Discours pour la cérémonie de remise des prix 2017 “Non au harcèlement” à l’Élysée

Éducation nationale Publié le 4 avril 2017

Avec plus de 30 600 élèves impliqués cette année, contre 19 000 en 2016, le prix “Non au harcèlement” montre que l’ensemble de la communauté éducative se mobilise. Près de 1 200 professeurs, CPE, assistants d’éducation, infirmiers (…) ont accompagné les élèves qui, cette seule année, ont réalisé plus de 650 clips vidéos.

Mardi 4 avril 2017, c’est à l’Élysée avec le président de la République François Hollande que s’est tenue la cérémonie de remise des prix 2017 “Non au harcèlement”. Cela souligne que ce combat est désormais celui de toute la Nation. Lire le discours de la ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem, et découvrir les lauréats :


Madame la Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes, chère Laurence,
Monsieur le Recteur de Paris, cher Gilles Pécout,
Monsieur l’adjoint au Maire,
Mesdames et messieurs les Rectrices et les Recteurs,
Monsieur le Délégué Ministériel, cher André Canvel
Mesdames, Messieurs les Partenaires,
Mesdames et messieurs les référentes et les référents,
Mesdames et messieurs les Chefs d’établissement, les professeurs et les personnels de l’Éducation Nationale,
Mesdames et messieurs les membres du jury,
Mesdames et messieurs les lauréates et les lauréats,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Chers élèves,

Au cours de ce quinquennat, nous n’avons cessé d’insister sur la nécessité de faire du harcèlement un véritable sujet.

Nous en avons parlé, et, surtout, nous avons agi.

En 2013, il y avait 31 référents académiques harcèlement. Aujourd’hui, nous en avons 310, dans les départements et les académies.

En 2013, il y avait 30 plateformes téléphoniques académiques, avec des numéros à 10 chiffres. Aujourd’hui, pour les cas de harcèlement, il n’y a plus qu’un seul numéro vert, national, à 4 chiffres, le 3020. Et nous en avons étendu les horaires, le soir, et le samedi.

En 2013, nous commencions les formations. Elles ont porté leurs fruits. Aujourd’hui, nous avons 1 500 formateurs et plus de 300 000 adultes sensibilisés à la lutte contre le harcèlement.

En 2013, combien de clips vidéos avaient été réalisés pour sensibiliser aux enjeux du harcèlement ? 2. Pour le seul prix de cette année, combien en avons-nous ? 655, produits par les élèves eux-mêmes.

En 2013, enfin, il existait 6 fiches pour savoir quoi faire en cas de harcèlement. Aujourd’hui, nous avons une page web avec de très nombreuses ressources qui s’adressent aussi bien aux élèves, aux professionnels, et aux familles, et une page Facebook.

Vous l’aurez compris, nous pouvons être fiers du chemin parcouru depuis 2013. Fiers d’avoir instauré, en 2015, une expérimentation sur les ambassadeurs lycéens qui parlent du harcèlement aux autres élèves, un dispositif aujourd’hui généralisé.

Et puis, il y a, naturellement, ce prix « Non au harcèlement », qui nous réunit aujourd’hui. Ce prix concernait, en 2016, 19 000 élèves. Aujourd’hui, il en concerne plus de 30 600.

Année après année, mois après mois, nous avons renforcé la lutte contre le harcèlement, et nous l’avons fait ensemble, avec vous.

Nous avons abordé bien des thèmes, bien des enjeux.

Je me rappelle qu’en novembre 2015, je lançais la première journée nationale de lutte contre le harcèlement avec un clip consacré au harcèlement à l’école primaire, car nous savons, malheureusement, que le harcèlement concerne tous les niveaux, tous les cycles, toutes les étapes de la scolarité.

Mais il s’étend aussi, aujourd’hui, bien au-delà de l’École, par le biais d’Internet et des réseaux sociaux.

Voilà pourquoi le 3 novembre dernier, avec la communauté éducative, avec les médias, je lançais la deuxième journée consacrée aux cyberviolences et au cyberharcèlement.

Avec le numérique, l’emprise du harcèlement s’étend à la sphère familiale. Dans l’intimité d’une chambre, resurgissent des comportements qui restaient autrefois circonscrit à la cour d’école.

