Olympiades nationales de mathématiques 2016 – Discours de remise des prix

Éducation nationale Publié le 1 juin 2016

La ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a remis les prix des Olympiades nationales de mathématiques,  ce mercredi 1er juin 2016. Au cours de son intervention, Najat Valllaud-Belkacem a rappelé que l’enseignement et la recherche en mathématiques constituent, pour la France, un enjeu essentiel. La ministre est revenue sur la Stratégie Mathématiques qu’elle a mise en place en décembre 2014, avant de féliciter les lycéens de première, lauréats de ces olympiades nationales.
Retrouvez ici quelques images de la cérémonie et le discours prononcé par la ministre :

Participation de la ministre Najat VALLAUD-BELKACEM, aux Olympiades de mathématiques , au Ministère de l’Enseignement supérieur - Descartes, le mercredi 1er juin 2016 - © Philippe DEVERNAY

Participation de la ministre Najat VALLAUD-BELKACEM, aux Olympiades de mathématiques , au Ministère de l’Enseignement supérieur - Descartes, le mercredi 1er juin 2016 - © Philippe DEVERNAY

Participation de la ministre Najat VALLAUD-BELKACEM, aux Olympiades de mathématiques , au Ministère de l’Enseignement supérieur - Descartes, le mercredi 1er juin 2016 - © Philippe DEVERNAY

Monsieur le Recteur, cher François WEIL,
Monsieur l’Inspecteur Général, cher Karim ZAYANA,
Madame la Directrice de recherche au CNRS,
Monsieur le président d’Animaths, cher Martin ANDLER,
Mesdames et messieurs les enseignants et les enseignantes,
Mesdames et messieurs, en vos titres, grades et qualités,
Chers amis,
Chers élèves,

Depuis l’Antiquité, de l’Orient à l’Occident, les mathématiques ont exercé une indéniable fascination.

Voici que, par les mathématiques, se calculaient des choses aussi lointaines et mystérieuses que les mouvements des astres, la taille d’une pyramide, l’équilibre d’une architecture.

Dans les formules et les théorèmes, se donnait à comprendre le monde, et dès l’origine, les mathématiques nouèrent des liens étroits avec de multiples domaines.

C’est par les mathématiques que l’école pythagoricienne appréhende la musique, vantant les rapports numériques qui régissent les intervalles des harmonies.

C’est par elles également que se pense la philosophie, comme le résume l’adage célèbre qui ornait, selon la tradition, le fronton de l’Académie : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre. »

Et cette fascination ne cessera de s’exercer au fil des siècles. Les écrits de Pascal comme ceux de Descartes ou de Leibniz témoignent de sa permanence.

Pourtant, nous voici, aujourd’hui, dans une situation pour le moins étrange. Dans notre vie quotidienne, dans les activités les plus anodines, les mathématiques, abondent.

Leurs applications actuelles vont bien au-delà de ce que l’on aurait pu supposer. Elles nourrissent, jour après jour, des innovations innombrables.

Et pourtant, les mathématiques n’exercent plus, aujourd’hui, la même fascination. Comme si, au moment même où elles sont partout, depuis l’application de la triangulation dans un GPS jusqu’aux lignes de code de n’importe quel programme, nous avions cessé de les percevoir.

Leur omniprésence nous rend-elle  aveugles à leur magie chaque jour renouvelée ? Ou bien pensons-nous que la présence, sur n’importe quel téléphone portable, d’une calculatrice, nous en dispense ?

Ce serait une grave erreur.

Les mathématiques sont indispensables dans la vie de tous les jours. Nous parlons d’ailleurs de « mathématiques du quotidien ».

L’absence de maîtrise des fondamentaux des mathématiques est donc un handicap réel pour des actes de la vie courante.

C’est pour cette raison que je crois essentiel de donner à la maîtrise du nombre une importance équivalente à celle de la maîtrise de la langue. Cette conviction a été le fondement même de la Stratégie mathématiques, j’y reviendrai.

Mais les mathématiques constituent aussi une aventure de la pensée, et, à bien des égards, un plaisir.

