L’insoutenable photographie de la journaliste mexicaine Julia Le Duc circule massivement depuis quelques heures sur les réseaux sociaux, et dans la presse internationale. Elle illustre dramatiquement, à travers les corps cramponnés l’un à l’autre d’un père et de sa fille, la réalité quotidienne de la migration à travers le monde.
Cette fois-ci, il y a une image. Cette fois-ci, il semble qu’elle ait frappé les esprits, suscité l’indignation, éveillé les consciences. Elle pourrait entrer dans l’histoire de ces grandes photos iconiques qui disent tout d’une époque, et contribuera peut-être à changer le cours de choses. D’autant que cette photo nous est parvenue, au moment même où, en Europe, le navire humanitaire Sea Watch 3 décidait de forcer le blocus des eaux italiennes afin de sauver la vie de 42 migrants, piégés à bord depuis deux semaines, au large des côtes européennes. Ces deux faits n’ont pas de rapport direct entre eux et les commentateurs ont sans aucun doute raison d’appeler à la prudence ainsi qu’à la raison avant de les rapprocher pour en tirer des conclusions politiques instantanées, émotives, instinctives. Et pourtant, ils font sens dans nos esprits, qu’on le veuille ou non. Notre humanité, notre sens le plus commun de la dignité parle en nous.
Cette percussion des images, des faits et des situations géopolitiques qui créent en permanence de l’émotion, de la révolte et de la polémique façonne, chaque jour, notre perception et de notre compréhension d’une question aussi complexe que celle de la migration globale. Elle construit ce qu’on appelle l’opinion, et influence lourdement les décisions politiques qui feront, ici et là, les réalités humaines de demain, pour le meilleur et pour le pire. Dans ce contexte, quel rôle va jouer la photo de Julia Le Duc ? Quel rôle va jouer le geste de courage et d’honneur de la jeune capitaine du Sea Watch 3, Carola Rackete, diffusé en direct en vidéo sur les réseaux sociaux ? Entraînant, en temps réel, les réactions politiques et diplomatiques des plus hauts responsables, à commencer par Donald Trump et Matteo Salvini. Nul ne le sait, et nous ne pouvons pas nous permettre de rester plus longtemps dans cette ignorance et cette incompréhension du fonctionnement profond de cette nouvelle économie de l’information, de l’attention, et in fine, de la fabrique de la démocratie à l’ère numérique globale.
Je l’écrivais dans une tribune dans Le Monde il y a quelques jours à l’occasion de la Journée Mondiale des Réfugiés. J’invite à nouveau celles et ceux qui sont en situation de le faire à se joindre à cet effort de recherche, de savoir et de connaissance, dans la sphère publique et privée, comme nous le faisons chez Ipsos à travers le projet « Understanding ».
Cet article est d’abord paru sur le réseau social LinkedIn le 27 juin 2019 en réaction au drame survenu la veille dans le fleuve du Rio Grande.
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