Et l’on observe parfois, comme grisé par l’impunité apparente et la dématérialisation des comportements, une intensification des insultes, des menaces, qui culminent dans des incitations au suicide.

Et nous resterions silencieux devant de tels faits ?

Et nous détournerions le regard, voire nous considérerions cela comme faisant parti de rites initiatiques propres à l’enfance et à l’adolescence, en nous disant qu’après tout, ce n’est pas bien méchant, cela a toujours existé ?

Non.

Nous avons voulu agir et nous l’avons fait – et j’ai d’ailleurs profité de la journée européenne du Safer Internet Day, le 7 février dernier, pour mobiliser à nouveau la société et les acteurs du numérique sur ce sujet.

Le résultat de tout cela, nous l’avons vu récemment : pour la première fois, le harcèlement a baissé.

Je veux vous en remercier, remercier toutes celles et tous ceux qui se sont engagés, avec nous, à nos côtés.

Je pense notamment à André Canvel, Délégué Ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire ; à Philippe Bénet, le Président de la MAE, à nos côtés depuis le début.

Je pense aussi à Olivier Esper, directeur des relations institutionnelles de Google France, à Emmanuelle Patry et à tous les YouTubeurs de RoseCarpet ; à Mirentchou Bacquerie d’E.P.E Ile-de-France,  à Justine Atlan de l’association E-enfance et à Catherine Jacquet des Petits Citoyens.

Grâce à vous, grâce à l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale, nous notons, pour la première fois depuis 20 ans, une baisse significative du harcèlement avec une diminution de 15% au collège entre 2010 et 2014.

Cela représente une baisse de 2 points.

Surtout, cela représente 64 000 enfants qui n’ont pas été victimes de harcèlement.

Et il n’y a pas que les harcelés qui diminuent : les élèves qui harcèlent sont aussi moins nombreux, et l’on constate une importante évolution dans les mentalités. Il ne faut pas se le cacher, le harceleur jouissait par le passé d’une certaine aura : il s’affirmait comme un dominant, et était considéré comme tel. C’est de moins en moins le cas aujourd’hui, et le fait de harceler est de moins en moins perçu comme positif par les élèves.

C’est, là aussi, une évolution considérable.

Mais les résultats acquis grâce à nos efforts conjugués, grâce aux équipes éducatives, aux associations, aux partenaires engagés à nos côtés, grâce, aussi, à la politique que nous conduisons depuis 2012, ces résultats ne doivent jamais nous faire oublier que la lutte n’est pas finie : le combat continue.

D’ailleurs, comment pourrions-nous l’oublier, quand l’actualité ne cesse de nous rappeler les ravages du harcèlement, dans les établissements comme sur internet ?

Le harcèlement, le cyberharcèlement, sont des violences qui continuent à faire souffrir des centaines de milliers de jeunes. Des violences qui détruisent l’enfance et l’adolescence de nos élèves, et viennent fragiliser l’adulte qu’ils deviendront. Et ce qui vient nourrir cette violence est tellement absurde, que l’atrocité des actes n’en devient que plus grande.

Voici une violence qui naît du simple fait que les autres trouvent que je ne suis pas de la même couleur de peau.

Une violence qui vient de ma taille, de mon apparence, de mes habits.

Une violence qui s’ancre dans le refus de la différence, et dans la lâcheté à l’égard des plus faibles.

Une violence qui se nourrit aussi, trop souvent, de nos silences, de notre absence de réaction, de nos regards qui se détournent et de nos indifférences.

Voilà pourquoi je refuse de considérer la lutte contre le harcèlement comme un enjeu qui ne concernerait que l’école.

Je crois au contraire que c’est un enjeu dont nous devons nous emparer, et sur lequel notre engagement doit être sans faille.

Le harcèlement, je ne l’ai pas découvert en franchissant le seuil du ministère de l’Éducation nationale.

Le harcèlement est aussi bien harcèlement sexuel, harcèlement moral, dans la sphère personnelle, familiale, ou, tout simplement, publique, dans nos rues, nos métros, nos villes et nos villages.

Au ministère des Droits des Femmes ou à l’Éducation nationale, j’ai voulu, sans cesse, renforcer les moyens de lutter contre le harcèlement, et nourrir une véritable prise de conscience : l’ensemble du gouvernement, le président de la République, se sont pleinement engagés sur ce sujet.

