.

Certains critiquent les mini-entreprises qui amènent parfois des élèves à endosser le rôle d’un DRH qui licencie ses camarades de classe…

Notre idée n’est pas de présenter une vision idéalisée ni catastrophiste du monde de l’entreprise, mais la vision la plus lucide possible des innombrables opportunités qu’offre le monde de l’entreprise. C’est très important d’expliquer aux élèves comment on accède à une entreprise, comment on peut y connaître une ascension professionnelle, voire en créer une soi-même. Leur expliquer aussi qu’on peut trébucher mais être capable de se ressaisir, de changer d’emploi ou de se reconvertir. Cela sera leur quotidien.

Les élèves sont-ils préparés avant de partir en stage ?

Depuis septembre, j’ai voulu que les lycéens professionnels aient une préparation systématique d’une semaine avant de commencer leur premier stage en entreprise. Ils y apprennent les codes, les règles d’hygiène et de sécurité, mais aussi plus largement comment s’organisent les relations du travail, qui fait quoi dans les entreprises, et comment tirer profit le mieux possible de cette expérience. Et pour les élèves de 3ème comme ceux de lycée professionnel, nous lançons aujourd’hui le site « le tuto des stages », education.gouv.fr/tuto-des-stages , avec de nombreux conseils pratiques pour se préparer : comment faire un cv, une lettre de motivation, réussir sa première journée…

Comment les entreprises s’impliquent-elles ?

Nous avons signé 54 conventions avec des entreprises ou des branches professionnelles. En 2012, il n’en existait qu’une vingtaine. Demain, nous signerons quatre nouveaux partenariats, avec SNCF, Engie, Renault et les acteurs du secteur du gaz : GRDF, GRTgaz et Canalisateurs de France. Les entreprises acceptent de s’engager dans ces partenariats parce qu’elles ont besoin d’un vivier stable et sûr de recrutement, comme PSA ou Safran par exemple. Elles ont besoin de l’apport des professeurs de lycées professionnels pour former leurs futurs salariés.

En échange, les entreprises s’engagent à prendre des élèves en stage – ceux de 3è et de lycées professionnels. Elles viennent régulièrement présenter les différents métiers dès la 6è, font des dons de matériels utiles en lycées professionnels, comme des véhicules automobiles par exemple.

Qui, au sein des établissements, veille à ce lien avec les entreprises ?

Plusieurs acteurs sont mobilisés, et d’abord le chef d’établissement. Depuis cette année, les futurs chefs d’établissement et inspecteurs ont 56 heures de formations – dont 35 heures de stage obligatoire en entreprise – pour se familiariser avec l’idée de monter des partenariats entre l’établissement et les entreprises d’un territoire. Ensuite les conseillers d’orientation mais aussi les enseignants eux-mêmes – de français, d’anglais, de mathématiques… – vont pouvoir s’appuyer sur les nouveaux programmes scolaires pour faire des focus sur le monde professionnel. Au collège, un des nouveaux enseignements pratiques interdisciplinaires est consacré au monde professionnel. Il pourra notamment servir de cadre à la création de mini-entreprises.

Il y a un an, vous jugiez les initiatives école-entreprise « protéiformes et pas toutes très lisibles ». Avez-vous évalué et fait le tri dans ces initiatives ?

Oui. Nous sommes en train de mettre en place un pilotage national, et académique au niveau de chaque recteur. Surtout, c’est ce travail d’évaluation et de tri qui nous a conduits à créer des pôles de stages. On en a installé 330 : ce sont des brigades constituées au niveau des bassins d’emploi pour aider les élèves qui restent sur le carreau à trouver un stage. Donc ce sont des pôles où on retrouve des acteurs de l’Education nationale, du monde entrepreneurial et des jeunes en service civique – ils sont 660 – pour nouer des relations étroites avec les entreprises locales ensuite sollicitées pour recevoir ces jeunes.

Le lien entre l’école et l’entreprise, c’est aussi l’enseignement de l’économie. Le président du Conseil national éducation économie (CNEE) Pierre Ferracci parlait récemment de « bavure », regrettant de ne pas avoir été consulté sur les programmes d’économie…

Nous aurions en effet dû associer dès le début le CNEE à cet aménagement du programme de l’enseignement d’exploration de SES de seconde, je le reconnais volontiers. Le coup était déjà parti car ce travail était en cours depuis longtemps déjà. C’était une ancienne et légitime demande des enseignants : lorsque les professeurs vous disent que le programme est infaisable, ou alors trop superficiellement, parce que le nombre de chapitres est irréaliste au regard du temps, c’est normal de nous adapter. J’ai saisi le CNEE et le conseil supérieur des programmes pour que nous puissions retravailler le sujet le plus posément possible. Quant à la composition du CNEE, je crois que nous gagnons beaucoup avec les nouveaux venus.

Faut-il modifier ces programmes d’économie ?

Il faut réfléchir aux compétences et aux connaissances que doit maîtriser un élève ayant suivi un enseignement de SES (sciences économiques et sociales, NDLR) au lycée. C’est le travail qui est attendu du CNEE et du conseil supérieur des programmes. Un groupe de travail est en train d’être mis en place par les deux conseils pour reprendre cette question, et tenir compte des arguments des professeurs pour un programme de SES qui tienne la route. Il faut qu’il soit mieux organisé tout au long des trois années du lycée.

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Propos recueillis par Marie-Christine Corbier pour Les Échos et publié par LesEchos.fr, ce 22 novembre 2016.

Photos © Philippe Devernay / MENESR

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Un commentaire sur Donner aux élèves la vision la plus lucide des innombrables opportunités qu’offre le monde de l’entreprise – Entretien pour Les Échos

  1. kertesz danielle

    je pense que Najat devrait être ministre de l’Education Nationale à vie !!! elle fait un travail formidable ! merci à elle ! c’est la classe !

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