Retrouvez ici le discours de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour l’inauguration du Campus Jourdan, haut lieu des Sciences Sociales, ce jeudi 23 février 2017. Le président de la République, François Hollande a dévoilé la plaque inaugurale en présence de la ministre et de la maire de Paris, Anne Hidalgo et de la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse.
Au-delà de l’esprit des lieux, nous nous préoccupons des lieux de l’esprit en investissant. #CampusJourdan. 👉https://t.co/RIKhEnrICI pic.twitter.com/IJncgEygoP
— Najat Belkacem (@najatvb) 23 février 2017
Monsieur le Secrétaire d’État, cher Thierry,
Madame la présidente du Conseil régional d’Île-de-France,
Madame la Maire de Paris, chère Anne Hidalgo,
Monsieur le Recteur de Paris, cher Gilles Pécout,
Monsieur le directeur de l’École normale supérieure,
Monsieur le Directeur de l’École d’économie de Paris,
Monsieur le Président de l’Université Paris Sciences et Lettres,
Mesdames et messieurs les chercheuses et les chercheurs,
Mesdames et messieurs les professeurs,
Mesdames et messieurs les étudiantes et les étudiants,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Évoquer l’enseignement supérieur et la recherche, parler de l’École d’économie de Paris, comme de l’École Normale supérieure, fait surgir un certain nombre d’images.
On pense d’abord à de grands esprits, à l’intensité du travail intellectuel, et l’on voit des articles, des écrits et des thèses qui participent de cette grande aventure de l’humanité qu’est la recherche scientifique et la formation.
Pourtant, tout ce travail de l’esprit ne se déploie pas abstraitement, dans le ciel des idées. Pourtant, dans la formation comme dans la recherche, le lieu a son importance.
Oui, dans le quadrangle d’Oxford ou de Cambridge, s’affirme la volonté de former, entre étudiants et enseignants, une communauté autonome, à l’écart de la ville. Et cette autonomie des universités, bien avant l’an 2007, c’est elle qui s’affirmait au cœur de Paris, dans la Sorbonne, par la relation particulière qui l’unissait au Vatican.
L’histoire de l’enseignement supérieur et de la recherche est donc, par bien des aspects, inséparable des bâtiments et des espaces, qui, au fil des siècles, ont accueilli les universités et les grandes écoles.
L’évolution même des campus nous raconte, par les changements architecturaux, l’évolution de la relation entre les lieux d’études et la société dans laquelle ils prennent place.
On parle souvent de l’esprit des lieux, et avec la jetée aux Ernest, l’architecte témoigne de son respect vis-à-vis des traditions ulmiennes : la toponymie de ce campus Jourdan fait ainsi écho à la célèbre cour aux Ernest du 45 rue d’Ulm, et d’un campus à l’autre, c’est bien l’esprit des lieux qui est préservé.
Mais au-delà de l’esprit des lieux, il est essentiel, aujourd’hui, de se préoccuper des lieux de l’esprit : voilà ce qui est au cœur de l’événement qui nous rassemble aujourd’hui.
Ce campus, bâti dans les années 1940, n’était plus adapté, non seulement en termes architecturaux, mais aussi par rapport à la recherche telle qu’elle se fait aujourd’hui.
Vous savez, au fil des échanges que j’ai pu avoir avec des scientifiques, des chercheurs, il y a toujours un épisode qui revient. Celui de la conversation-révélation.
Ce moment où se précise la pensée, où surgit une interrogation, un étonnement, n’est plus solitaire, comme ce fut le cas pendant longtemps, en tout cas dans les anecdotes qui jalonnent l’histoire des sciences et de la recherche.
C’était Newton faisant la sieste sous un pommier, c’était Archimède se plongeant dans son bain : c’est, aujourd’hui, le dialogue, l’échange, la dimension collective qui s’affirme.
C’est au cours d’une conversation à la machine à café que la problématique d’une thèse vient se préciser ; c’est une remarque d’un confrère qui permet d’affiner le protocole nécessaire à une enquête en sciences sociales, au détour d’un échange informel, assis sur un banc ; car la recherche ne se fait pas uniquement dans les laboratoires et les bibliothèques, la vie de l’esprit n’a pas d’horaires fixes, la pensée ne cesse pas de fonctionner à 19h00 pour reprendre le lendemain à 9h00.
Ce qu’offre ce campus Jourdan rénové, c’est donc à la fois un environnement de travail adapté, mais aussi un lieu de vie, collectif, dans lequel les chercheuses et les chercheurs, comme les étudiantes et les étudiants, pourront échanger.
Je salue à cet égard le travail qui a été conduit dans la conception du bâtiment autour des lieux de convivialité, où, j’en suis sûre, se vérifiera le fameux « effet coin café » cher à l’IAS (Institute for Advanced Studies) de Princeton.
Cet effet, très sérieux en dépit de son appellation, souligne que de tels espaces sont source d’innovation par le croisement des sciences qu’ils permettent.