Ce plaisir, c’est celui de la découverte et de la réflexion. Celui, aussi, d’un certain rapport au monde, et en cela les mathématiques ne sont pas sans beauté.

D’ailleurs, c’est bien en poète que Léopold Sédar Senghor les salue, lorsqu’il écrit : « Les Mathématiques sont la poésie des sciences. »

Oui, les enjeux des mathématiques vont bien au-delà de leur simple application dans la vie quotidienne.

Il est donc important de mettre, comme aujourd’hui, à travers ces olympiades, les mathématiques à l’honneur.

Et puisque je parlais de plaisir, je tiens à vous dire que c’en est un, pour moi, d’être ici parmi vous, dans cet amphithéâtre Henri Poincaré.

Poincaré, qui, dans Science et Méthode, écrivait justement :

« Le savant n’étudie pas la nature parce que cela est utile ; il l’étudie parce qu’il y prend plaisir et il y prend plaisir parce qu’elle est belle. […] Je ne parle pas ici, de cette beauté qui frappe les sens […] ; je veux parler de cette beauté plus intime qui vient de l’ordre harmonieux des parties, et qu’une intelligence pure peut saisir. »

Beauté et plaisir. Voici ce qui nous réunit aujourd’hui. Il est important de le souligner.

Cela, bien sûr, ne signifie nullement méconnaître votre travail et vos efforts. Mais c’est l’occasion de rappeler aussi que le savoir, la connaissance et la réflexion sont de véritables plaisirs. Que l’accès à l’excellence est un véritable plaisir.

Et que c’est bien ce plaisir qui guide, au fil des années, les chercheuses et les chercheurs, qui consacrent leur vie à la science.

Oui, le savoir est aussi une affaire de désir. Un désir, qui, à travers les temps, a été, en France, particulièrement fort.

Il existe, vous le savez, une belle et grande tradition française dans les mathématiques.

Une tradition qui n’est pas sans romantisme : ainsi, derrière le nom Antoine Auguste Le Blanc, se dissimule, au XIXème siècle, Sophie Germain. Et c’est heureusement sous son propre nom, qu’elle rentrera dans l’histoire des mathématiques avec son théorème dit « de Sophie Germain ».

Ce romantisme, c’est aussi la trajectoire fulgurante d’Evariste Gallois, qui pose les bases des mathématiques modernes, et qui, par sa fin précoce à l’occasion d’un duel galant, laissera dans les mathématiques une trace équivalente à celle d’un Rimbaud dans la littérature.

Cette tradition se perpétue encore aujourd’hui.

La France est seconde au nombre de médailles Fields derrière les Etats-Unis. Mais elle est largement devant lorsque l’on prend en compte la démographie des deux pays.

Et dans le fait que l’on nous désigne comme des « esprits cartésiens », c’est encore, en un sens, les mathématiques, qui se lient à la France.

D’ailleurs, Goethe écrivait, non sans malice : « Les mathématiciens sont comme les Français : quoique vous leur dites ils le traduisent dans leur propre langue et le transforment en quelque chose de totalement différent. »

Mais cette tradition, dont vous êtes également les héritiers, ne doit, par son éclat passé comme par son rayonnement actuel, nous aveugler.

Rien ne serait pire que de nous endormir sur nos lauriers. Or, dans ce domaine, la situation est plus préoccupante qu’il n’y paraît. Un certain nombre d’études ont témoigné d’un fléchissement qui rendait une réaction forte indispensable.

Mené par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), l’étude CEDRE de 2014 portant sur le niveau des élèves en mathématiques, est venue conforter un constat pointé à plusieurs reprises par les enquêtes internationales.

Vous connaissez tous les constats posés par l’enquête PISA 2012.

Nos très bons élèves restent très bons.

Mais le niveau d’ensemble a dramatiquement baissé au collège entre 2008 et 2014. Et sur la même période, le pourcentage d’élèves en difficulté en mathématiques à la fin du collège a fortement augmenté.

Il est passé de 15% à 19,5%, soit une augmentation de près d’un tiers.

Ces chiffres nous ont interpellés. Ils nous ont interpellés au regard de l’urgence à y apporter des réponses. Ils nous ont d’autant plus interpellés qu’ils se doublaient du constat que le niveau des élèves en mathématiques devient, en France, de plus en plus étroitement lié à l’origine sociale.