En 2016, la loi pour une République numérique a permis de faire reconnaitre les cyberviolences à caractère sexuel comme un délit : c’est un point auquel je suis farouchement attachée.

Non pas, comme me le disent certains, parce que je suis une femme. Comme s’il fallait forcément être une femme pour s’attaquer à ce sujet ! Mais parce que je suis profondément humaniste, attachée à la République, et lucide devant la réalité des faits.

Les études ne cessent de nous le montrer : les filles sont davantage touchées que les garçons par ces cyberviolences. A force de les subir, elles ont tendance à les intérioriser et à les banaliser. Comme si c’était normal.

Normal de se faire traiter de pute ou de salope à cause de la façon dont elles s’habillent.

Normal de voir surgir dans les commentaires de leur page Facebook des propositions indécentes formulées de façon très crue.

Normal de devoir se taire, de baisser la tête, et d’obéir aux injonctions des autres, et de se voir sans cesse demander d’envoyer des photos d’elles nues à leurs petits amis, pour finir par les voir exposées au regard de tous – et de s’entendre dire qu’elles l’avaient bien cherché.

Eh bien non. C’est tout sauf normal. C’est intolérable, et c’est ce message que je tenais à vous rappeler.

Ce message, aussi, que vous portez, par vos actions, par votre engagement, que le Président de la République, la ministre des Familles et moi-même tenons à récompenser et à saluer aujourd’hui.

J’ai parlé du passé, et rappelé d’où nous venions. Je crois qu’il est important, aussi, en ce moment, de regarder l’avenir.

L’avenir, c’est le 9 novembre 2017, la 3ème journée nationale de lutte contre le harcèlement, et je tiens à remercier, M6, RoseCarpet, France Télévisions, SFR-Numéricable et Facebook qui y participeront.

L’avenir, c’est aussi celui de notre action et son inscription dans la durée.

Alors, bien sûr, cet avenir, je ne le maîtrise pas. Je souhaite cependant une chose : que cette période où le harcèlement est devenu, enfin, un enjeu central, ne soit pas une exception dans une longue histoire d’indifférence et de silence.

Les voix qui se sont élevées, vos voix, ne doivent pas se taire. Ce n’est pas un sujet facile, bien sûr. Il exige de la lucidité et du courage.

Il exige de regarder aussi ce que nous pouvons mieux faire et ce que nous pouvons faire de plus.

Il exige, surtout, de s’inscrire dans un temps long, ce temps qui est celui de l’École, de l’éducation, de la formation, de l’évolution des mentalités. Ce temps qui nous fait le plus défaut aujourd’hui, en politique comme ailleurs, tant pèse sur nous le culte de la vitesse et l’immédiateté.

Pour s’inscrire dans le temps long, il n’y a pas de miracle : il y a un travail quotidien, sur le terrain, dans nos territoires.

Il faut des piliers et des relais : c’est, mesdames et messieurs, ce que vous êtes.

C’est votre engagement, votre dévouement, votre investissement, qui permettront à tous ces dispositifs, à ces actions, à ces journées et à ce prix, de s’inscrire durablement dans l’École, dans l’institution, et dans la société.

Au début de ce discours, j’ai évoqué les ambassadeurs lycéens qui remettront un prix lors de cette cérémonie. Je suis convaincue que c’est en permettant à nos élèves de s’engager concrètement dans la vie même de nos établissements, que nous pourrons faire avancer les choses. A la tête de ce ministère, je n’ai cessé d’agir pour faire de la citoyenneté une réalité vécue, au quotidien, par nos élèves.

J’ai donné à la parole de nos jeunes une place plus importante.  J’ai créé les conseils de la vie collégienne. Et le 7 février dernier, je rencontrais les élus du conseil national de la vie lycéenne, pour faire un bilan de la vie lycéenne.

Et si je m’inquiète, parfois, sur le devenir de cette action, à l’orée d’échéances électorales plus incertaines que jamais, il me suffit de vous voir vous, rassemblés, aujourd’hui, pour retrouver de l’espoir.

Alors, sachez-le, je compte sur votre engagement. Et vous pouvez, en retour, quoi que l’avenir nous réserve, être assurés du mien.

Je vous remercie.

Najat Vallaud-Belkacem
Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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