Ces échanges, quand on voit les équipes et les institutions accueillies sur ce campus, ne manqueront certainement pas d’être stimulants et innovants.
Jourdan accueille ainsi l’Ecole d’économie de Paris, les départements d’économie, de sciences sociales et de géographie de l’ENS, l’équipe de J. Peter Burgess, la bibliothèque Jourdan de sciences humaines et sociales, le Centre Maurice Halbwachs (CMH) ; le Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP) ; le Centre européen d’études républicaines (CEDRE), créé à PSL avec le soutien de l’ENS et de l’EPHE, sous le patronage du Président de la République et des espaces d’étude et de travail pour les étudiants du Cycle pluridisciplinaire d’études supérieures de PSL.
Au cœur de cet espace, une véritable complémentarité s’instaure : entre les disciplines, entre les institutions, entre l’enseignement et la recherche.
Il faut souligner aussi tout ce qu’apporte un tel regroupement de vos équipes, de vos écoles, en termes de synergie et de dynamique.
C’est cette dynamique qui a été soutenue au fil de ce quinquennat, et qui doit l’être encore dans les années qui viennent, à la fois au niveau national et local, et je veux, à cet égard, saluer l’investissement de la Région dans ce projet.
A l’investissement des collectivités, répond celui de l’Etat.
A travers les Plans d’Investissements d’Avenir, d’abord, et je veux souligner que les équipes présentes sur ce campus, dont l’excellence a déjà été reconnue à plusieurs reprises, vont avoir ici les moyens d’exprimer tout leur potentiel, et de franchir une nouvelle étape dans leur développement.
A travers, aussi, notre action déterminée concernant l’immobilier de l’enseignement supérieur et la recherche, pour avoir des lieux à la hauteur de nos ambitions, et elles sont grandes.
Nous avons investi plus de 370 millions d’euros, en nous appuyant à la fois sur les Contrats de Plan Etat/Région, et sur le Plan CAMPUS.
Et toute la politique de site que nous avons menée avait un objectif : avoir des ensembles visibles et compétitifs au niveau international, tout en conservant un ancrage territorial et national fort, avec des dynamiques collectives et des synergies au cœur de nos territoires. Et nous avons accompagné ce changement très concrètement, notamment en attribuant des emplois aux établissements engagés dans la politique de site.
La mondialisation, qui sera au cœur de la table ronde qui aura lieu tout à l’heure, est un phénomène marqué par la capacité de l’être humain à franchir des frontières.
Mais certaines frontières, plus abstraites restent à franchir. Et celle qui trop souvent sépare le monde de la recherche de la société dans son ensemble, pour métaphorique qu’elle soit, a pourtant des effets bien réels.
Si le quadrangle oxfordien que j’évoquais traduisait une volonté d’isoler les lieux d’études et de recherche vis-à-vis de la société, nous avons, au contraire, besoin que la recherche innerve la société dans son ensemble, qu’elle soit mieux connue et reconnue.
C’est le sens du plan en faveur des sciences humaines que nous avons initié, avec Thierry Mandon, et c’est un axe fort du livre blanc sur l’enseignement supérieur et la recherche qui nous a été remis dernièrement.
Nous avons besoin d’unir sans cesse la pensée et l’action, et à la complexité du monde, doit correspondre la complexité du regard que nous posons sur lui.
C’est d’ailleurs, je vous l’avoue, avec une grande impatience que j’attends la table ronde de tout à l’heure sur la mondialisation.
Nous avons besoin de votre regard, de vos analyses, de vos expertises sur ces questions. La réalité est toujours complexe, nuancée. Il faut sortir des affirmations à l’emporte-pièce.
On entend, dans les discours politiques des uns et des autres, résonner sans cesse un mot, depuis longtemps : mondialisation. Certains la disent malheureuse, d’autres la considèrent comme l’unique voie possible. Mais avant d’en parler, il faudrait la penser, et c’est tout l’apport des sciences humaines que d’arracher des phénomènes aussi complexes à la tentation du slogan.
C’est pourquoi, au moment d’inaugurer ce nouveau campus, qui rentre ainsi dans une nouvelle ère, je conclurais simplement en rappelant ce qui, pour être évident, n’en reste pas moins trop souvent oublié : l’enseignement supérieur et la recherche ne sont pas un luxe, mais une absolue nécessité.
Les crises et les défis, vous le savez, sont nombreux. Les opportunités et les perspectives le sont également.
Si nous voulons résoudre les crises, relever les défis, nous emparer des opportunités et élargir nos perspectives, alors nous avons besoin de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Oui, nous avons besoin de campus comme celui-ci, besoins de laboratoires, de centres de recherches, de bibliothèques ou d’un banc au milieu de la pelouse : car dans ces espaces d’une étendue, en apparence, dérisoire par rapport à l’immensité de notre planète, se pense et se comprend le monde qui nous entoure.
Je vous remercie.
Najat Vallaud-Belkacem,
ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
Photos © Philippe Devernay – MENESR
Tags : Sciences Sociales, recherche
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