Ils nous ont, enfin, interpellés parce que les mathématiques, sont, pour la France, un enjeu essentiel.

Les premières études, parues en 2015, qui évaluent l’impact socio-économique des mathématiques, estiment que les mathématiques contribuent à 15% du PIB National, et à 9% des emplois.

C’est donc un enjeu majeur dans le contexte actuel, et qui a, sur le devenir professionnel de nos élèves, une influence directe.

C’est donc un enjeu au regard de l’excellence de l’école française de mathématiques.

Mais l’importance des mathématiques, et, plus largement, de la culture scientifique en général, va bien au-delà.

C’est, je le rappelais, une question qui met en jeu notre rapport au monde.

Il était essentiel de réagir. Nous l’avons fait.

Nous l’avons fait, par la réforme du collège et par celles des programmes, en renforçant les apprentissages fondamentaux, et en offrant de nouvelles modalités d’apprentissage, notamment par les liens qu’établissent les enseignements pratiques interdisciplinaires.

Nous l’avons fait aussi avec la mise en place de la stratégie mathématique, que j’ai lancée en décembre 2014.

Cette action, inédite par son ampleur, l’est aussi par la diversité des moyens mis en œuvre : nous agissons à la fois par les programmes – je l’ai dit –, par le pilotage pédagogique, par la formation, et l’évaluation, mais aussi par l’image des mathématiques et le soutien aux actions éducatives.

C’est ainsi que nous nous montrons à la hauteur de cette tradition, et que nous maintenons l’excellence de l’école française en mathématiques.

Oui, l’école française de mathématiques a su maintenir, au fil des années, une haute exigence, et en même temps elle a su évoluer.

C’est d’ailleurs avec intérêt que j’ai constaté, dans l’un des exercices qui vous était soumis, la prise en compte de la question du développement durable et de l’écologie.

Car le calcul mené par un ingénieur ne peut pas seulement être exact. Il doit aussi, en un sens, être juste, dans toute la force de l’adjectif.

En parlant de justice et d’équité, je tiens aussi également à ce que de plus en plus de jeunes filles s’engagent dans des filières scientifiques, et dans les mathématiques en particulier.

C’est pourquoi je salue le fait qu’une femme, Maryam MIRZAKHANI, américaine d’origine iranienne, ait pour la première fois en 2014 partagé la médaille Fields.

Je me réjouis aussi de voir que la part des jeunes filles participant à ces olympiades s’élève aujourd’hui à près de 38%, et je souhaite bien sûr que ce chiffre s’accroisse encore dans les années à venir.

Car c’est en partageant ce plaisir des mathématiques, et en défendant, au quotidien, la diffusion de la culture scientifique, que nous pourrons assurer, au plus grand nombre, une maîtrise des nombres qui est, à bien des égards, essentielle.

Voilà pourquoi je tiens à saluer celles et ceux qui nous accompagnent, jour après jour, dans ce combat – car c’en est un.

Merci, donc, à l’association Animaths, qui agit sans cesse et sans relâche pour faire progresser ce plaisir des mathématiques, et qui nous accompagne pour ce concours.

Merci à Casio et Texas Instruments, pour l’aide qu’ils nous apportent, et pour leurs calculatrices qui, loin de se substituer aux mathématiques, nous permettent de les faire avancer davantage.

Merci également à Google et au Crédit Mutuel Enseignant qui nous accompagnent, eux aussi, dans cette aventure.

Un immense merci à toutes les enseignantes et les enseignants qui œuvrent, au quotidien, pour transmettre à nos élèves le goût des sciences, et je salue tout particulièrement celles et ceux qui sont avec nous aujourd’hui.

Et enfin, un très grand bravo à vous, chers élèves, et je souhaite que votre goût pour les mathématiques se prolonge encore longtemps, car, oui, nous avons profondément besoin de vous !

Je vous remercie !

 

Najat Vallaud-Belkacem
Ministre de l’Éducation nationale,
de l’Enseignement supérieur et de la recherche

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